Dans beaucoup de régions, l'esca et le black dead arm se sont exprimés fortement cette année. Cette extériorisation inquiétante pourrait avoir un lien avec l'important stress hydrique de 2003. Les vignerons sont inquiets.
Elles sont le fléau des temps modernes. Certains parlent même de nouveau phylloxéra. Les maladies du bois progressent. Les vignerons sont inquiets. Cette année, les symptômes d'esca et de black dead arm (BDA) ont été marqués. Selon les résultats de l'observatoire national, 71,1 % des parcelles expriment au moins un symptôme d'esca et de BDA, contre 61,5 % en 2003. En moyenne, 2,9 % des souches ont exprimé des symptômes, contre 1,6 % en 2003. Rappelons que le seuil de traitement à l'arsénite était fixé à 0,5 % de ceps malades.
En Alsace, on parle d'explosion. Dans cette région, sur les 90 parcelles de gewurztraminer, d'auxerrois et de riesling suivies, le pourcentage moyen de ceps atteints d'esca et de BDA est passé de 1,7 en 2003 à 4,3 % en 2004. Selon les parcelles, les taux varient de 0 à plus de 20 % de ceps touchés.
La progression est encore plus spectaculaire dans les Côtes du Rhône septentrionales. Selon des observations indépendantes de l'observatoire national, 8 % en moyenne de ceps sont atteints d'esca et/ou de BDA. L'année passée, le taux n'était que de 0,7 %. 41 % des parcelles ont un niveau d'attaque supérieur à cinq fois le seuil de traitement à l'arsénite. ' La canicule de 2003 a probablement induit cette forte expression, agissant comme un révélateur d'un niveau élevé de contamination. Un niveau probablement inférieur à la réalité, puisque des ceps ayant présenté des symptômes l'année précédente peuvent ne rien manifester l'année suivante ', remarque la Protection des végétaux.
Dans le Gers, Michel Jorieux, du Syndicat du floc, tire la sonnette d'alarme. En 2003, la plupart des symptômes avaient été masqués par la sécheresse. Mais en 2004, ils ont ressurgi de manière importante. Selon une estimation, le taux de ceps touchés atteint 5 % en moyenne, avec des variations allant de 2 à 30 %. Aucun cépage n'est épargné. Le phénomène est général sur l'ensemble du département. ' Toutes les souches semblent contaminées, même si elles n'extériorisent pas de symptômes ', considère Michel Jorieux. Les Gersois ont donc lancé une pétition pour pouvoir réutiliser l'arsénite cet hiver dans des conditions contrôlées. Ils ont actuellement recueilli 800 signatures. En Charentes, le pourcentage d'esca et de black dead arm est de 4,3 %, alors qu'il était de 2,6 % en 2003.
En Bourgogne, la tendance est aussi à la hausse. Le chardonnay de l'Yonne est atteint. Avec 3,5 % de pieds malades, c'est plus du double de 2003. En Côte-d'Or, la situation semble plus saine, notamment sur le chardonnay où le pourcentage de ceps atteints est resté constant. Par contre, le pinot noir atteint 0,6 %, soit le double.
Dans le Muscadet, Nadège Brochard, de la chambre d'agriculture, constate aussi une forte pression d'esca et de BDA. Sur une parcelle de 52 ares à Le Pallet, 288 pieds sont morts en 2004. Sur une autre parcelle de 8,35 ha, elle a calculé que 65 ceps par hectare avaient disparu depuis 2002. En fait, ce sont surtout les vignes de 15 à 25 ans qui trinquent. Les vignes de plus de 30 ans semblent moins touchées. Nadège Brochard a fait un autre constat. En 2003, elle voyait une différence entre les parcelles traitées à l'arsénite jusqu'à son interdiction, et celles où le traitement a été arrêté plus tôt. Ce ne fut pas le cas cette année. ' En 2005, j'ai l'impression que tout le monde sera logé à la même enseigne ', estime-t-elle. Selon certains techniciens, c'est logique vu que l'arsénite ne faisait que stopper la maladie, sans l'éradiquer.
Dans ce tableau inquiétant, la Champagne fait exception. Le Comité interprofessionnel du vin de Champagne n'a pas vu, cette année, d'extériorisation accrue de symptômes. Les chiffres sont là : 0,8 % en moyenne de ceps touchés en 2004, contre 0,9 % en 2003. Dans les parcelles les plus atteintes, la proportion peut monter jusqu'à 7 %. ' En tendance, les jeunes vignes de 15 à 25 ans et les parcelles situées sur les sols les mieux pourvus en eau extériorisent davantage de symptômes ', constate Marie-Laure Panon du CIVC. Cette augmentation quasiment générale résulte-t-elle du retrait de l'arsénite, des conditions climatiques ou d'une variation naturelle de l'expression des symptômes ? ' Pour l'instant, les observations ne permettent pas de trancher. Il faut voir comment vont se comporter les parcelles en 2005 ', insiste Benoît Herlemont, rapporteur vigne à la Protection des végétaux.
Du côté de l'eutypiose, le tableau est moins noir. La maladie semble se stabiliser. 54,8 % des parcelles l'ont exprimée en 2003 et 46,7 % en 2004. Le taux d'expression était de 3 % en 2003 et de 2,9 % cette année. Signalons toutefois de grosses disparités selon les cépages. La situation semble même s'améliorer dans certaines régions. En Alsace, le pourcentage de ceps atteints est passé de 0,7 en 2003 à 0,3 % en 2004. Dans les Côtes du Rhône septentrionales, 0,35 % de ceps sont atteints, contre 3,5 % l'année passée. Même constat en Bourgogne. Situation conjoncturelle consécutive aux printemps secs ou résultats des efforts des vignerons en matière de prophylaxie ? Là encore, l'avenir le dira.