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Les Brettanomyces préfèrent le bois neuf

La vigne - n°165 - mai 2005 - page 0

Les fûts neufs sont plus favorables que les fûts usagés au développement des bactéries acétiques et des Brettanomyces. Des soutirages s'imposent.

'L'élevage sous bois neuf crée des conditions favorables à l'apparition d'altérations microbiennes, notamment par des Brettanomyces. ' Ce constat, Vincent Renouf l'a fait au cours de ses travaux de thèse, qu'il mène actuellement au sein du laboratoire de microbiologie de la faculté d'oenologie de Bordeaux. Cela remet en cause bien des préjugés sur l'origine des Brettanomyces dans le vin. Les barriques usagées sont souvent pointées du doigt comme une source de contamination. ' Il n'en est rien, oppose Vincent Renouf. Si les barriques sont correctement nettoyées et désinfectées, la source de Brettanomyces est en amont. C'est le raisin. '

Vincent Renouf l'a vérifié en analysant les eaux de lavage de ces barriques : elles sont exemptes de contamination si la procédure d'hygiène a été suffisamment rigoureuse. Dans le cadre de ses essais, il s'agissait d'un rinçage à 60°C, suivi d'un lavage à 95°C puis d'un rinçage à 60°C. Après égouttage, les fûts sont méchés.
Loin d'être une source de contamination, les barriques usagées ne se sont pas non plus révélées favorables au développement des Brettanomyces. Pour démontrer cela, Vincent Renouf a suivi trois lots de vin dans un château bordelais, chacun étant élevé pour moitié en fût neuf et, pour l'autre, en fût d'un vin. Il les a entonnés après la malo et le sulfitage, avec des teneurs en SO 2 libre ajustées à 30 mg/l. Il a réalisé des contrôles microbiologiques réguliers pour connaître les niveaux maximaux de population. Il a constaté que les barriques neuves contiennent environ dix fois plus de bactéries acétiques que les usagées. De même, elles comportent des populations toujours plus importantes de Brettanomyces.
Un autre essai, comparant cette fois le déroulement de la malo en fût neuf ou d'un vin pour deux lots de rouge, a confirmé les différences de population de bactéries acétiques. De plus, en barriques usagées, les quantités de levures vivantes baissent rapidement, alors qu'elles se maintiennent sous bois neuf. L'âge du bois n'a eu aucun effet sur la population de bactéries lactiques, ni sur la durée de la malo.
' Dans le cas des bactéries acétiques, lors de nos essais, les niveaux de population étaient suffisamment bas (1 000 à 10 000 cellules cultivables par ml) pour que cette différence ne se traduise pas par un écart d'acidité volatile ', précise Aline Lonvaud-Funel, qui encadre cette thèse. En revanche, le seuil de population à partir duquel les Brettanomyces produisent des phénols volatils de façon sensible (1 000 cellules cultivables par ml) est rapidement atteint. Et dans l'un des trois lots de vin de l'essai d'élevage, cela a fait une différence dès l'élevage. Le merlot élevé en fût d'un vin contenait 98 µg/l de 4-éthylphénol et 18 µg/l de 4-éthylgaïacol, alors que celui logé en fût neuf en contenait respectivement 430 µg/l et 85 µg/l. En barrique neuve, il atteignait donc le seuil de perception des phénols volatils (450 µg/l pour la somme des deux composés).

' Comme le bois neuf ne peut pas apporter de Brettanomyces ou de bactéries acétiques, c'est donc qu'il favorise leur développement ', analyse Aline Lonvaud-Funel. Pour expliquer cela, Vincent Renouf avance deux hypothèses. La première, c'est que le bois neuf laisse diffuser plus d'oxygène que le bois colmaté des fûts d'un vin. Les Brettanomyces et les bactéries acétiques, toutes deux aérobies, en profiteraient pour se multiplier. Les bactéries lactiques, à l'inverse, y sont indifférentes, car elles ont un métabolisme anaérobie. Cela peut expliquer l'absence d'effet du bois neuf sur la malo.
Deuxième hypothèse : le bois neuf libère des sucres utilisables par les Brettanomyces et les bactéries acétiques. ' L'hydrolyse des glycosides flavonols du bois assure un apport non négligeable de sucres fermentescibles, comme le glucose, le galactose ou le mannose ', signale Vincent Renouf. Les bactéries et les Brettanomyces sont dotées d'activités enzymatiques leur permettant de libérer elles-mêmes ces composés. De plus, Vincent Renouf a identifié, dans le bois neuf, une espèce de levure dotée de ce type d'action, Cryptococcus cellulolyticus.

Pas question pour autant de se priver du bois neuf en élevage. Son influence aromatique est bien spécifique. Des précautions s'imposent alors. ' Des soutirages et des sulfitages réguliers sont nécessaires pour stabiliser le vin ', estime Vincent Renouf, même si les soutirages, en apportant de l'oxygène, favorisent la multiplication des bactéries acétiques. En effet, ces augmentations de population ne sont que transitoires et n'engendrent qu'une faible production d'acidité volatile. Quant aux Brettanomyces, les soutirages permettent, au contraire, d'en réduire la population. Elles sédimentent facilement, à l'inverse des bactéries, plus petites. Elles sont donc faciles à éliminer. Et c'est absolument indispensable, car elles se développent sans problème dans la lie, comme Vincent Renouf l'a également démontré lors d'autres essais. Il a observé qu'elles n'avaient pas besoin d'être remises en suspension pour produire des phénols volatils et polluer une barrique. Selon la composition colloïdale du vin, le soutirage peut être plus ou moins efficace, mais il reste une précaution nécessaire.



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