La saisie du tribunal des baux ruraux est souvent la seule manière de résoudre un conflit entre un propriétaire et son locataire. De nombreux différends s'y règlent. En cas d'échec, l'affaire est jugée par le tribunal paritaire, où siègent des propriétaires et des fermiers.
La terre étant l'outil de travail principal d'un exploitant agricole, les enjeux autour du foncier sont primordiaux. Les sujets de conflit ne manquent pas, le premier d'entre eux étant la reprise des terres par le propriétaire à l'issue du bail. Les fermiers en contestent souvent les motifs. Le prix du fermage ou le non-respect du droit de préemption sont aussi souvent remis en cause.
' Les fermiers ont souvent recours au tribunal, commente un notaire rural du Sud-Est. J'ai une cliente de 50 ans, dont le mari vient de décéder. Ses beaux-parents estiment qu'elle ne peut pas reprendre le bail, alors qu'elle a toujours travaillé sur l'exploitation et qu'elle remplit les critères pour être titulaire du bail. Elle est allée au tribunal paritaire. Ce cas de figure est répandu. '
Le recours au tribunal paritaire des baux ruraux s'impose pour le règlement des litiges entre le preneur et le bailleur d'un bail rural. Il est présidé par le juge d'instance. Il n'est pas composé uniquement de juges professionnels. Il comprend aussi deux représentants des bailleurs et deux des preneurs : ce sont les assesseurs du juge. Ils sont élus pour six ans. Ils doivent être âgés d'au moins 26 ans, et être bailleur ou preneur depuis au moins cinq ans. Des élections ont lieu dans chaque commune tous les six ans. Les preneurs et les bailleurs doivent voter pour deux membres titulaires et deux suppléants dans chaque catégorie, dans la zone de compétence du tribunal d'instance.
Les assesseurs sont considérés comme de véritables magistrats, au même titre que le juge. Etant en prise directe avec la réalité du monde agricole, ils ont pour mission d'aider le professionnel du droit qu'est le juge. Les assesseurs ont donc le droit de poser des questions aux différentes parties. Ils ont également le devoir d'être impartiaux, de respecter impérativement le secret des délibérations et de ne pas prendre publiquement position sur une affaire. Une indemnité de vacation leur est versée. Leurs frais de déplacement sont remboursés.
Le tribunal peut être saisi par le demandeur soit par lettre recommandée avec accusé de réception, soit par acte d'huissier signifié directement au secrétaire-greffier du tribunal. Puis les deux parties sont convoquées par le greffier, également par lettre recommandée avec avis de réception, au minimum quinze jours avant la date de l'audience. Cette dernière n'est pas publique.
Chacun peut comparaître personnellement, être assisté ou se faire représenter par un membre de sa famille, un avocat du barreau, un huissier ou un membre d'une organisation professionnelle agricole. Lors de la convocation, le juge procède à une tentative de conciliation, où chacun expose ses arguments. Cette étape est obligatoire et gratuite. Un procès-verbal est dressé. De nombreux conflits se résolvent à ce stade.
En cas de non-conciliation ou si l'une des deux parties ne s'est pas présentée, le président fixe alors une date d'audience de jugement. Lors de l'audience, chacune des parties doit fournir les explications que le tribunal juge nécessaires. Des experts et des témoins peuvent être entendus. De même, une visite sur les lieux du litige peut être envisagée. A l'issue de l'audience, le président précise la date de délibération. Le jugement rendu sera notifié par lettre recommandée avec avis de réception à chacune des parties. La réception de la lettre constitue le point de départ pour lancer un recours. La décision du jugement doit être prise à la majorité des voix.
Comme dans toutes les affaires de justice, on déplore le délai entre la saisie du tribunal et l'audience. Il est souvent de quatre à cinq mois, ce qui est gênant quand la reprise d'un bail est en jeu.
Tant que le jugement porte sur une somme inférieure à 3 800 euros, il n'y a pas de recours possible devant le tribunal d'instance. Le pourvoi en cassation est la seule voie envisageable. En revanche, pour des conflits dont le montant dépasse 3 800 euros, l'une des deux parties peut faire appel, dans un délai d'un mois à partir de la notification du jugement. Les parties sont alors de nouveau convoquées. La procédure est orale, mais il est possible de déposer des conclusions écrites permettant de mieux faire connaître ses arguments à la cour d'appel.
Si l'une des deux parties s'estime toujours lésée, elle peut poursuivre son action. Les jugements des tribunaux des baux ruraux peuvent faire l'objet d'un pourvoi en cassation, dans un délai de deux mois à la réception de la notification du jugement.
La future loi d'orientation agricole, qui sera discutée à l'Assemblée nationale, prévoit que le bail devienne cessible. En contrepartie, il ne serait plus automatiquement renouvelable, une grande révolution dans les rapports preneur-bailleur. Si cette loi passe en l'état, il est fort à parier que les tribunaux connaîtront un regain d'activité le temps que le changement entre dans les moeurs...