Des systèmes sont apparus pour refroidir la vendange avant la vinification. Deux d'entre eux utilisent du CO liquide, qui protège la vendange contre l'oxydation, mais coûte cher. Un autre réalise un véritable traitement à froid. Tous permettent d'obtenir des vins plus fruités, voire plus colorés. Ils ne s'adressent pas aux vins d'entrée de gamme.
TMCI Padovan (à Trévise, Italie) présentait au dernier salon Intervitis son système de refroidissement de la vendange, baptisé Artica. C'est une tour de refroidissement qui utilise du gaz carbonique. Elle ne fonctionne que sur de la vendange égrappée et foulée, ' le CO2 risquant d'extraire trop de tanins astringents de la rafle ', selon le fabricant. Les baies rentrent par le haut de la tour et descendent sur des plateaux inclinés. Le CO 2 liquide, injecté par le bas, se transforme en neige, puis en gaz. L'injecteur de CO 2 régule automatiquement la quantité pulvérisée dans la colonne en fonction de la température initiale de la vendange.
L'avantage de ce système est à la fois de refroidir la vendange et de la protéger contre l'oxydation.
Artica n'a pas encore été installé en France, mais de nombreuses caves italiennes l'ont déjà testé. Claudio Magnano, oenologue conseil de la cave coopérative de Monferrato (Piémont), l'a essayé en 2004 sur trois cépages noirs, dont le brachetto, aux arômes muscatés. Il voulait réaliser une macération préfermentaire à froid pour extraire un peu plus de géraniol (terpène responsable des arômes de ce cépage) et augmenter la couleur. La température des 500 t a été abaissée de 20°C. L'oenologue est satisfait des résultats, mais regrette ' le coût du gaz carbonique, qui rend ce matériel difficilement applicable pour les gros volumes et les entrées de gamme '.
Même constat pour Adriano Dal Bianco, du domaine Terres d'Ogliano (Vénétie). Il a essayé la version 5 t/h de l'Artica en 2004, en vue d'augmenter le potentiel aromatique de ses vins blancs de prosecco, dont il élabore 500 000 cols tous les ans. Il a porté les raisins à 2°C, soit un abaissement de température de 20°C. ' Les vins sont plus aromatiques, mais moins élégants dans les premiers mois après la vinification ', signale-t-il. Ensuite, ce problème a disparu et la grande complexité aromatique des vins s'est révélée. Adriano Dal Bianco compte poursuivre ses essais pour vérifier l'adaptation de ce système à ses vins. Artica ne semble en tout cas pas adapté, dans son cas, aux vins de rotation rapide.
Air Liquide a lancé Boréal en France, à l'occasion du Vinitech 2004. Cet appareil existe en Italie depuis environ quatre ans. Il s'agit d'une cuve dans laquelle la vendange, égrappée ou non, entre par le haut. Cinq injecteurs de CO 2 liquide, situés à la périphérie de la cuve, assurent un refroidissement homogène du raisin et une protection contre l'oxydation.
La capacité de refroidissement dépend du débit de fonctionnement. Plus on travaille lentement, plus on peut refroidir. Pour agir sur le débit, l'utilisateur règle sur l'automate la pression qu'il souhaite obtenir en sortie de l'appareil. C'est en effet la pression exercée par le CO 2 sur la vendange qui l'évacue. A ce titre, Boréal peut alimenter directement des cuves, même éloignées, sans pompe de reprise. Cela évite toute trituration.
Sur l'automate, l'utilisateur saisit également la température qu'il souhaite en sortie. En fonction des deux paramètres pression-température et de la température d'entrée de la vendange, l'automate ajuste l'ouverture des cinq injecteurs. Ils ne fonctionnent pas forcément tous en même temps.
