Pour travailler de manière rentable et durable avec les cavistes et les restaurateurs, mieux vaut passer par des grossistes. Chacun ayant sa politique, il faut la connaître avant de s'engager. Ensuite, il faut accompagner les forces de vente pour qu'elles mettent en avant vos produits.
S'il est un mode de distribution dont les vignerons parlent régulièrement, c'est bien le circuit traditionnel. Rappelons qu'il regroupe les cavistes, les cafés, les hôtels, les restaurants, et les détaillants que sont les épiceries fines ou les bouchers. Certains voient dans ce secteur un vecteur d'image, plus facile d'accès que la grande distribution. Mais il est atomisé en plus de 150 000 opérateurs. De ce fait, il est intéressant de travailler avec les grossistes qui les approvisionnent.
Cette stratégie présente des avantages indéniables : moins d'interlocuteurs, un plus gros volume d'affaires par interlocuteur, moins de livraisons... En contrepartie, le grossiste devient propriétaire de vos vins dès qu'il les a achetés. Il est donc libre de les revendre, par exemple, à des restaurants bas de gamme dans lesquels vous ne souhaitez pas être présent. Certains grossistes comptent également des grandes surfaces dans leur clientèle. Or, de nombreux domaines viticoles ne veulent pas voir leurs vins sur ce circuit.
Pour éviter les mauvaises surprises, il faut travailler en partenariat avec les grossistes. Cela suppose de les connaître. Ils se répartissent en deux grandes catégories : les entrepositaires indépendants et les grossistes nationaux. Les premiers ont une activité régionale. Ils gèrent 700 entrepôts sur la France. Chez les seconds, trois entreprises se distinguent : France Boissons, Elidis et la Centrale européenne des boissons (CEB). Elles détiennent une part importante du marché. Les grossistes régionaux sont la cible prioritaire des petites et moyennes caves et propriétés. Il est indispensable de cerner leur activité avant de leur proposer ses vins. C'est ce qu'a fait Jean-Claude Fontan, du domaine de Maubet, à Noulens (Gers). ' J'ai décidé de vendre sur le circuit traditionnel du nord de la France, frontière avec le Royaume-Uni et la Belgique où je suis déjà bien implanté. Pour cela, j'ai réalisé une analyse détaillée des grossistes entrepositaires de la région, à partir de fichiers, suivie d'entretiens téléphoniques pour mieux connaître les spécificités de chacun. ' Les chambres de commerce ou l'Insee fournissent ces fichiers. On peut également consulter les pages jaunes de l'annuaire téléphonique.
En interrogeant les grossistes, on découvrira que la plupart fournissent les cafés et les bars en bière et autres liquides. On apprendra qu'il faut leur proposer des conditionnements et des qualités de vins adaptés. De nombreux bars ou brasseries, par exemple, servent du vin à la tireuse. Le conditionnement le plus pratique pour eux est le Bib de 20 l. On a vu des restaurateurs transvaser des cubitainers de vin dans des fûts de bière vide avec toutes les conséquences que l'on imagine sur l'oxydation du vin. Ils ne sont pas livrés en Bib !
Pour obtenir un référencement, il faut envoyer plusieurs échantillons, relancer ses interlocuteurs, leur rendre visite... On qualifie ces démarches classiques de push (pousser). Il est recommandé d'accompagner les échantillons de fiches descriptives des produits.
Une fois le référencement obtenu, on entreprendra des démarches commerciales qualifiées de pull (tirer), afin que le grossiste devienne un partenaire plutôt qu'un client. Ce sont des actions d'aide à la vente chez les cavistes, les restaurants ou les cafés. Le producteur ou la cave accompagnent la force de vente du grossiste dans ses tournées. Leurs animations font connaître leurs vins au client final. Elles incitent les vendeurs du grossiste à les mettre en avant chez tous les restaurateurs et les cavistes qu'ils servent.
Il est plus complexe pour une exploitation de travailler avec les grossistes nationaux. Leur logique commerciale s'apparente à celle de la grande distribution. En effet, ces entreprises, filiales d'importants brasseurs, centralisent de plus en plus leurs achats au niveau national et rationalisent leurs assortiments. Ces derniers sont constitués d'un tronc commun national avec de plus en plus de marques propres. Certes, les entrepôts régionaux d'Elidis, de France Boissons ou de la CEB peuvent s'approvisionner chez des fournisseurs locaux, mais à condition qu'ils soient référencés nationalement. Cela leur permet de proposer deux gammes : une nationale et une régionale.
Pour travailler avec les grossistes nationaux, il faut donc avoir les volumes suffisants, mais aussi les moyens de mettre en place des actions marketing d'envergure, posséder une organisation commerciale efficace et une bonne maîtrise des techniques de négociation.
Le groupe coopératif Plaimont, à Saint-Mont (Gers), en est un bon exemple. ' Depuis vingt-cinq ans, nous mettons en place des actions commerciales d'accompagnement pour nos grossistes régionaux et nationaux, déclare André Dubosq, directeur général du groupe. Nous mettons à leur disposition 1 200 journées par an d'animation, réalisées dans toute la France par les vignerons du groupe. Ceux-ci sont de véritables prescripteurs de commandes chez les cavistes, restaurateurs ou détaillants.
De plus, nous avons dédié à chaque grossiste national comme Elidis ou France Boissons, une gamme spécifique . '
Que l'on ait choisi de travailler directement avec les grossistes ou de confier cette mission à des agents, la démarche sera identique : il faut se fixer des objectifs et développer des stratégies cohérentes pour les atteindre. De producteur, le vigneron devient acteur de son entreprise et de son destin. C'est à ce prix que les entreprises vitivinicoles peuvent continuer à se développer.
En savoir plus : ' Management de l'entreprise vitivinicole ', d'Emmanuelle Rouzet et de Gérard Seguin. Edition Dunod.
Cet ouvrage présente de manière détaillée les nouveaux savoir-faire qu'il faut acquérir pour diriger son entreprise, parmi lesquels ceux qui relèvent de la relation commerciale avec les grossistes qui approvisionnent le secteur traditionnel.