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Loi d'orientation agricole : les quatre mesures essentielles

La vigne - n°165 - mai 2005 - page 0

La loi d'orientation agricole sera discutée à l'Assemblée nationale, cet automne, et devrait être appliquée en 2006. Elle comprend trente mesures. Quatre d'entre elles apporteront de profonds changements. Elles sont bien accueillies par les organisations professionnelles viticoles.


La mesure phare de cette loi d'orientation agricole est sans nul doute la création d'un fonds agricole, qui s'inspire du fonds de commerce. L'objectif est de rendre les entreprises pérennes, au-delà de leur exploitant. Le fonds agricole regrouperait l'ensemble des biens corporels (stock, matériel, etc.) et incorporels (droit à produire, droit au bail, etc.) de l'exploitation. Si les terres et les bâtiments figurent au bilan, ils seront intégrés au fonds. Cela fait plus de vingt ans que la création du fonds agricole est évoquée. Mais c'est la première fois que ce projet est présenté avec autant de détermination. Et pour cause, la FNSEA s'est prononcée pour le fonds, après moult discussions internes.
La mise en place du fonds agricole a un corollaire de taille, la cessibilité du bail. En effet, le fonds n'a de sens que si le bail y figure et s'il peut être vendu en même temps que tous les autres biens qui le composent, à l'image de ce qui se passe dans le commerce et l'artisanat. Le statut du fermage, créé en 1946, pourrait donc être sérieusement modifié. ' Avec la possibilité pour le fermier de céder son bail, le propriétaire aura encore moins de prise qu'actuellement sur son bien, explique-t-on à la FNSEA. En contrepartie, la loi prévoit une revalorisation du prix du fermage des baux cessibles, pouvant aller jusqu'à 50 %. De plus, le bail ne sera plus automatiquement renouvelable à son échéance. En cas de non-renouvellement, le propriétaire devra verser des indemnités compensatrices au fermier. Si l'on se réfère à ce qui existe dans le code du commerce, l'indemnité devrait correspondre à la valeur du fonds et aux frais de réinstallation, c'est-à-dire à la valeur de l'entreprise. Avec ce changement, le propriétaire sera plus un investisseur qu'un propriétaire foncier. ' Le bail cessible sera d'une durée de dix-huit ans et devra être voulu par les deux parties.
Parmi les points qui sont encore en discussion, figure le droit de préemption en cas de vente. En échange d'une plus grande sécurité du fermier qui serait propriétaire de son bail, les propriétaires aimeraient pouvoir vendre leurs biens plus facilement. Des études ont montré que des investisseurs étaient prêts à s'intéresser aux terres agricoles, même louées, car ce sont des placements sûrs. La Cnaoc devrait faire des propositions sur ce sujet à la fin du mois de mai. Elle n'est pas opposée au fonds, mais elle craint une surenchère du coût de l'installation. Les Vignerons indépendants restent prudents sur la création du fonds, redoutant des complications fiscales et juridiques lors de la cession.

Le projet de loi prévoit de faire passer par ordonnance, à la demande de la Cnaoc, l'indépendance des organismes d'agrément. Le système actuel où les dégustateurs sont juges et parties n'apporte pas toutes les garanties d'impartialité. Il est par ailleurs décrié par les acheteurs et la presse. Le cahier des charges des organismes d'agrément serait toutefois établi par les syndicats et validé par l'Inao.
Ce nouveau fonctionnement supposera de revoir l'organisation des syndicats et leur financement. Jusqu'à ce jour, une partie des fonds collectés pour l'agrément finance les missions d'intérêt général de l'AOC. Si les organismes d'agrément sont clairement séparés des syndicats de défense des appellations, il faudra réfléchir à un moyen de sécuriser les actions de gestion des appellations. Les syndicats d'appellation pourraient devenir des organismes de défense et de gestion de l'appellation (ODG), ce qui était déjà prévu dans la loi d'orientation agricole de 1999, mais qui n'a pas été appliqué. Ce changement de statut juridique leur conférerait une plus grande reconnaissance dans la gestion des AOC.
Pour la Cnaoc, les missions d'intérêt général sont les suivantes : connaissance et suivi du potentiel de production, proposition de conditions de production, protection du nom de l'AOC et participation à la reconnaissance et à la valorisation des AOC. En cette période de crise, le but n'est pas d'augmenter les cotisations obligatoires, mais de les redistribuer pour assurer à la fois l'indépendance de l'agrément et les grandes missions des syndicats. La défense des intérêts de l'entreprise ou du viticulteur (mesures fiscales, etc.) ferait toujours l'objet d'une cotisation volontaire. Pour les interprofessions, ' l'indépendance des organismes agréés est une très belle chance pour la filière '. Les Vignerons indépendants sont satisfaits de cette mesure, de même que la Confédération des coopératives vinicoles de France.

