ImprimerPour mieux répondre aux demandes des consommateurs, notamment étrangers, plusieurs appellations envisagent d'introduire de nouveaux cépages dans leurs décrets.
'En France, la consommation diminue sans espoir de reprise, constate Fredrik Filliatreau, président de l'AOC Saumur-Champigny. La porte de sortie, c'est l'export. Or, le cabernet franc s'exporte mal. Son côté un peu dur ne plaît pas aux consommateurs étrangers. ' Les cinq syndicats de la Red Collection (Saumur, Saumur-Champigny, Chinon, Bourgueil et Saint-Nicolas- de-Bourgueil) veulent pallier cette dureté, sans modifier leur style. Ils s'intéressent au merlot. ' Ce cousin du cabernet franc mûrit plus tôt, et donne des vins plus ronds et plus fruités ', explique Philippe Boucard, président du Syndicat de Bourgueil.
Déjà, à la fin des années 1990, à la demande du négoce, l'Institut technique du vin (ITV) et le Groupement départemental de développement viticole (GDDV) de l'Anjou ont mené trois ans d'études sur ce cépage, en anjou rouge. ' C'est insuffisant ', juge Fredrik Filliatreau. D'autant que les essais portaient sur ' quelques rangs ou bouts de rang de merlot dans le vignoble ', explique Claude Landron au GDDV. ' Le merlot peut être intéressant en assemblage dans le Saumurois ', ajoute Fredrik Filliatreau. Mais ' l'Inao est toujours réticent à l'introduction de cépages non autochtones, quand cela concerne des variétés à la mode , précise Pascal Cellier, chef de centre de l'Inao d'Angers. Nous ne souhaitons pas la banalisation des encépagements '.
Les cinq syndicats de la Red Collection veulent relancer ces essais à plus grande échelle, ' en sélectionnant des terroirs et des vignerons sérieux pour mener des études plus représentatives ', insiste Fredrik Filliatreau. L'Inao a refusé que les viticulteurs puissent intégrer ces vins dans leurs déclarations de récolte. Les cinq présidents cherchent des financements pour proposer une compensation aux viticulteurs engagés dans la démarche. ' Dans le meilleur des cas, ils pourraient produire du vin de table , avertit Pascal Cellier. Le vin pourrait aussi être détruit. Nous examinerons ces situations au cas par cas. '
Les syndicats sont conscients que ' le merlot n'est pas le messie '. Mais il mérite qu'on s'y intéresse.
En outre, ils veulent poursuivre les recherches sur les clones de cabernet franc. ' Il est aberrant de n'avoir que deux clones intéressants sur toute une région ', insiste Pascal Cellier.
Dans le Beaujolais, c'est un peu plus de structure que les producteurs recherchent. ' Il nous faudrait produire des vins plus concentrés, plus mûrs, concède Ghislain de Longevialle, président de l'Union viticole du Beaujolais. Nous devons réaffirmer le potentiel de garde du beaujolais. ' En juillet dernier, l'interprofession a voté une recherche sur l'encépagement. Elle s'est donné jusqu'à 2010 pour mener des essais et acquérir des résultats, tant sur l'impact organoleptique que sur le comportement de ces cépages. L'introduction de la syrah, évoquée dans la presse grand public, n'est pas vraiment à l'ordre du jour. ' C'est un cépage qui permettrait à nos vins de gagner en profondeur. Mais nous sommes à la limite Nord pour sa maturation, peut-être même au-delà ', estime Ghislain de Longevialle. L'intérêt principal de ce cépage est de faire partie des cépages autorisés dans le département du Rhône. ' Nous voulons évoluer, mais sans perdre notre âme ', renchérit Louis Pelletier, directeur de l'UVB.
La recherche s'orienterait plutôt sur de nouvelles obtentions ou des somaclones de gamay. Ces derniers sont particulièrement en faveur. Cette méthode de clonage, à partir d'inflorescences, fournit des plants moins productifs et légèrement divergents tout en restant des gamays. Leur simple reconnaissance comme clone serait suffisante.
Pour les nouvelles obtentions, la situation est plus compliquée. Il faut les évaluer avant d'obtenir leur inscription au Catalogue des variétés et clones de vigne cultivés en France . Puis, il faut encore les expérimenter pendant dix ans avant que l'Inao ne statue sur leur intégration dans les décrets. Toutefois, les nouveaux cépages ont d'autres avantages que les clones : ils peuvent permettre de gagner en structure, en résistance aux maladies... Le gamaret, métis suisse de gamay et de reichensteiner, est l'un des candidats les plus en vogue. Plus riche en tanins et en couleur que le gamay, il est aussi assez résistant à la pourriture grise. De nombreuses autres appellations s'interrogent sur l'introduction de nouveaux cépages. Mais l'expérimentation n'aboutit pas toujours à des modifications de décret.
A Madiran, par exemple, le syndicat a envisagé cette possibilité, sans finalement la retenir. L'objectif était d'améliorer les vins génériques, trop souvent jugés séchants. ' Nous avons examiné des cépages utilisés en vin de pays , explique Cécile Neihouser, directrice du syndicat. Nous avons travaillé en direct avec les producteurs, à partir de cuves de cépages purs qui nous ont permis de réaliser différents assemblages. '
Statistiquement, les dégustations n'ont pas mis en évidence de bienfaits des cépages améliorateurs. ' Ce ne sont pas le merlot ou la syrah qui améliorent le madiran, mais la façon dont on travaille le tannat et, dans une moindre mesure, le cabernet. ' Les producteurs vont désormais s'intéresser à l'impact de la conduite des vignes, de la maturité, ou de l'extraction en cours de vinification. ' Mais le sujet n'est pas définitivement clos. '
