A moins d'avoir vos entrées auprès de négociants, mieux vaut passer par des courtiers lorsque vous vendez en vrac. Voici leurs recommandations pour mettre toutes les chances de votre côté.
Du mieux que tu peux, tu feras. ' C'est le premier commandement de la profession. Ce credo est valable pour le marché des bouteilles comme pour celui du vrac. La règle est encore plus vraie lorsque les marchés souffrent d'un déséquilibre défavorable à l'offre ! Faire bien est un préalable indispensable, mais insuffisant. D'autres règles existent pour obtenir l'avantage.
' A qualité égale, les premiers présentés sont les premiers vendus et les mieux valorisés . ' Les courtiers sont unanimes : il faut proposer ses vins au plus tôt. En principe, le gros de l'activité se fait en tout début d'année, avec un pic de transactions sur le premier trimestre. ' Les vignerons doivent mettre tout en oeuvre pour que leurs vins soient prêts à être dégustés dès novembre, voire courant décembre ', considère Olivier Richard, courtier du Beaujolais. Cette période est primordiale pour les vignerons, car c'est celle où les négociants qui ont des vins de marque s'approvisionnent. ' Ces opérateurs recherchent d'abord une qualité, ensuite un prix. C'est donc le bon moment pour valoriser ses meilleurs lots ', explique Philippe Martin, courtier à Vaqueyras (Vaucluse). Plus on avance dans la campagne, plus ces opérateurs ' de marque ' ont fait le plein. On se retrouve donc face à des négociants pour lesquels le prix est un critère prioritaire. Le producteur risque de revoir ses prétentions à la baisse s'il n'a pas vendu durant le printemps...
Etre précoce, c'est bien, être prématuré, c'est risqué. Il faut attendre que les vins soient terminés et propres à être dégustés. ' Lorsque l'on vient prélever les échantillons, les fermentations doivent être finies, le vin soutiré, sulfité, analysé et relogé proprement ', résume un habitué. ' Il ne faut pas perdre de vue qu'aujourd'hui, l'offre est supérieure à la demande. Quand un vin a un goût de réduit, le négociant le rejette systématiquement. Il ne va pas se dire : 'Tiens, celui-ci, une fois aéré, il devrait convenir'... ', précise cet autre. ' Je conseille d'attendre une dizaine de jours après le réajustement en SO 2, avant de prélever des échantillons. Ainsi, le vin a le temps de reprendre de sa splendeur, notamment au niveau de sa couleur ', explique Philippe Martin. En revanche, il n'est pas nécessaire d'avoir des vins collés, ni filtrés. Les courtiers, comme les négociants, sont des professionnels qui ont l'habitude de goûter des vins troubles.
' On dit rarement à un producteur que son vin est mauvais... Personnellement, quand je parle de vin moyen, voire très moyen, cela signifie qu'il n'est pas bon. En clair, le vigneron ne peut pas espérer avoir un prix dans la fourchette haute des cours ', confie un jeune courtier du Midi. ' Si je dis à mon interlocuteur qu'il est trop gourmand, cela signifie qu'il est en décalage avec ses concurrents. J'ai alors en tête des vins de même niveau qualitatif, proposés à des prix plus bas. Je sais que mes clients négociants opteront pour ceux-là ', raconte un autre.
En bref, il faut être attentif à ce que dit votre courtier. Ce n'est pas seulement un intermédiaire entre un vendeur et son acheteur. C'est un professionnel qui connaît parfaitement le marché. A ce titre, ses conseils peuvent être pertinents. Il peut donc être intéressant de l'inviter à des dégustations en cours de vinification, en duo avec l'oenologue. L'un délivre des conseils techniques, l'autre décrit ce qui se vend le mieux.
En général, le marché du vrac est l'apanage des gros faiseurs, lesquels raisonnent en terme de citernes. ' Dans la mesure du possible, il faut présenter à la vente des unités voisines de 260 hl. En effet, dans le cas d'un lot de 280 ou 300 hl, le solde, s'il est inférieur à 20 ou 30 hl, ne sera pas enlevé ', explique Thierry Poirier, de l'agence vinicole Pépin-Poirier-Pavia, dans l'Hérault. Pour vendre correctement des touts petits lots, il faut mettre en avant un plus (AOC prestigieuse, cuvée spéciale...). Quand on sort des standards du marché et que l'on joue la stratégie de niche, mieux vaut s'assurer, au préalable, qu'il existe un débouché !
Si les concours les plus connus permettent d'obtenir une valorisation (concours général de Paris, foire de Mâcon...), les autres restent tout de même intéressants. ' Dans un marché morose, un vin médaillé se vend alors qu'un autre vin, de qualité égale mais sans distinction, peut rester dans les chais ', estime Philippe Martin.
Un vigneron qui possède des cuves de différentes qualités, a souvent tendance à les assembler pour offrir un vin de qualité moyenne. Cette pratique est risquée sur un marché en crise. ' Je déconseille à mes clients producteurs d'agir de cette manière. En proposant un vin moyen, ils risquent de se retrouver avec toutes leurs cuves sur les bras. Alors que la meilleure aurait pu partir très facilement ', raconte Olivier Richard. Un collègue d'une autre région précise : ' Quand un viticulteur possède une cuve médiocre, il est préférable de la négocier avec le reste, mais sans l'assembler. ' Dans ce cas, il faut présenter d'abord un échantillon représentatif de l'ensemble du lot que l'on souhaite commercialiser. On n'assemble pas les cuves correspondantes, tant que le négociant n'a pas passé sa commande.
Pour multiplier vos chances de vendre ou motiver un courtier dont vous n'êtes pas satisfait, vous pouvez faire appel à l'un de ses collègues. L'objectif est de faire jouer la concurrence... Reste qu'il est important d'être clair sur ce point. ' Lorsque l'on négocie avec un acheteur sur un lot, il est important que l'on sache s'il y a d'autres courtiers sur le coup ou non. Ce n'est pas très professionnel d'apprendre en fin de négociation que finalement, le vin n'est plus disponible... Personnellement, on me fait le coup une fois, jamais deux ', explique Olivier Richard.
Toutes les possibilités sont permises dès lors que vous jouez la transparence. Par exemple, vous pouvez donner la priorité à votre intermédiaire habituel sans lui donner l'exclusivité. Concrètement, plusieurs courtiers vont présenter des échantillons d'un même lot. Le premier qui a une offre d'achat se déclare. Si votre courtier ' préféré ' s'aligne, l'affaire est conclue avec lui. L'essentiel est d'être droit en affaires : dire ce que l'on fait et faire ce que l'on a dit !