Retour

imprimer l'article Imprimer

archiveXML - 2004

L'irrigation raisonnée préserve le fruité

La vigne - n°159 - novembre 2004 - page 0

L'Espagne, l'Italie et les pays du Nouveau Monde ont recours à l'irrigation. Pas la France. De nombreux instituts planchent néanmoins sur la question. Certains soutiennent qu'une irrigation raisonnée dans les régions sèches permet d'obtenir des vins conformes à la demande du marché.

Dans le sud de la France, de nombreux organismes réalisent des expérimentations sur l'irrigation. C'est le cas des chambres d'agriculture des Bouches-du-Rhône, du Var et du Vaucluse. Didier Richy, de la première, étudie les comportements de la vigne irriguée et non irriguée depuis 2002. Les études sont toutes menées sur des vignes arrosées quotidiennement au goutte-à-goutte, sans aucune prise en compte de la pluviométrie.
' Il n'y a pas de différence de maturité sur les baies du millésime 2004, entre le témoin sec et la vigne irriguée, rapporte Didier Richy. Par contre, en 2003, lors de la dégustation, le témoin sec a été préféré. Le niveau de maturité était meilleur . '

Ces essais témoignent du fait qu'il vaut mieux ne pas irriguer que le faire de manière non raisonnée, et sont corroborés par la chambre d'agriculture du Vaucluse.
Parallèlement, l'Ensam de Montpellier et l'Inra de Pech rouge étudient les répercussions d'une irrigation raisonnée depuis 1996. Ces deux organismes travaillent surtout sur les réactions de la syrah. ' Nous étudions l'impact des contraintes hydriques sur la physiologie de la vigne, sur la biochimie de la baie et sur la qualité finale du vin , explique Alain Deloire, professeur à l'Ensam. Suivant le pilotage de l'irrigation, il est possible de faire des vins de qualité et de styles différents. Nous avons observé que lorsqu'il n'y a pas de contrainte hydrique sur la syrah, le vin est plutôt fruité. Lorsqu'elle est modérée de la véraison à la maturation, le vin est fruité à corsé. Si on augmente un peu la contrainte, le vin est corsé. Au-delà, le vin est corsé à tannique . '
Pour obtenir le vin désiré, il suffit alors d'adapter l'itinéraire technique et l'irrigation, ce que confirme Hernan Ojeda, de l'Inra de Pech Rouge : ' Les situations extrêmes, que ce soit une contrainte hydrique forte ou une absence de contrainte hydrique, sont mauvaises pour la vigne, et pour le vin. Pour obtenir le meilleur équilibre qualitatif, il faut atteindre un seuil optimal, qui correspond à une contrainte hydrique modérée. A ce moment-là, la qualité, la couleur, et les composants aromatiques du vin sont à leur optimum. Nous avons constaté que les anthocyanes sont à un bon niveau si la contrainte hydrique est modérée. Dès lors qu'elle s'élève, elles se dégradent. Et c'est la même chose pour les sucres et les polyphénols. Pour trouver ce seuil optimal, il est nécessaire de bien piloter son irrigation, par le biais d'outils tels que le potentiel de base, ou le potentiel de tige. Suivant les conditions climatiques de l'année, le cépage, le terroir et le mode de conduite, l'état hydrique général de la plante varie. Certaines fois, il y a besoin d'irriguer, d'autres pas ', conclut-il.

Un président de cave a lui aussi réalisé des expérimentations, en collaboration avec l'Ensam. Sa démarche est née d'une observation toute simple : pour être compétitif dans le contexte international actuel, il faut utiliser les mêmes outils que les autres pays. Pour ce faire, il a commencé à étudier les impacts de l'irrigation en 2003, et a continué en 2004. Il a procédé à une irrigation raisonnée sur quelques-unes de ses vignes, au moyen d'un goutte-à-goutte. L'irrigation a été pilotée grâce à des tubes isométriques, qui mesurent quotidiennement la quantité d'eau présente dans le sol. Il a ainsi pû apporter de l'eau juste avant que d'importants stress hydriques n'apparaissent. Sur les deux années, les situations ont été différentes, puisqu'en 2003, 350 mm d'eau sont tombés, contre 800 mm en 2004. Néanmoins, les deux expérimentations donnent des résultats positifs.
' En 2003, les vins issus de vignes irriguées sont beaucoup plus aromatiques, plus complexes et harmonieux , décrit-il. Les tanins sont fins, et la maturité phénolique correspond à ce qui est recherché sur les rouges au niveau international. Nous avons obtenu un meilleur degré, des acidités inférieures, une meilleure couleur que sur les vins issus de vignes non irriguées. Et pour couronner le tout, ces vins ont été récompensés par une médaille d'or au concours général ! Concernant le millésime 2004, les vins ne sont pas finis. Mais les baies étaient plus concentrées que sur vigne sèche, car la vigne irriguée n'avait pas souffert en 2003 '.
Cependant, il considère qu'il faut réguler l'eau dans les deux sens. Pour cela, il préconise une association de l'irrigation à un enherbement. ' Cela lisse les apports en eau : les années humides, l'herbe assèche la vigne et régule les excès d'eau. Les années sèches, l'irrigation apporte ce qu'il manque ', conclut-il.
Il apparaît donc qu'une irrigation raisonnée permet d'obtenir de bons vins, correspondant à la demande du marché, dans les zones sèches. Néanmoins, les études prouvent également que mieux vaut avoir des vignes sèches que des vignes irriguées en dépit du bon sens.


PLUS
L'irrigation raisonnée permet de décider du style de vin dans les régions sèches.
MOINS
Coût élevé. Et le remède peut s'avérer pire que le mal si l'irrigation n'est pas raisonnée.

Cet article fait partie du dossier

Consultez les autres articles du dossier :

L'essentiel de l'offre

Voir aussi :