En 2003, l'ITV d'Epernay (Marne) a comparé l'efficacité épuratoire, la facilité d'emploi et le coût de revient de dix procédés de traitement. Les résultats sont inégaux.
Le traitement des fonds de cuves et des eaux de rinçage de pulvérisateurs sera bientôt une obligation. Dans cette perspective, de nombreux systèmes sont apparus. Mais aucun n'est actuellement validé par le ministère de l'Agriculture, ni celui de l'Environnement.
Pour permettre aux viticulteurs de voir plus clair dans la multitude de solutions proposées, l'ITV a lancé un banc comparatif en 2003. L'ambition était de fournir des critères objectifs de choix. L'étude, menée à la station d'Epernay, a porté sur dix procédés. Jean-Luc Demars, en charge de ce projet, les a évalués sur plusieurs critères, dont le résultat d'épuration, la facilité d'emploi et le coût de revient.
Il distingue deux grands principes de traitement : la concentration des effluents et leur dégradation.
Au terme de la concentration, il reste des boues à éliminer en déchet industriel spécial (DIS), et de l'eau épurée. L'Osmofilm fait exception. Avec ce procédé, la concentration a lieu par évaporation. Dans la seconde catégorie, Jean-Luc Demars a recensé quatre appareils. D'autres procédés utilisent l'épuration biologique, comme le Phytobac de Bayer, la Roselière ou encore le compost de sarments de Compound Vignolles. L'ITV n'a pas évalué leur efficacité épuratoire dans ce banc d'essai, la comparaison n'étant pas pertinente.
Pour comparer l'efficacité des systèmes, l'équipe de l'ITV leur a soumis un effluent normalisé et synthétique. Ce dernier est conçu comme résultant d'une campagne utilisant vingt-trois produits commerciaux, soit vingt-sept substances actives, et au cours de laquelle on a recueilli les fonds de cuves sans les diluer. Par ailleurs, l'ITV a adjoint des hydrocarbures et des matières en suspension à son effluent-type, pour mimer l'effet du rinçage extérieur du pulvérisateur, et se placer en conditions représentatives d'une exploitation agricole.
Premier constat, ' les systèmes par concentration ne sont pas sélectifs : leur efficacité est réelle sur toutes les molécules , explique Jean-Luc Demars. En revanche, l'efficacité des procédés visant à dégrader les polluants dépend des substances actives . ' Ainsi, les efficacités moyennes mesurées sur dix-sept matières actives sont de 92 % pour les systèmes de concentration (il ne reste que 8 % de la concentration initiale dans l'eau rejetée) et 62 % pour les procédés de dégradation, avec des disparités importantes selon les process. Les procédés de dégradation éliminent bien certaines molécules, mais d'autres restent à leur concentration initiale. La dégradation peut être incomplète : des molécules-filles, qui ne sont pas forcément neutres, ont été retrouvées dans les effluents traités.
Trois matières actives, pourtant courantes, se retrouvent couramment dans les eaux épurées, en concentration plus élevée après dégradation qu'après concentration : le fosétyl-aluminium, l'aminotriazole et le glyphosate.
Dans les essais de l'ITV, la photocatalyse a montré une efficacité très limitée au regard des autres appareils.
' L'effluent synthétique était très opaque, précise Jean-Luc Demars. Cela a dû gêner la pénétration des ultraviolets des lampes qu'utilise ce système et empêcher le traitement. ' Le matériel testé était un prototype du Phytocat, commercialisé par Résolution (Pyrénées-Orientales). Depuis, Résolution a intégré une préfiltration qui débarrasse l'effluent des éléments minéraux. Ces derniers gênent en effet doublement le processus : d'une part, ils inhibent la photocatalyse et, d'autre part, ils empêchent la lumière de pénétrer jusqu'au coeur du process. L'équipe de l'ITV n'a pas seulement pris en compte l'efficacité des systèmes sur l'épuration des effluents. Elle s'est également intéressée à leur facilité d'emploi, à leur encombrement et à leur coût de revient (voir tableau).
En règle générale, les procédés de concentration sont plus techniques, donc plus compliqués à mettre en oeuvre. Ils sont de ce fait bien adaptés à la prestation de service. La durée du traitement est en général inférieure avec ce genre de systèmes, mais ils sont très coûteux. Les plus efficaces, les systèmes mettant en oeuvre une coagulation-floculation, suivie d'une filtration, sont aussi les plus anciens. Leurs concepteurs les ont progressivement améliorés. ' Ils ont aussi pu mettre au point des indicateurs de fonctionnement, qui permettent de savoir si l'effluent en sortie est épuré ou non . '
Par exemple, WMEC (Royaume-Uni) a mis au point un indicateur coloré pour le Sentinel : quand les cartouches sont saturées, l'effluent se colore en sortie. De même, le fonctionnement du BF Bulles est asservi à la pression : au-delà d'un certain seuil, c'est signe que les cartouches sont saturées. Les pompes s'arrêtent. ' L'une des limites de ce banc comparatif est que tous les procédés que nous avons testés n'en sont pas au même stade de développement , concède Jean-Luc Demars. De plus, certains systèmes ont fait l'objet d'améliorations depuis la fin de cette étude. ' Par exemple, l'essai a permis de faire évoluer le Phytocat.
' D'après les essais, il est difficile de hiérarchiser les systèmes tant les paramètres sont nombreux. Par contre, les systèmes les plus opérationnels sont ceux issus du monde industriel : coagulation-floculation-filtration. Le Sentinel est le mieux placé au niveau épuratoire, directement opérationnel et adapté au contexte agricole (lisibilité des tarifs, et des coûts associés à la mise en oeuvre). Cependant, il reste coûteux, car il faut acquérir le matériel. Une alternative intéressante est de passer par un prestataire de services comme le propose Michael Paetzold avec l'osmose inverse. Les coûts sont réels, mais inférieurs à l'investissement dans un matériel. '
Michael Paetzold offre d'autres avantages, réglementaires pour le viticulteur. ' C'est le seul à proposer un bordereau de suivi de DIS ', selon Jean-Luc Demars. Or, il est indispensable quand on sait que le viticulteur - producteur de déchets - est responsable de leur élimination définitive. Ainsi, même s'il fait appel à un prestataire, il doit pouvoir suivre les déchets générés par le traitement jusqu'à leur destruction. Cela nécessite la mise en place d'un contrat très précis. En effet, tous les systèmes génèrent des déchets à éliminer en DIS. ' Les coûts sont variables en fonction des volumes à traiter et de la distance entre l'exploitation et l'usine de traitement. En moyenne, l'élimination en DIS revient à 1 euros/kg . ' Ce coût ne doit pas être oublié dans l'évaluation des procédés. ' Le choix d'un procédé sera également dépendant d'éventuelles mesures financières d'accompagnement ', conclut Jean-Luc Demars.