Depuis cinq ans, Patricia Laigneau a démarré une collection de cépages du Val de Loire. Elle est aidée par des passionnés qui cherchent à perpétuer le patrimoine que recèlent de vieilles parcelles.
Offert dans les écrits de Rabelais au capitaine victorieux des guerres picrocholines, le château du Rivau a enchanté Eric et Patricia Laigneau. Ils ont eu le coup de foudre pour ce domaine situé à Léméré (Indre-et-Loire) ' qui fut, un temps, la propriété de Pierre de Beauvau, grand chambellan du roi de France, Charles VII ', racontent-ils. Ils l'ont acheté avec l'ambition de restaurer les magnifiques bâtiments de tufeau blanc. Ils ont ensuite recréé les jardins. Patricia, historienne de l'art, s'est appliquée à les réinventer au travers de parcours qui évoquent les contes et légendes de la quête du Graal. Puis ils ont décidé d'y faire entrer la vigne.
En 1998, ils ont démarré une collection de vieux cépages du Val de Loire. A terme, ils en présenteront vingt-neuf : des teinturiers autrefois utilisés pour colorer le vin comme le gamay teinturier ; d'autres destinés aux eaux-de-vie, aujourd'hui abandonnés, comme la folle blanche ; l'enrageat qui donnait des vins de soif, à l'époque où le vin était un aliment ; Sans oublier les déclinaisons du chenin blanc ou pineau de Loire dont on peut trouver bien des variantes : à gros ou à petits grains, à queue rouge ou verte. La collection comprend aussi le pineau d'aunis qui ' n'est autre que le chenin noir ', explique Jean Méré, grand prieur de la confrérie Les bons entonneurs rabelaisiens de Chinon. Le cabernet franc, autre fleuron de la région, est aussi là.
Le domaine Olga Raffault, à Savigny-en-Véron, leur a donné leur premier plant de chenin blanc. Il est issu d'un greffon prélevé sur une vieille parcelle que le domaine cultive encore et qui daterait d'avant le phylloxéra. Jean Méré a offert aux Laigneau quelques greffons de cardinal, de cabernet franc, de fiée gris et un cep de gros noir ' issu d'une parcelle de 1860 ', dit-il.
Mais c'est Raymond Jahan, pépiniériste à la retraite de Marcilly-sur-Vienne, un vrai passionné, qui livre l'essentiel des plants. Il a prélevé des greffons sur des ceps cultivés par des vignerons de sa connaissance, ou dans des vignes abandonnées ou en friche. Là, il a trouvé des cépages oubliés dans la région comme le baco blanc ou la folle blanche, voire interdits comme le noah.
' Cette collection est enrichissante, car elle permet de considérer la vigne comme un message venu de la nuit des temps, continue Jean Méré. On est loin de la vigne clonette qui fait de la surproduction. '
Les jeunes plants sont installés dans les communs du château. Certains sont conduits en tonnelle selon une inspiration médiévale, d'autres en palissage simple. Afin de compléter sa collection, Patricia Laigneau a aussi planté, en 2004, vingt pieds âgés de cinquante ans de la variété Italia, du raisin de table en provenance d'Italie du Sud. Ils montrent ' les conduites menées à hauteur d'homme pour protéger les raisins des prédateurs '.
La collection est une vitrine, un clin d'oeil au passé. Il ne manque plus qu'une signalétique avec le nom des cépages. ' C'est important, quand on parle de patrimoine, de ne pas oublier le végétal. '
Le 12 septembre, le château fêtait la citrouille et la vigne. A cette occasion, 1 700 visiteurs ont découvert les jardins et leurs plants de vigne.