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Le rapport feuilles sur fruits

La vigne - n°163 - mars 2005 - page 0

La richesse en sucre de la récolte dépend du rapport entre la surface foliaire et sa charge. Cette donnée s'exprime en mètre carré de feuillage par kilo de raisins.

François Murisier, de la station suisse fédérale de Changins, est le premier chercheur à avoir travaillé sur l'influence du rapport feuilles/fruits sur la qualité des raisins et la croissance de la vigne. Il a montré que la surface de feuillage est fortement corrélée avec la richesse en sucre à la récolte. Selon lui, il faut, en moyenne, sur les cépages chasselas et gamay, 1 à 1,2 m² de feuillage pour faire mûrir 1 kg de raisin. Le rapport feuilles/fruits est donc un bon indicateur pour préjuger de la qualité des moûts. ' C'est un indice beaucoup plus pertinent que les facteurs actuels, à savoir la densité de plantation et le rendement, car il prend en compte la surface foliaire ', pose Thierry Dufourcq, de l'ITV de Midi-Pyrénées.
Selon les régions, eu égard au mode de conduite et au rendement, la valeur de ce rapport peut être très variable. Ainsi, il peut aller de 0,6 - pour une vigne plantée à 3 m d'écartement entre les rangs, avec 1 m de hauteur de feuillage pour une production de 13 t/ha de raisins - à 2,7 - pour une vigne plantée à 1 m d'écartement, avec 80 cm de hauteur de feuillage pour une production de 7 t/ha de raisins.

Depuis cinq ans, l'ITV étudie l'impact de la variation du rapport feuilles/fruits sur la qualité des moûts et des vins, dans le cadre du programme d'expérimentation ' Optimisation de la conduite de la vigne '. L'objectif est de voir s'il existe une valeur optimale selon les cépages, et de fournir des références techniques. L'ITV a donc réalisé des suivis dans plusieurs vignobles sur différents cépages : sur colombard, côt, duras et négrette en Midi-Pyrénées, sur mourvèdre en Ardèche et en Languedoc, sur grolleau dans le Val de Loire, sur cabernet-sauvignon et merlot dans le Bordelais. Dans chaque région, l'institut a étudié chaque cépage dans des terroirs différents, avec ou sans contrainte hydrique, afin de voir l'influence de ce facteur. Sur chaque site, il a fait varier le rapport par la hauteur de rognage et par la suppression de grappes, soit quatre à six modalités différentes selon les parcelles. Il a ensuite estimé la surface foliaire exposée selon la méthode de François Murisier, en mesurant la surface externe du couvert végétal (SECV). Il s'agit d'un calcul simple que le vigneron peut faire lui-même (voir infographie). Il suffit de mesurer la hauteur (H) et l'épaisseur (L) de feuillage pour calculer une surface de feuillage, que l'on divise ensuite par l'écartement entre les rangs (E). On obtient une valeur de surface foliaire exposée en mètre carré de feuilles par mètre carré de sol. Le rapport feuilles/fruits s'obtient en divisant cette valeur par le poids de récolte en kilogramme par mètre carré.

L'analyse des courbes présentées par l'ITV, lors de Mondiaviti, montre très clairement que le degré potentiel à la récolte dépend du rapport feuilles/fruits. Ainsi, les parcelles de grolleau sur le secteur d'Angers, qui présentent 0,5 m² de feuillage par kilo de raisin, ne peuvent guère donner plus de 10° potentiels. Avec un rapport de 1 m²/kg, le vigneron peut tabler sur 11°3. Avec 1,4 à 1,5 m²/kg, il peut obtenir 12° et avec 2 m²/kg, il peut viser 12°5 à 13° potentiels.
Pour le merlot, sur une parcelle de Saint-Emilion, les observations montrent qu'1 m² de feuillage par kilo suffit pour avoir 12° potentiels. Par contre, pour viser 13°, 2 m²/kg sont nécessaires. Sur des sols peu stressants, la relation entre le rapport feuilles/fruits et la qualité du moût est constante selon les millésimes. On peut raisonnablement tabler sur une richesse en sucre à la récolte selon le rapport feuilles/fruits d'une parcelle.
Dans les situations plus limitantes en eau, l'effet millésime peut alors supplanter l'effet du mode de conduite sur la qualité des moûts. Cela s'est produit dans une parcelle de mourvèdre dans le secteur de Nîmes. Un rapport de 1 m²/kg a permis d'obtenir 13° en 2000, 13°5 en 2001, mais seulement 11°2 en 1999. Cette année-là, il fallait 1,5 m²/kg pour obtenir 12° potentiels. Malgré cela, même lors de ce millésime, le ratio le plus élevé a engendré le meilleur potentiel de vendange. ' L'indice reste valable en sol stressant, mais il faut accepter davantage de variabilité ', estime Thierry Dufourcq.
L'ITV a recherché le lien entre le rapport et les autres paramètres analytiques des moûts. Pour ce qui est de l'acidité, il n'en a pas trouvé.

Par contre, pour les rouges, il a montré une corrélation avec la teneur en anthocyanes et en polyphénols totaux. En Midi-Pyrénées, les travaux sur les précurseurs d'arômes de type thiols sur le colombard montrent une corrélation positive entre le rapport et la teneur en thiols. Globalement, la quantité de thiols variétaux augmente avec l'indice. Toutefois, l'effet millésime dû à la contrainte hydrique peut gommer ce lien.
L'ITV a dégusté tous les vins obtenus. Les effets terroir et millésime sont importants mais, dans l'ensemble, les vins issus des parcelles ayant les plus hauts rapports feuilles/fruits se distinguent positivement. En Midi-Pyrénées, les techniciens ont pu donner des valeurs optimales en fonction des cépages. Pour les rouges (côt, duras, négrette) plantés sur des sols ayant un faible déficit hydrique, un rapport de 2 m² de feuillage par kilo de raisins s'avère idéal pour obtenir des vins de qualité. Pour les blancs issus de colombard, une valeur de 1 m²/kg suffit. Pour les autres cépages, l'ITV estime qu'il faut un ratio d'au moins 1,2 m²/kg et que pour les rouges, un rapport supérieur à 1,5 m²/kg donne de meilleurs résultats.
' C'est aux professionnels de chaque région de décider quels indices ils souhaitent en fonction du type de vin qu'ils produisent. S'ils veulent faire des vins légers, fruités, à boire rapidement, ce n'est pas la peine de chercher des indices très élevés ', considère Thierry Dufourcq.
L'ITV travaille actuellement à la constitution d'abaques, qui permettront de calculer les rapports feuilles/fruits en fonction des caractéristiques viticoles régionales. Ils prendront en compte les objectifs des productions locales et les contraintes des appellations. Une fois ces rapports définis, les vignerons pourront jouer sur trois paramètres pour les optimiser : l'écartement des rangs, la hauteur de feuillage et le rendement.



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