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Montsant un nouveau-né prometteur

La vigne - n°162 - février 2005 - page 0

En 2001, en Espagne, naissait l'appellation Montsant. Les coopératives y règnent en maîtresses. En imposant des règles strictes à leurs adhérents, elles ont révélé le potentiel de leur terroir.

Le vignoble de Montsant figure dans la liste des appellations espagnoles depuis 2001. Avant, il faisait partie de la DOQ (dénomination d'origine) Tarragona, quelque 2 000 ha près de la ville du même nom. Aujourd'hui, l'aire de Montsant entoure Priorat, l'une des appellations ibériques les plus cotées. ' Souvent, seule une simple borne dans un champ sépare les deux ', note Magda Nadal, du service commercial de Falset Marça. Cette coopérative regroupe 200 apporteurs des villages de Montsant et de Priorat. Ils cultivent 470 ha pour une production de 13 000 hl par an.
Dans un premier temps, les vignerons de Montsant souhaitaient que leurs terres soient englobées dans l'appellation Priorat. Mais leurs voisins, soucieux de préserver leur marché, ont refusé. ' Les vins de Montsant ont un potentiel fantastique, mais ils sont différents, moins minéraux et plus complexes, car les sols y sont plus diversifiés ', explique Colin Gent, du négoce bordelais Europvins. Il en produit 60 000 bouteilles par an en achetant en exclusivité les raisins de plusieurs viticulteurs. Il s'est implanté là en 1999.
Ceci dit, les coopératives assurent 90 % de la production. Leur figure de proue est Capçanes. Elle a été fondée en 1933. Elle compte 80 adhérents propriétaires de 300 ha.

' Dans les années 80, nous vendions tout notre raisin aux caves du Penedès. Mais en 1988, nous avons commencé à embouteiller et, depuis 1996, nous vinifions toute notre récolte ', rappelle son président Francisco Blanch.
En 1994, Capçanes lance un vin kascher qui lui apportera la notoriété. ' Nous en commercialisons 13 000 bouteilles par an. Il a récemment été classé deuxième meilleur vin au monde dans sa catégorie. ' La production totale de la coopérative est voisine de 8 000 hl. Elle écoule 7 000 hl en bouteilles de 3,30 à 34 euros, et en exporte 80 % dans trente pays. Elle vend le reste en vrac, directement à la cave, entre 1,21 et 1,95 euros/l. ' La population locale y tient et cela constitue un débouché pour les vins déclassés ou de jeunes vignes. '
Les dirigeants ont imposé une politique drastique. ' 50 % de la récolte passe sur table de tri. Notre grille de paiement comporte quatre-vingts prix, en fonction du cépage, de la qualité, de l'âge des vignes, de leur localisation ', révèle Francisco Blanch. Résultat, si le kilo de raisin est en moyenne payé 1 à 1,20 euros, la fourchette des prix va de 0,60 à 3 euros pour le grenache, le sommet étant atteint avec les vignes les plus âgées.
Etagées entre 300 et 700 m d'altitude, les vignes ont parfois 50, voire 100 ans. Certaines sont uniquement accessibles à pied ou à dos de mulet. ' Mais vu leur potentiel, nous tenons à ce qu'elles continuent à être exploitées ', rappelle Francisco Blanch.
Chez Falset Marça, les vins se vendent entre 3 et 20 euros la bouteille. Le raisin est acheté en moyenne 0,80 euros/kg. ' Avec une tendance à la baisse, car la hausse de l'euro ne peut pas être répercutée à l'exportation, qui représente 70 % de nos débouchés. '

Comme beaucoup d'autres, ces caves ont réalisé de gros investissements pour se moderniser. Elles se sont équipées en thermorégulation, ont acheté des barriques, climatisé leurs chais... ' Cela nous a coûté près de 5 millions d'euros sur les dix dernières années. 28 % ont été couverts par le Feoga et le reste par des crédits payés par les adhérents proportionnellement à leurs parts ', révèle Francisco Blanch. Dorénavant, dans toute l'appellation, la fermentation des blancs s'opère entre 15 et 17°C. Pour les rouges c'est moins uniforme. Chez Capçanes, selon les crus, elle dure de douze à trente jours démarrant d'abord entre 30 et 33°C, ' pour extraire la couleur ', puis s'achevant entre 25 et 27°C. Au final, les vins titrent 14 à 14°5. ' En dessous, ils ne sont pas bien structurés. '
Chez Falset Marça, les rouges fermentent entre 26 et 28°C durant une à deux semaines. Ils passent ensuite trois mois à un an en barriques. Cette période atteint seize mois pour les meilleurs crus de Capçanes. ' Le grenache résistant moins que le cabernet, on ne le met pas dans des fûts neufs. On l'élève dans un chai, où il fait 15 à 17°C, car la fraîcheur réduit le goût de bois. '
Mais cela pourrait évoluer. ' Les oenologues découvrent encore ce terroir et recherchent les vinifications les plus adaptées ', affirme Colin Gent.
' Nous prévoyons de multiplier les crus pour différencier encore plus les qualités ', annonce Francisco Blanch qui regarde vers les marchés émergents d'Asie et de l'Est. ' Notre priorité est désormais d'accroître la qualité des raisins et de réduire les ventes en vrac ', déclare de son côté Elvira Basteiro Prunera, oenologue de Falset Marça. Sa coopérative souhaite se développer en Espagne.

Aujourd'hui, elle réalise l'essentiel de ses ventes domestiques en Catalogne et au Pays Basque. Elle peine à s'implanter dans le reste du pays. ' Ce n'est pas facile, car il existe un fort sentiment anticatalan dans les autres régions ', affirment les deux coopératives dont le nombre d'adhérents reste stable.
Les jeunes suivent la voie tracée par leur père et restent sagement coopérateurs. Rares sont ceux qui se laissent tenter par l'aventure de la vinification, car ' le marché est congestionné, et il est très dur d'y percer '. A ce train-là, les coopératives règneront longtemps sur l'appellation Montsant, leur création !

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