Le château Minuty, à Gassin (Var), a acquis le Boréal pour ses vendanges en 2004. Stéphanie Mongeot, oenologue, l'a utilisé pour refroidir tous ses raisins, aussi bien pour les rosés que les rouges ou les blancs. ' L'appareil est simple d'utilisation, témoigne-t-elle. Il faut simplement surveiller l'écran de contrôle et programmer la température et la pression en sortie. ' Le château Minuty n'a testé le Boréal qu'un an, ' mais l'essai est transformé. Nous avons de meilleurs résultats sur les arômes et la couleur que ce que l'on a pu voir dans le reste de l'appellation Côtes de Provence en 2004, millésime plutôt difficile dans la région. L'investissement va se justifier par le gain qualitatif '.
Seul bémol : outre l'investissement non négligeable, le Boréal consomme beaucoup de gaz. Pour Lorenzo Landi, conseiller technique du domaine Fattoria del Cerro, à Montepulciano (Toscane), ces problèmes de coût passent au second plan, ' surtout pour les petites et moyennes caves, dont les vins ont de bonnes valeurs ajoutées. Ils peuvent supporter des coûts plus élevés '. Il utilise Boréal depuis 1998, quand le procédé n'en était encore qu'au stade de prototype. Son objectif initial était d'obtenir plus d'arômes variétaux. Lorenzo Landi l'a d'abord utilisé pour les blancs, puis pour les rouges. Là, il a remarqué que Boréal permettait non seulement de protéger la vendange de toute oxydation, mais augmentait aussi l'extraction et la stabilité de la couleur.
Chez Banfi, producteur à Montalcino (Toscane), Thomas Bucci utilise Boréal depuis quatre vendanges. Il s'en sert pour les raisins blancs et noirs, pour faire face aux moments d'apports importants. Trois de ses lignes de vinification sont équipées de systèmes traditionnels de gestion de la température ; la quatrième utilise le matériel d'Air Liquide. ' L'investissement pour Boréal est assez faible et demande moins d'énergie que les systèmes traditionnels ', précise-t-il, ce qui plaide en faveur de ce matériel.
Distingué au dernier Vinitech par une citation, le Cryo Flash d'Imeca est un procédé d'extraction plus que de refroidissement. A l'inverse des deux autres systèmes, cet appareil n'utilise pas de gaz carbonique et donc ne protège pas la vendange contre l'oxygène. Il est toutefois possible d'y installer un système d'inertage.
Les raisins sont égouttés, puis portés à une température négative en moins d'une minute. Ce traitement déstructure les pellicules des baies et facilite l'extraction des arômes. Le jus initial, resté à la température d'arrivée du raisin, est ensuite réincorporé. Ce système est conçu pour ne pas interrompre la chaîne de traitement du raisin.
' Le Cryo Flash permet d'obtenir des vins plus fruités, à la structure plus souple, témoigne François Vidal, oenologue et maître de chai au Château de Grézan, à Laurens (Hérault). Les vins sont plus commerciaux. Et le fruit reste dans le temps. ' Il a expérimenté ce matériel pendant trois campagnes. ' Comme on porte les raisins à une température négative, celle-ci reste assez basse, même après assemblage avec le jus d'égouttage recueilli au début. La fermentation est donc un peu décalée, ce qui permet une petite macération préfermentaire. Cela complète peut-être l'effet du traitement des raisins. ' Pour ses vins de pays, il est convaincu de l'utilité du système. En appellation, il envisage de l'utiliser sur quelques cuves, pour leur rajouter un peu de fruité, ' comme le marché les demande actuellement '. Toutefois, il redoute de perdre en typicité s'il traite ainsi la totalité de sa vendange en appellation.
Des essais, menés parallèlement à la cave Tapiz, dans la province de Mendoza (Argentine), montrent que l'amélioration aromatique est surtout liée à un enrichissement en esters. La comparaison est réalisée avec une macération pelliculaire à 10°C de 48 heures. En revanche, le Cryo Flash semble ne jouer aucun rôle sur la structure tannique des vins : il ne modifie ni la teneur en tanins, ni leur type.