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Fin de la futaie Colbert

La vigne - n°162 - février 2005 - page 0

Cet hiver, un merrandier a abattu des chênes vieux de plus de 300 ans dans la forêt de Tronçais. C'étaient les derniers survivants exploitables de l'époque de Colbert, ministre de Louis XIV.

Quand, en 1669, Jean-Baptiste Colbert est nommé ministre de la Marine de Louis XIV, il demande un inventaire et un état des forêts françaises. Il a besoin de grands arbres bien droits pour constituer une flotte digne de ce nom. La forêt de Tronçais (Allier) est alors dans un état pitoyable. Colbert ordonne son recépagement.
De ces arbres nés à la fin du XVII e siècle, peu réchapperont de la révolution industrielle. Ils vont payer un lourd tribut à l'appétit de Nicolas Rambourg. Cet industriel obtient, en 1788, l'autorisation d'installer des forges au coeur de la forêt de Tronçais, et d'en exploiter 2 600 ha pour produire le charbon de bois nécessaire à l'alimentation de ses fourneaux. La futaie Colbert est dévastée par des coupes anarchiques. ' Les arbres qui restent ici sont des reliques ', s'émerveille Philippe Magne, de l'association Les Amis de la forêt de Tronçais. Ils sont jalousement gardés et soignés par l'ONF.
Chaque automne, l'ONF organise une vente de bois à Cérilly. L'Office propose les parcelles qui doivent être renouvelées.

En 1999, il ne restait à vendre que la parcelle 233 de la futaie Colbert. La merranderie Canadell s'est portée acquéreur, mais a dû en différer l'exploitation en raison de la tempête qui suivit. Les derniers arbres sont abattus cet hiver. En tant que premier client de l'ONF à Tronçais, et fournisseur de merrains pour de nombreuses tonnelleries parmi les plus réputées (Seguin Moreau, Boutes, Dargaud et Jaegle...), Jacques Canadell se devait d'acquérir cette parcelle. Nombre de ses clients se sont déplacés, cet automne, pour assister à l'abattage de l'un des derniers arbres exploitables.
Ces tonneliers envisagent de produire quelques fûts ' Colbert ', en hommage à ces vénérables chênes tricentenaires. A raison d'une vingtaine de barriques par grume, ces contenants, au grain fin, seront denrée rare. Seuls quelques élus pourront y élever leur vin.
Cependant, sur la parcelle 233, quelques arbres remarquables ne seront pas abattus. ' Nous en conservons toujours, explique Olivier Poite, directeur de l'agence de l'ONF de l'Allier. Ils ont une forme particulière. Cela leur donne le droit de mourir de leur belle mort. '

Certains de ces rescapés d'autres coupes sont célèbres. Parmi eux, le chêne Saint-Louis, âgé d'environ 450 ans, que le recépagement de Colbert avait déjà épargné. Ou le chêne de la Résistance, qui fut d'abord le chêne Pétain parce que le maréchal l'avait remarqué en 1940. A la Libération, il fut rebaptisé chêne Gabriel-Péri, en hommage au député fusillé en 1941, avant de s'appeler le chêne de la Résistance.
Ces deux arbres sont conservés dans la réserve biologique instituée en 1976, qui couvre 13 ha. L'ONF l'a constituée pour préserver de vieux sujets. ' La longévité naturelle des chênes peut atteindre 400 à 500 ans, signale Yves Déjean, de l'ONF. Si on les coupait tous à 300 ans, l'âge technico-économique d'exploitation, on se priverait d'un écosystème très âgé. ' La réserve biologique présente un intérêt scientifique. Des études sont en cours sur les chauves-souris et les insectes qui la peuplent. Surtout, elle permettra aux générations futures de venir admirer cette forêt, comme les 300 000 visiteurs que la forêt accueille chaque année.

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