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Quatre centrales électriques tourneront au marc de raisin

La vigne - n°164 - avril 2005 - page 0

A l'horizon 2010, l'Union impose à chacun des Etats membres de produire au moins 21 % d'énergie renouvelable. En France, quatre distilleries vont y contribuer. Dès 2007, 200 000 tonnes de marc de raisin seront utilisées pour la production d'électricité et de vapeur.

Dans un arrêté de janvier 2005, le ministère de l'Industrie autorise la société EBV (Energie biomasse viticole) à exploiter des centrales électriques d'une puissance de 12,5 mégawatts (MW), utilisant comme combustible le marc de raisin. EDF achètera l'électricité ' verte ' 0,086 euros/kWh, soit près de deux fois et demie le prix moyen de celle d'origine fossile ou nucléaire. Quatre sites sont concernés par ce projet : deux sont situés en Gironde, un dans le Vaucluse et un autre en Champagne. Chacun produira la quantité d'énergie correspondant à la consommation d'environ 10 000 habitants. La mise en service des centrales est prévue pour janvier 2007. Leur coût unitaire est de 25 millions d'euros. EDF énergies nouvelles assurera, en partie, leur financement.
Fondateur et actionnaire d'EBV, la société Eneria développe, depuis quelques années à l'étranger, le procédé prévu sur ces différents sites. Sa technologie est opérationnelle, notamment au Costa Rica où elle fonctionne avec des balles de riz.

La technique consiste à placer le marc dans un gazéificateur porté à 1 250°C. Cette haute température provoque le craquage complet des chaînes carbonées et leur transformation en un gaz essentiellement composé de monoxyde de carbone (CO), gaz carbonique (CO 2), méthane, hydrogène et azote. Le gaz, une fois généré, est refroidi. La chaleur récupérée à ce stade sert à produire de la vapeur. Après refroidissement, le gaz est épuré par une technologie innovante de lavage, puis comprimé. Il est ensuite consumé dans six moteurs couplés à des alternateurs qui délivrent l'énergie électrique. Les calories récupérées des gaz d'échappement des moteurs sont également transformées en vapeur. Cette double production de vapeur fournit de l'électricité par l'intermédiaire d'une turbine ou approvisionne des distilleries. L'eau chaude récupérée durant le procédé et sur les circuits d'eau des moteurs permet d'assécher les marcs, les amenant à 20 % d'humidité.
100 000 t de marc sont nécessaires pour faire fonctionner une centrale pendant un an. Si ce volume n'est pas disponible, un complément sera apporté sous forme de plaquettes vertes forestières, grâce à la participation de l'ensemble des coopératives forestières françaises, très mobilisées sur le projet.
Le partenariat passé avec les distilleries ne prévoit aucun investissement lourd de leur part. Chacune s'engage simplement à fournir un terrain pour implanter la centrale, et à procéder à des aménagements pour le triage et le pressage du marc. Bernard Douence, responsable de la distillerie Douence, à Saint-Genès-de-Lombaud (Gironde), et de la Distillerie vinicole du Blayais, à Marcillac, chiffre ces investissements autour de 150 000 euros, aisément amortissables.

Chargé du développement chez EBV, Thierry Pousse explique que cette collaboration profite aux deux parties. ' Nous paierons un loyer et nous achèterons le marc. Quant à nos partenaires, nous leur vendrons de l'énergie thermique à un prix avantageux. ' A Maubec (Vaucluse), Jean-Claude Anthoine, directeur d'Azur distillation, se réjouit déjà de cette perspective. ' Cette installation va fournir les 36 000 tonnes de vapeur dont notre coopérative a besoin chaque année. Nous conserverons une chaudière, uniquement en secours. ' Même s'il reconnaît ne pas avoir évalué précisément la différence de coût, il estime que la facture sera probablement réduite.
Pour sa part, Bernard Douence se démarque de ses collègues. Dans l'immédiat, il n'envisage pas d'abandonner son actuelle source d'énergie. ' Nous utilisons de la sciure de bois. C'est un combustible peu onéreux. Je ne pense pas que le passage à la vapeur serait économiquement rentable. '
Le nouveau procédé devrait apporter une réponse à l'élimination des marcs ' épuisés ', qui subsistent après désalcoolisation et extraction des éléments recyclables. Chez Azur distillation, 56 000 tonnes de cette matière organique sont transformées annuellement en pulpe de raisin séchée et broyée, utilisée pour la fabrication d'engrais. Cette opération pèse sur les finances de la distillerie. ' La déshydratation coûte plus cher qu'elle ne rapporte. Nous souhaitions abandonner cette activité au profit d'une autre plus rentable. C'est la raison pour laquelle nous avons adhéré à ce projet de centrale électrique ', explique Jean-Claude Anthoine.

Le Bordelais Bernard Douence partage ce point de vue. Il ajoute que les débouchés pour la fabrication de composts risquent de décroître. Les firmes productrices d'engrais organiques se tournent vers d'autres fournisseurs que les distilleries. ' E lles peuvent s'approvisionner à plus faible coût en utilisant des déchets de céréales ', constate-t-il.
Pour le démarrage, EBV a exigé que les distilleries traitent au moins 50 000 t/an, soit la moitié du volume nécessaire au fonctionnement d'une centrale. La société prévoit toutefois que des structures de 15 000 t entrent dans le système dans les deux prochaines années. ' Nous envisageons soit de faire fonctionner une centrale de 12,5 MW en regroupant les apports, soit de mettre en place des unités moins puissantes ', confie Thierry Pousse.
En tant que président de la Fédération des distilleries de France, Bernard Douence est favorable au développement de cette politique. ' Cette orientation est positive. Les contrats sont passés pour quinze ans, ce qui va pérenniser l'activité de nos entreprises, et en terme d'image, l'impact va être considérable. Les distilleries, mal ressenties par le public, pourront s'afficher comme des partenaires du développement durable et des énergies renouvelables. '

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