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La bentonite

La vigne - n°158 - octobre 2004 - page 0

Cette argile élimine les protéines en excès et protège les vins blancs de la casse protéique et cuivrique. C'est aussi un clarifiant et un stabilisant, car elle fixe la matière colorante colloïdale.

La bentonite est une terre de la famille des argiles, composée principalement de montmorillonite. Elle tient son nom du lieu où elle fut découverte en 1888 : Fort Benton dans l'Etat du Wyoming, aux Etats-Unis. Depuis, d'autres gisements ont été mis à jour aux Etats-Unis, en Italie, en Afrique du Nord, en Allemagne et en France. Selon son origine géographique, elle peut avoir différentes couleurs : grise, beige, rose, verte ou blanche, et différentes propriétés physico-chimiques. Deux grandes familles de bentonites sont présentes à l'état naturel : les bentonites calciques, riches en calcium, et les bentonites sodiques, plus riches en sodium.
A côté des bentonites naturelles figurent les bentonites activées. Il s'agit de bentonites calciques ayant subi un traitement au carbonate de sodium pour les enrichir en sodium. Elles deviennent ainsi plus efficaces pour l'élimination des protéines.
Les bentonites sont constituées de feuillets espacés, entre lesquels se logent le calcium et le sodium. Au pH du vin, la bentonite est chargée négativement. Elle va donc adsorber, c'est-à-dire fixer en surface des particules électropositives, en particulier les protéines. Par son action déproténéisante, elle protège les vins de la casse protéique et de la casse cuivrique, un accident rare. La bentonite adsorbe également les polyphénols (tanins, anthocyanes) et... les arômes.

Comme les bentonites sodiques ont des feuillets plus espacés que les bentonites calciques, elles ont un plus fort taux de gonflement. Elles adsorbent plus de protéines, mais forment des lies plus importantes. Elles sont donc plutôt recherchées pour éliminer les protéines instables du vin.
Les bentonites calciques sont utilisées comme adjuvant de collage. Comme elles jouent un rôle d'alourdisseur, elles accélèrent la sédimentation et permettent d'obtenir des lies plus tassées. Elles servent également d'adjuvant de remuage pour les vins effervescents élaborés selon la méthode traditionnelle. Elles permettent d'éliminer plus facilement les lies issues de la prise de mousse.
L'utilisation de la bentonite pour le traitement des vins s'est généralisée dans les années 1950. C'est actuellement la technique la plus utilisée pour la clarification et la stabilisation des vins blancs et rosés. Elle sert aussi de décolorant pour les vins blancs issus de raisins noirs, tel le champagne. Reste à savoir s'il faut traiter les moûts ou les vins. Le traitement sur moûts se justifie pour les blancs secs destinés à être clarifiés très peu de temps après la fermentation alcoolique. Mais ' il ne permet pas toujours d'éviter un petit traitement sur vin ', précise Richard Marchal, du laboratoire d'oenologie et de chimie appliquée de l'université de Reims.
Dans tous les cas, il est déconseillé pour les vins blancs élevés sur lies en fût ou en cuve, car la bentonite au contact du vin, pendant plusieurs mois, engendre des défauts organoleptiques. En plus, lors de l'élevage sur lies, l'autolyse des levures libère des mannoprotéines qui rendent moins sensibles les vins à la casse protéique. En général, le traitement des vins blancs se fait avant la mise en bouteilles. Sur les rouges, la bentonite est peu utilisée. Sur les vins finis, elle sert juste d'adjuvant de collage. Par exemple associée à la PVPP, elle gomme les goûts herbacés et l'amertume en bouche des vins de presse ayant subi une trop forte extraction. Elle corrige aussi l'amertume et les déséquilibres en bouche des vins de goutte. Mais elle engendre une perte de couleur.

Dans le commerce, la bentonite se présente sous forme de poudre ou de granulés. La poudre se disperse difficilement dans l'eau. Elle a tendance à former des grumeaux, surtout s'il s'agit d'une bentonite calcique.
La bentonite en granulés se disperse mieux et plus rapidement. La bentonite en poudre peut s'utiliser sèche. Dans ce cas, on la saupoudre directement à la surface du vin dans un bac muni d'un système d'agitation pour éviter les grumeaux. Sinon, elle s'utilise avec un gonflement préalable, opération incontournable pour les bentonites en granulés. Pour ce faire, il faut verser la bentonite dans dix fois son volume d'eau, agiter et la laisser gonfler pendant douze à vingt-quatre heures. On l'incorpore ensuite au vin. La bentonite sèche a une efficacité clarifiante plus faible que la bentonite gonflée et pour obtenir des efficacités similaires, il faut une dose deux fois plus élevée. Néanmoins elle génère un volume de lies beaucoup plus faible.

' Sur le plan économique, la bentonite sèche est plus rentable uniquement sur la base du prix des lies ', estime Richard Marchal. La dose de bentonite se raisonne selon le millésime et le cépage. Pour la définir, les vignerons peuvent faire un test. Selon le traité d'oenologie de Ribéraud-Gayon et al., les doses à la stabilisation sont en augmentation. Il précise qu'aujourd'hui, 80 à 120 g/hl sont souvent nécessaires, alors que dix ans auparavant, 20 à 40 g/hl évitaient la casse protéique. Il explique cela par l'évolution des techniques telles la cueillette de raisins plus mûrs, la récolte mécanique et la macération pelliculaire, qui enrichissent les vins en protéines. Des doses excessives aboutissent à des pertes aromatiques. Il est vrai que pour des cépages très aromatiques comme le muscat ou le gewurztraminer, une petite baisse de la concentration en arômes sera difficile à percevoir.
Mais pour les cépages plus discrets, donnant des vins moins expressifs, l'incidence n'est pas toujours négligeable.


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