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L'azote du moût détermine les arômes fermentaires

La vigne - n°157 - septembre 2004 - page 0

Des chercheurs australiens ont ajouté deux doses d'azote à un moût carencé. La première a donné un vin fruité et floral. La seconde a provoqué l'apparition de notes acétiques.

La levure a besoin d'azote. Les conséquences d'une carence(1) sur le profil d'un vin sont de mieux en mieux connues. ' Un moût carencé ne donne jamais de vins typés ', affirme Christophe Ollivier, oenologue dans le Bordelais. Stressée, la levure ralentit son activité, et produit des mercaptans et du sulfure d'hydrogène (H 2S) aux odeurs nauséabondes.
De plus, la faculté d'oenologie de Bordeaux a observé que les moûts blancs carencés en azote le sont souvent également en glutathion, composé qui préserve la fraîcheur des vins. Toutefois, il semble qu'il ne faille pas non plus forcer la dose d'azote, sous peine de nuire à la qualité de l'arôme.
L'équipe de Paul Henschke, de l'AWRI (Institut australien de recherche sur le vin), a examiné le profil de trois vins, issus du même moût de chardonnay. Au moût initialement carencé (160 mg/l d'azote assimilable), ils ont ajouté de l'ammonium pour obtenir un moût intermédiaire (320 mg/l) et un moût riche (480 mg/l). ' La valeur intermédiaire de 320 mg/l correspond au maximum que j'ai observé dans le Gers en vin de pays blanc ', relève Thierry Dufourcq, de l'ITV Midi-Pyrénées. Ces moûts ont été vinifiés à 18°C avec la même souche de levure, l'AWRI 796. Cette dernière est reconnue pour avoir des besoins en azote élevés et pour produire de l'H 2S en cas de carence. Les trois moûts ont fermenté complètement, d'autant plus vite qu'ils contenaient plus d'azote.

Sans surprise, le vin issu du moût carencé est mal noté à la dégustation : ni fruité, ni floral, il se caractérise par des notes de sueur, de carton mouillé, de fromage... Il contient en effet peu d'esters et d'acides gras à longues chaînes, qui confèrent aux vins des notes fruitées et florales. Mais il est riche en acides gras à courtes chaînes et en alcools supérieurs, dont l'impact est plutôt négatif.
Le vin intermédiaire est très bien noté, notamment sur les caractères fruités et floraux ; très peu de termes négatifs sont utilisés pour le décrire. A l'inverse, le troisième vin ne recueille que des notes faibles, sauf pour les descripteurs ' acétique ' et ' vernis '. Ces résultats suggèrent qu'il existe une valeur optimale d'azote assimilable, ' au moins pour un chardonnay jeune, vinifié avec la souche AWRI 796, nuance Paul Henschke. Dans cet essai, la valeur intermédiaire était de 320 mg/l, mais notre protocole ne nous permet pas de déduire s'il s'agit bien de l'optimum, ni dans quelle fourchette un profil intéressant peut être obtenu. '
Ces résultats s'expliquent aisément. La quantité d'esters produite augmente quand le milieu contient plus d'azote, sauf aux teneurs les plus élevées, où l'on atteint un pallier. Or, les esters sont responsables des notes fruitées et florales. Parallèlement, les teneurs en alcools supérieurs diminuent, alors qu'ils sont responsables de notes plus lourdes. Dans un premier temps donc, l'arôme s'affine.

Mais l'acidité volatile et surtout la teneur en acétate d'éthyle augmentent régulièrement avec la quantité d'azote disponible. Ce qui est peu sensible dans la fourchette basse devient prépondérant au-delà d'un certain seuil. Cela explique que les notes piquées et de vernis dominent pour les vins issus de moûts riches en azote. Aux teneurs intermédiaires, ce sont les esters qui dominent le profil aromatique.
' Ces résultats restent à confirmer sur d'autres cépages et avec d'autres souches de levure ', conclut le chercheur, qui voudrait se pencher sur cet optimum et sa variabilité. L'ajout d'ammonium a été quelque peu libéralisé l'an dernier par l'Union européenne : la limite est désormais de 1 g/l de phosphate diammonique, soit 270 mg/l d'azote ammoniacal. Quoi qu'il en soit, cette addition ne doit pas se faire sans une certaine mesure. Un contrôle préalable de la teneur du moût évitera les carences, comme les excès.

(1) Le seuil de carence admis est de 140 à 180 mg/l d'azote assimilable. En dessous de cette valeur, il faut procéder à des ajouts.

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