Les règles régissant les baux sont différentes selon que ces contrats sont signés pour une durée de neuf, dix-huit ou vingt-cinq ans. Après neuf ou dix-huit ans, le propriétaire ne peut reprendre que s'il veut exploiter. Après vingt-cinq ans, il en est tout autrement. Au fermier d'y réfléchir !
Les baux étant monnaie courante en agriculture, on pourrait penser qu'ils sont parfaitement connus. Et pourtant, les cas de contentieux ne manquent pas, preuve que les parties ne sont pas toujours bien informées de leurs droits et devoirs. Le bail rural est d'une durée minimale de neuf ans. A cette échéance, il est renouvelable pour neuf ans, sauf si le propriétaire souhaite reprendre les terres pour les exploiter lui-même. Son conjoint ou l'un de ses descendants le peuvent également, mais non les gendres et belles-filles. Dans ce cas, le bailleur doit notifier par acte d'huissier la fin du bail au moins dix-huit mois avant son échéance.
Pour donner congé à son fermier, le propriétaire doit impérativement respecter le contrôle des structures et pouvoir justifier de la capacité professionnelle. Il doit aussi avoir l'intention d'exploiter lui-même ses terres, ce qui suppose qu'il dispose du matériel adéquat ou qu'il est en mesure de l'acheter. Il ne peut pas se limiter à diriger. Il doit obligatoirement participer aux travaux de manière effective et permanente, sur les lieux de l'exploitation. Il lui est donc interdit de les confier à un prestataire de services. Les juges du tribunal paritaire des baux ruraux pourraient estimer qu'il n'a pas l'intention d'exploiter lui-même.
Il est également préférable que le propriétaire n'exerce pas d'autre profession, faute de quoi il pourrait difficilement participer de manière permanente aux travaux viticoles. Quelques heures d'enseignement ou d'expertise sont généralement tolérées. De même, si la surface reprise est très petite, les juges admettent la double activité. Certains baux contiennent une clause de reprise sexennale. Cela signifie que le propriétaire peut reprendre son bien, sous réserve de remplir toutes les conditions requises, à la fin de la sixième année suivant le renouvellement du bail. Cette clause ne peut s'appliquer qu'à l'occasion du renouvellement, même si elle est inscrite dans le bail initial. Dans ce cas, le congé doit être signifié deux ans à l'avance par huissier.
Le bail peut également être rompu à l'amiable entre le preneur et le bailleur. Le statut du fermage stipule qu'un preneur peut mettre fin à son bail si lui, ou l'un des membres de sa famille, est dans une incapacité physique permanente, dans le cas du décès d'un membre de la famille indispensable au travail, ou encore de l'acquisition par le preneur d'une ferme qu'il doit exploiter.
Avec les difficultés économiques traversées par la filière vitivinicole, certains fermiers souhaitent également mettre fin à leurs baux par manque de rentabilité. Une négociation à l'amiable peut alors intervenir entre les deux parties, si le propriétaire y consent. Le preneur ne peut pas, de sa propre initiative, arrêter d'exploiter avant la fin de son bail, lequel se poursuit juridiquement jusqu'à son terme.
De nombreux baux sont à long terme, de dix-huit ou de vingt-cinq ans. Obligatoirement rédigés par un notaire, ils sont très différents l'un de l'autre. Pour résumer, il est préférable pour un fermier de louer des terres avec un bail d'une durée de dix-huit ans, alors qu'un propriétaire a intérêt à privilégier les baux de vingt-cinq ans. Ces deux contrats bénéficient des avantages fiscaux liés aux baux à long terme, à savoir une exonération de 75 % des droits de donation jusqu'à 76 000 euros, et de 50 % au-delà de 76 000 euros.
La grande différence tient dans le renouvellement. Un bail de dix-huit ans se renouvelle pour neuf ans, éventuellement avec l'ajout d'une clause sexennale. Le propriétaire peut reprendre son bien à l'issue des dix-huit ans, seulement s'il souhaite l'exploiter. En revanche, pour les baux de vingt-cinq ans à long préavis, le propriétaire peut reprendre ses terres sans aucune condition. Il lui suffit de prévenir son fermier quatre ans à l'avance, la durée du préavis. Arrivé à échéance, ce bail est renouvelable tous les ans, ce qui engendre un manque de visibilité. Un fermier peut donc s'en voir signifier l'arrêt au cours de la vingt-et-unière année, avec une mise à effet à la fin de la vingt-cinquième année. Il est également possible que le propriétaire reprenne son bien et le reloue au même exploitant avec des conditions revues à la hausse...
Attention, un bail de vingt-cinq ans n'est pas automatiquement à long préavis. Il faut que cela soit mentionné dans le contrat. Si rien n'est inscrit, les règles classiques s'appliquent. Arrivé à échéance, le bail se renouvelle pour neuf ans. Le propriétaire peut reprendre son bien uniquement si lui, son conjoint, ou l'un de ses descendants, souhaite l'exploiter. ' Les baux de vingt-cinq ans à long préavis sont souvent préconisés par les notaires qui y voient un avantage patrimonial, analyse Etienne Benedetti, responsable du service juridique du Syndicat général des vignerons de Champagne. Le propriétaire s'engage pour lui sur vingt-cinq ans, mais laisse une grande liberté à la génération suivante qui pourra facilement reprendre le bien et éventuellement le vendre. '
Du point de vue de l'exploitant, le bail à vingt-cinq ans à long préavis n'est pas sans danger : vingt-cinq ans, c'est seulement 60 % d'une carrière de quarante-deux ans...
Les prix du fermage sont fixés par la commission paritaire des baux ruraux, qui comprend à la fois des fermiers et des bailleurs. Cette commission publie une grille de prix minima et maxima. Les baux à long terme bénéficient d'une majoration pouvant aller jusqu'à 1 % par année louée, pour dédommager le propriétaire d'une longue immobilisation de son bien.
En cas de décès du preneur, le bail se poursuit au profit du conjoint, de ses descendants ou de ses ascendants, à la condition qu'ils aient participé aux travaux de l'exploitation au cours des cinq dernières années. Dans le cas contraire, les héritiers et le bailleur ont le droit de résilier le bail dans les six mois suivant le décès.
De même, un preneur qui atteint l'âge de la retraite peut résilier son bail, sous réserve de notifier sa décision au minimum douze mois à l'avance. Quant au divorce, il ne met pas fin au bail si les époux sont copreneurs. Si chacun tient à rester preneur, ils doivent trouver un arrangement dans la gestion de l'exploitation. Si l'un des époux renonce au bail, l'ex-conjoint peut continuer à exercer normalement.