Très répandue dans le milieu agricole, l'entraide doit être mise en oeuvre avec prudence. Il est conseillé d'établir une convention pour s'affranchir de problème en cas de contrôle. Si la réciprocité de l'aide n'est pas avérée, il faut opter pour la prestation de service.
Le coup de main donné au voisin répond à une réglementation bien établie. L'ignorer peut mener à des situations embarrassantes, voire graves en cas d'accident. Le code rural précise que l'entraide en agriculture est un échange de services entre exploitants agricoles. Il peut s'agir de participation aux travaux agricoles (traitements, récolte...) ou d'un prêt de matériel agricole. L'entraide est supposée jouer dans les deux sens, la nature de la contrepartie pouvant toutefois varier. Ainsi, si le salarié d'un vigneron vient tailler trois jours chez son voisin, ce dernier peut, en échange, lui prêter son enjambeur.
En revanche, il est formellement interdit que la compensation s'établisse en bouteilles de vin. Personne ne doit réaliser de profit, car l'entraide est un acte gratuit, mais le bénéficiaire peut payer les frais occasionnés par l'aide.
Concrètement, le vigneron aidé peut rembourser les frais réels, à savoir le carburant, les phytos, l'amortissement du matériel (forfait horaire), l'assurance et le coût du salarié, charges patronales incluses. Il n'y a pas de facturation à proprement parler, donc pas de TVA, mais seulement un remboursement de frais.
Outre le principe de réciprocité de l'aide, le respect de la législation du travail est important. Le salarié qui va chez le voisin reste l'employé du vigneron qui apporte l'aide. Notons que l'entraide ne peut se réaliser qu'entre exploitants agricoles. Elle est interdite entre un vigneron et un entrepreneur par exemple. Par ailleurs, l'entraide doit être temporaire et limitée, ce qui n'empêche pas qu'elle soit régulière.
En cas d'accident, c'est l'employeur du salarié qui en assume les conséquences, bien sûr, et non le collègue chez lequel ont été faits les travaux. L'assurance des salariés, souscrite par l'employeur, couvre ce cas de figure. Le vigneron qui aide est donc responsable des dommages causés aux tiers, quelque soit la nature du dommage. A l'inverse, si un vigneron a un accident avec le tracteur de son voisin, c'est lui, en tant que conducteur, qui sera considéré responsable.
Sur le plan social, le salarié reste toujours lié à son employeur initial. Pour éviter toute ambiguïté lors d'un contrôle des agents de la MSA ou de l'inspection du travail, il est recommandé d'établir une convention d'entraide entre les deux exploitants, stipulant le prêt de main-d'oeuvre. Ainsi, le vigneron aidé sera en mesure de prouver que même s'il n'est pas l'employeur du salarié affairé dans ses vignes, il ne s'agit pas de travail illégal pour autant.
L'entraide ne doit pas être confondue avec la mise à disposition de main d'oeuvre, qui est de moins en moins tolérée. La mise à disposition ne concerne que les salariés et l'outillage dont ils ont besoin pour effectuer les travaux, et non les exploitants eux-mêmes. Dans ce cas de figure, un vigneron prête à son confrère un ou plusieurs salariés pour une période donnée. Ce prêt fait l'objet d'une facturation, soumise à la TVA, mais aucun bénéfice ne doit être réalisé.
Si le vigneron prêteur réalise une marge, alors l'administration considérera qu'il s'agit d'un prêt de main-d'oeuvre illicite. Cette infraction est passible de deux ans d'emprisonnement et d'une amende de 30 000 euros.
Dans les faits, la mise à disposition devient proscrite et reste seulement admise quand un salarié d'une société est ' prêté ' à une autre société qui a le même gérant (EARL et SCEV, par exemple). Là encore, il est conseillé de rédiger et de signer une convention de mise à disposition, avec l'identité des deux exploitants et celles des salariés. Les employés en contrat OMI (Office des migrations internationales) ne peuvent pas faire l'objet d'une mise à disposition.
En marge de l'entraide et de la mise à disposition, il est également possible de se faire aider par un membre de sa famille, même si celui-ci n'a pas de statut dans l'exploitation. Cette aide doit rester ponctuelle. Si elle est régulière, elle sera considérée par l'administration comme un travail illégal. Le degré de parenté doit être proche (parent, frère et soeur, enfant, époux) et le travail ne doit pas être rémunéré. En cas de contrôle, ' il y a présomption d'entraide familiale, précise Valérie Olivari, juriste au Syndicat général des Côtes du Rhône. Il reviendra à l'administration de prouver le contraire. Néanmoins, il est conseillé d'établir un contrat de travail à ses proches, même pour quatre heures, afin d'éviter tout problème, notamment en cas d'accident . '
Si l'administration estime qu'il s'agit d'un réel travail, et non d'une aide ponctuelle, l'exploitant devra payer des cotisations sociales majorées et sera exposé aux sanctions appliquées au travail dissimulé. Les sanctions seront d'autant plus importantes si le membre de la famille perçoit le RMI ou le chômage.
Quant au bénévolat, il est malheureusement à proscrire. En cas de grave accident, les ayants droit pourront se retourner contre l'exploitant, car le bénévole ne bénéficie d'aucune protection sociale liée à son aide gratuite. Une rémunération en nature, notamment en bouteilles de vin, est interdite, de même que l'hébergement ou des repas et, bien sûr, de l'argent en espèces. S'il est avéré qu'il ne s'agit pas d'un réel bénévolat, le contrat de bénévolat sera requalifié en contrat de travail.
Dans le cas où il n'y a pas de réciprocité de l'aide entre deux vignerons, il faut opter pour la prestation de service. Le vigneron qui prend en charge tous les travaux mécanisés d'une parcelle de son voisin, peut ainsi facturer son service à hauteur de 30 000 euros par an et de 30 % de son chiffre d'affaires annuel. Dans le cas de l'application de phytos, l'exécutant doit être habilité à cette tâche. Il doit, au minimum, être titulaire d'un BEPA ou du certificat des applicateurs de phytos, délivré par la Direction départementale de l'agriculture.