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L'électrodialyse pour acidifier les vins

La vigne - n°160 - décembre 2004 - page 0

L'Inra teste une nouvelle application de l'électrodialyse : l'acidification des moûts et des vins. La méthode est au point, mais son utilisation reste soumise au feu vert de plusieurs administrations.

Depuis une vingtaine d'années, on assiste à une augmentation du pH des vins. La valeur moyenne s'établit aujourd'hui à 3,7. Or, au-delà de 3,5, les risques microbiologiques augmentent. Ingénieur de recherche à l'Inra de Pech Rouge (Aude), Bernard Saint-Pierre explique le processus : ' Au printemps, la vigne fait monter dans ses cellules des quantités importantes de potassium. Ce minéral, généralement présent dans les sols viticoles à la suite de fertilisations excessives, est le grand responsable de l'augmentation de pH. Facteur aggravant, les fortes chaleurs estivales détruisent les acides organiques des raisins. '

Le potassium posant un problème, la solution serait de diminuer sa concentration en l'éliminant partiellement des vins ou des moûts. C'est l'objectif poursuivi par Bernard Saint-Pierre. L'Inra y travaille avec Eurodia, société spécialisée dans les techniques électromembranaires. Leur collaboration a déjà abouti à la mise au point de l'électrodialyse pour la stabilisation tartrique. Ce procédé élimine le potassium, le calcium et l'acide tartrique des vins après un passage au travers d'un appareil, constitué de membranes soumises à un champ électrique. Sur le même principe physique, on peut éliminer seulement du potassium.
Responsable du département des vins chez Eurodia, Yannick Le Gratiet indique que le système présente de nombreux avantages. ' Il s'agit d'une méthode soustractive. On n'ajoute pas de produit. Ce procédé s'inscrit dans la tendance actuelle, qui privilégie les traitements physiques plutôt que l'apport d'additifs. Il permet également de faire des économies d'énergie, car il fonctionne sans utilisation de froid. ' Selon cet oenologue, une telle installation peut s'adapter à toutes les unités de vinification, quelle que soit leur taille. ' Il n'y a pas de limite en terme de volume. Il suffit de jouer sur la surface des membranes et la durée de contact du liquide. ' Autre avantage : ' On sait précisément à quel pH on amène le produit traité . ' Avec l'acide tartrique, ce n'est pas le cas. L'abaissement du pH reste aléatoire. Il est fonction de la précipitation de tartre. Or, la perception de l'acidité par les dégustateurs est directement liée à la valeur du pH.

Le traitement des vins finis ne pose aucun problème, mais celui des moûts rouges reste difficile. Avant de passer dans les membranes, il faut impérativement procéder à leur clarification, afin d'obtenir une turbidité de 100 NTU. L'Inra de Pech Rouge utilise notamment des techniques de chauffage et de centrifugation pour y parvenir. De telles pratiques ne sont pas courantes dans les conditions habituelles de fonctionnement des caves. Pour les blancs et les rosés, un simple débourbage suffit. C'est justement pour ces vins que l'on recherche de la fraîcheur et de l'acidité.
En 2004, une installation a fonctionné de manière satisfaisante sur de gros volumes de jus et de vins rouges, rosés et blancs aux Etats-Unis. Au final, les dégustateurs n'ont observé aucun impact négatif sur le profil organoleptique des produits.

' Les appareils paramétrés pour le traitement des vins peuvent être immédiatement disponibles. Le coût du traitement est équivalent à celui de l'utilisation de l'acide tartrique, dont le prix varie de 4,50 à 9,00 euros/kg ', affirme Yannick Le Gratiet. Il ne manque plus que le feu vert de la Direction générale de la concurrence et des fraudes, de l'Inao et de la Commission européenne pour que cette technique soit autorisée. Pour l'heure, l 'Inao n'émet pas d'avis sur la question. Hervé Briand, directeur adjoint, se contente de déclarer que ' cette question n'a pas été, à ce jour, soumise au Comité national '.
Aujourd'hui, l'Inra travaille essentiellement sur les aspects réglementaires pour faire aboutir le projet. Ces études concernent notamment les matériaux mis en oeuvre et l'impact des rejets sur l'environnement. Mais Bernard Saint-Pierre souhaite rester discret sur les détails de ses travaux. Ce chercheur est à l'origine de l'utilisation de l'électrodialyse pour la stabilisation tartrique des vins, un dossier qui avait traîné pendant quatorze ans avant d'obtenir un avis favorable !


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