La loi prévoit des ajustements importants sur les interprofessions. Elles devraient voir leur pouvoir renforcé en cas de non-respect des accords interprofessionnels. Ainsi, si un vigneron ou un négociant ne paie pas sa CVO ou commet une infraction à la sortie échelonnée des vins, l'administration pourrait suspendre la circulation de ses vins. Une sanction douanière, avec la perte de l'autorisation d'être entrepositaire, pourrait être appliquée. Une interprofession pourrait aussi participer à une assurance collective contre les aléas climatiques ou les risques commerciaux. Par exemple, elle pourrait décider qu'il est de l'intérêt général de se développer en Chine. Pour y parvenir, elle pourrait financer une partie ou la totalité de l'assurance Coface des entreprises qui se rendent dans ce pays. Les coopératives regrettent le désengagement de l'Etat : ' Avant, c'était la solidarité nationale qui finançait partiellement les pertes dues aux aléas climatiques ou aux grandes crises. Maintenant, la solidarité ne sera que professionnelle, ce qui en réduit énormément les capacités. '
Autre point qui pourrait être modifié : la composition des conseils d'administration des interprofessions. Ces dernières ' ont pour but de gérer le marché. Il est donc logique que les représentants des organisations économiques, c'est-à-dire les négociants, les coopératives et les caves particulières, y soient présents, estime-t-on au sein de la CCVF. Dans les autres secteurs agricoles, il n'est pas rare qu'il y ait trois à quatre collèges. La loi va donner plus d'importance aux interprofessions. C'est l'occasion de revoir ce point ' .
En ce qui concerne l'inscription dans la loi des bassins de production, le Comité national des interprofessions du vin (Cniv) reste très réticent : ' Il est important de renforcer la cohérence régionale, mais il n'est pas utile de créer un modèle obligatoire de gestion, d'autant que la réalité est différente selon chaque région. Les mariages forcés fonctionnent de moins en moins bien. ' A l'inverse, les coopératives regrettent que rien ne figure sur les comités de bassin : ' Si on ne confère aucun pouvoir réglementaire et financier à ces structures, elles ne pourront rien faire. Certains professionnels estiment qu'il faut prendre le temps de mettre en place les bassins, mais nous connaissons trop le provisoire qui dure . '

L'Inao devrait s'unir avec la Commission nationale des labels et des certifications de produits agricoles et alimentaires (CNLC) pour former l'Institut de l'origine et de la qualité. Cette mesure a pour but de simplifier et d'améliorer la lisibilité des signes de qualité. La profession viticole n'est pas contre, mais s'interroge sur les modalités de financement de cet institut. En parallèle, les vins de pays espèrent rejoindre cet institut. Ils souhaitent être gérés avec les AOC, ce que la Cnaoc demande également. Ceci représenterait une révolution culturelle pour ces deux catégories de produits jusqu'ici distantes. A la Cnaoc, on estime même que ' cela serait le premier acte fondateur de la gestion par bassin de production. L'entrée des vins de pays à l'institut de la qualité permettra de dénouer de nombreuses difficultés '. Les coopératives sont également satisfaites de ce rapprochement, mais soulignent qu'avec l'intégration des labels, les longs délais de fonctionnement de l'Inao devront être revus pour assurer plus de fluidité au système.

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