Trop souvent, les vignerons laissent leurs commerciaux ou leurs VRP sans directives précises. Or, il faut leur fixer des objectifs de contacts à réaliser et de ventes à conclure. Il faut aussi suivre et contrôler leurs résultats.
'Comme il n'y a pas de résultat sans travail, il n'y a pas de clients sans contact commercial ', constate Frédéric Garrigues, conseiller en management et organisation commerciale, à Montpellier. Les vignerons français ont longtemps vécu sur la qualité de leurs produits, sans avoir à aller chercher les clients. Aujourd'hui, l'offre étant supérieure à la demande, les temps changent.
En témoigne Joël Delgoulet, directeur de Chambert Vignoble, qui regroupe deux châteaux, à Floressas (Lot) en AOC Cahors (73 ha, 300 000 cols) : ' Fin 2003, nous avons constaté que la qualité et le coût de revient de nos six vins avaient progressé depuis quelques années, mais pas les ventes. En fait, nous attendions les clients. Depuis trois mois, nous avons remis notre organisation commerciale en question. '
La vente est un métier. Des techniques existent, employées dans tous les secteurs d'activité, pour définir les objectifs sur chaque circuit de distribution, déterminer les moyens pour leur mise en oeuvre, fixer la rémunération de chacun des commerciaux, et mesurer leurs performances.
La première étape est de définir des objectifs commerciaux en adéquation avec la stratégie d'entreprise : identification des marchés cibles, des circuits de vente et des zones d'action. Les objectifs sont fixés à l'année et détaillés mois par mois. Ils sont repris par type de clients, c'est-à-dire souvent par circuit de vente.
Pour René Aubert, titulaire d'une formation commerciale, tout cela va de soi. ' Si l'objectif est d'engranger 500 000 euros de chiffre d'affaires sur tel circuit de vente avec, en moyenne, 1 000 euros par affaire, il faut signer 500 commandes , analyse le propriétaire du domaine de La Présidente (150 ha), à Sainte-Cécile-les-vignes (Vaucluse). Pour décrocher 500 commandes fermes, il faut déterminer combien de prospects sont nécessaires, combien de contacts pour chacun d'entre eux et sous quelle forme. Avec ce raisonnement, il faut 5 000 contacts pour réaliser ce chiffre d'affaires dans l'année. ' En découle le plan d'action commercial.
La deuxième étape est de mettre en place des outils de suivi, les tableaux de bord mois par mois, et même au jour le jour : ' Un par vendeur, par produit et par circuit de distribution ', conseille Emmanuelle Rouzet, consultante indépendante. Le nombre d'indicateurs ne doit pas être trop important sous peine d'être noyé sous les chiffres. Ils doivent permettre d'établir des ratios de mesure de la performance commerciale. Le vigneron choisira, par exemple, les ventes prévues, celles réalisées, la mesure des écarts et les explications correspondantes, le chiffre d'affaires mensuel par client, le chiffre moyen par commande, le nombre de cols, de visites, d'animations, de commandes... Une base de données sur Excel suffit.
Ensuite, les plans d'action obligent le vigneron et le vendeur à programmer les opérations. Si l'un des objectifs est d'être représenté chez vingt cavistes bretons d'ici à la fin de l'année, le commercial devra réaliser au moins deux dégustations, deux jours par semaine, pendant cinq semaines, un mois avant Noël. Pour l'aider à s'organiser, il faut réaliser un plan pragmatique et chiffré, qui récapitule tout ce qu'il faut faire et prévoir.
La troisième étape est la rémunération des commerciaux. Mieux vaut qu'elle soit non linéaire, incitative et variable. ' De nombreuses entreprises viticoles rémunèrent leurs commerciaux avec un pourcentage sur leur chiffre, identique quel que soit le produit , regrette Emmanuelle Rouzet. C'est une erreur ! Il vaut mieux fixer des pourcentages différents selon les vins pour les motiver. '
Autre point : il est crucial de rencontrer les commerciaux au moins une fois par mois, afin de les former à la vie du domaine, au devenir des vins... Des informations qu'ils doivent connaître pour argumenter avec leurs clients. ' Trop souvent, lorsque le vigneron téléphone à un commercial, il se contente de dire, abruptement : 'Alors, les ventes, où ça en est ?' ' dit Emmanuelle Rouzet. ' Je suis en contact permanent avec quatre VRP , témoigne Maxime Jouët Pastré, commercial pour le circuit de la restauration au domaine de La Présidente : une fois par semaine au téléphone, une fois par mois de visu, et deux fois par an au domaine . '
Derniers conseils : dans le choix des agents ou des VRP, évitez les cartes à rallonge et entretenez des relations sereines. ' Dans le cahier des charges, n'hésitez pas à stipuler le nombre de contacts que le commercial devra faire et les informations qu'il doit remonter , conseille Frédéric Garrigues. Car un bon commercial ne ramène pas que du chiffre d'affaires, mais une foule d'informations sur ses clients. '