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Les copeaux donnent de la sucrosité sans aromatiser

La vigne - n°159 - novembre 2004 - page 0

Mettre du bois dans le vin n'est pas forcément un procédé d'aromatisation. Cela peut développer les arômes fruités et donner de la sucrosité aux vins dans des délais courts.

'En France, le débat des copeaux focalise sur l'aromatisation , s'indigne Patrick Ducourneau, fondateur de la société Boisé France, située à Maumusson dans le Gers. Pourtant, à l'étranger, la principale utilisation des copeaux consiste à apporter de la sucrosité aux vins . ' Pour cette raison, les copeaux restent en vogue dans les pays du Nouveau Monde, alors que le boisé y est passé de mode après des années d'excès. La nature de cette sucrosité est encore mal connue. Elle serait peut-être due à des polysaccharides, ce que conteste Michel Moutounet, chercheur à l'Inra de Montpellier (Hérault) : ' Les polysaccharides n'ont pas directement de pouvoir sucrant. Et ils sont peu concentrés dans le vin. '
Patrick Ducourneau suppose que la perception sucrée est liée aux arômes libérés par le bois : noix de coco, vanille. ' Ces composés évoquent la pâtisserie ', confirme Michel Moutounet. Il est probable que ce soit alors une question de concentration. Avant d'atteindre des niveaux élevés qui confèrent un profil boisé, la vanilline ou la whisky-lactone (odeur de noix de coco) peuvent modifier l'image que l'on se fait du vin, et suggérer des sensations sucrées.

Patrick Ducourneau, en utilisant 2 à 3 g/l de copeaux, obtient des vins plus complexes. ' On peut corriger la structure ou la sucrosité sans changer le profil ', déclare-t-il. José Tastavy, négociant aux domaines des Marins, dans l'Hérault, confirme : ' Il s'exerce une synergie des arômes. Par exemple, les copeaux de bois frais dans un vin blanc aromatique peuvent monter le fruité. ' Il traite ainsi de nombreux chardonnays. ' Dans ce cas, les copeaux apportent un plus qualitatif. Mais cela me coûte plus cher que si je ne traitais pas. L'objectif n'est pas d'aromatiser à peu de frais. ' A ses yeux, il s'agit de faire un véritable traitement oenologique. La véritable économie tient au gain de temps.
Aux vignobles Fabre, à Luc-sur-Orbieu, dans l'Aude, Bernard Rehs utilise des copeaux de bois sur ses vins de pays. Les vins d'appellation contrôlée sont élevés une année en fûts de chêne, alors que les vins de pays sont libérés dans l'année.

Associés au microbullage, les copeaux participent à la stabilisation de la couleur. Ils apportent également de la sucrosité et, dans ce cas, aucune aromatisation. ' D'ailleurs, nous ne faisons aucune mention de boisage sur l'étiquette ', ajoute l'oenologue. ' Les copeaux permettent d'obtenir plus tôt des vins plus souples ', résume José Tastavy.
Surtout, ' ils sont paramétrables ', complète Bernard Rehs, et homogènes. ' Une douelle de barrique est composée de bois fabriqué pendant vingt ou quarante années , étaye Michel Moutounet. Il existe forcément une hétérogénéité entre les douelles et, au-delà, entre les barriques. Les copeaux étant plus minces, il est possible de sélectionner des qualités de bois homogènes. ' Pour obtenir de la sucrosité, il faut privilégier les bois pauvres en tanins. Les fabricants peuvent aussi faire subir aux copeaux une maturation ou un traitement à l'eau diminuant leur teneur tannique.
De même, la chauffe est plus homogène sur des copeaux en raison de leur petite taille. Il est donc possible d'utiliser des bois peu chauffés, donc pas trop riches en furanes, qui donnent des notes grillées, plus âcres et masquent les composés sucrants. Les bois frais ou peu toastés sont plus favorables à l'expression de la sucrosité.
Utiliser des copeaux demande un certain doigté. Comme pour toute autre intervention oenologique, il faut raisonner en fonction de la matière première. ' L'équivalent en copeaux d'une barrique neuve, c'est une dose d'environ 15 g/l , explique Patrick Ducourneau. Comme on les utilise en principe sur des vins qui ne sont pas faits pour le fût, les doses vont de 3 à 7 g/l. Si le vin est tannique, il faudra en mettre davantage pour avoir de la sucrosité. '

Le moment d'utilisation est aussi variable. Bernard Rehs préfère les incorporer ' en fin de fermentation pour mieux stabiliser la couleur '. C'est le moment d'emploi le plus simple, mais c'est également celui que l'on maîtrise le moins.
Enfin, le temps de contact est piloté à la dégustation, ' car on ne sait pas comment le bois va libérer ses composés , poursuit Patrick Ducourneau. Cela dépend aussi de la composition du vin : l'alcool, par exemple, augmente la diffusion. A la dégustation, les goûts de planche sèche sont des marqueurs positifs. Il ne faut surtout pas retirer les copeaux au moment où ils apparaissent, où les composés qui les provoquent diffusent. Ce sont eux qui, en s'oxydant, apporteront les notes positives. Ce qu'il faut fuir, ce sont les notes de bois vert qui sont indélébiles. '


PLUS
Les faibles doses de copeaux constituent un nouveau traitement oenologique qui permet de satisfaire le goût sucré.
MOINS
Cette pratique est perçue comme un procédé industriel.

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