Convaincu des atouts des Côtes du Forez, Jean-Denis Coiffet joue la double carte de la qualité des raisins et de la préservation de l'environnement. Pour transmettre une exploitation viable, il a dû s'agrandir.
'Je suis très attaché à ma terre, explique Jean-Denis Coiffet, coopérateur à Marcilly-le-Châtel, au nord de Saint-Etienne. Je me sens bien dans mon travail et dans mon pays. Je souhaite continuer à y vivre. Je veux transmettre une exploitation viable. ' Il met tout en oeuvre pour y arriver. A 47 ans, il exploite 16,5 ha en appellation Côtes du Forez, à l'altitude moyenne de 500 m. 16 ha sont plantés en gamay.
Fils d'agriculteurs, il s'installe en 1983 sur 18 ha, dont 2,5 ha de vigne. Pendant dix ans, il élève des chèvres, puis des porcs, fabrique des fromages et de la charcuterie. En 1993, il jette l'éponge compte tenu de ' la difficulté à accrocher les clients sur les marchés en vente directe '. A partir de cette date, il se consacre à la viticulture, ne cultivant qu'un peu de blé en plus.
Depuis son installation, il livre ses raisins à la cave coopérative des vignerons foréziens à Trélins, un village voisin. Un choix délibéré. ' Je suis quelqu'un de la terre et de la vigne, explique-t-il. Si je ne me consacre qu'à cela, je serai meilleur que si je vinifie et fais du commercial. ' Deuxième raison : ' Etre en coopérative présente l'avantage de ne pas recevoir sur le domaine. Je ne suis pas dérangé. Ma vie de famille (six enfants, ndlr) n'est pas bouleversée. '
Le revers de la médaille est de ne ' pas avoir la maîtrise du prix de vente '. Les coopérateurs viennent de le constater. En mars, la coopérative a baissé de 5 % le prix de ses bouteilles, compte tenu de la conjoncture économique. Jusqu'alors, elle les vendait entre 2 et 2,50 euros prix départ. Les adhérents ne connaissent pas encore les conséquences sur leur revenu.
Coopérateur, Jean-Denis l'est dans l'âme. Mais il est aussi un fervent partisan de la qualité. Aussi, lorsque dans les années 1985, les viticulteurs décident d'engager une démarche pour passer en AOC, il est partant. ' Un vignoble qui progresse a de l'avenir . ' En 1995, il devient président de la coopérative. Il le restera jusqu'en 2003. ' Demander l'AOC, c'était le moyen de passer du statut de petit vin à celui de vignoble de valeur. C'était une manière de revaloriser notre image dans notre propre région où nous avons l'essentiel de notre clientèle. ' Le décret de l'AOC paraît en février 2000.
A partir de 1990, Jean-Denis Coiffet s'applique progressivement à respecter les nouvelles conditions de production. Il passe le rendement moyen de 72 à 55 hl/ha. Il respecte un rendement butoir de 66 hl/ha. Il plante à la densité de 4 000 pieds/ha. Il remonte la hauteur de palissage, passant de 1,50 m de feuillage (piquets de 2 m) à 1,75 m (piquets de 2,25 m). Il effeuille, éclaircit si nécessaire et récolte manuellement. Pour cela, il emploie dix-huit vendangeurs pendant douze jours. Ces derniers remplissent des ' comportes ' de 50 kg. Ils les déversent dans des bennes de 500 kg, qui partent à la cave coopérative, selon un planning bien établi.
En 2004, les vendanges ont coûté 970 euros/ha. C'est le poste de charges le plus important, hormis celles de structure. Mais pour Jean-Denis, la dépense est justifiée. Les vendanges manuelles autorisent un tri très précis et contribuent à donner du vin l'image d'un produit noble.
En 2000, il revient enthousiaste du Salon des vins d'Angers. Le contact avec les acheteurs l'a persuadé des atouts de son vignoble, à savoir sa jeunesse, sa politique de maîtrise des conditions de production, la richesse de ses paysages et de son histoire. Il aborde plus sereinement un autre tournant d'envergure dans la vie du domaine, celui de l'agrandissement. La nécessité d'engranger un revenu plus important se fait sentir, d'autant que Mathieu (17 ans), l'un de ses fils, s'intéresse à la vigne.
Entre 2002 et 2004, la surface de vigne grimpe de 9,5 à 16,5 ha. Jean-Denis loue des terres et plante 2,5 ha (coût : 9 200 euros/ha, hors frais de main-d'oeuvre). Dès lors, des années difficiles s'annoncent. Il faut un fonds de roulement pour les nouvelles parcelles. Or, la coopérative règle le premier acompte d'un millésime au mois de juillet qui suit la vendange. Puis elle étale le paiement sur un an, en six échéances. Pour financer l'avance des coûts de production, Jean-Denis passe un accord avec sa banque. Il emprunte 30 000 euros qui lui permettront de gérer sa trésorerie jusqu'en 2006, date à laquelle il produira ' à plein '. En 2004, il constitue une EARL afin de distinguer l'exploitation de ses biens propres. Jean-Denis continue sa réflexion sur les pistes de progrès. ' Notre environnement préservé est un atout . Notre petit vignoble de 200 ha disséminés dans un paysage de bois, de prairies, de cultures a tout intérêt à l'exploiter, car la pression parasitaire est moins forte qu'ailleurs. ' Il ne traite jamais avec des acaricides. Il sait reconnaître les typhlodromes et travaille sur les conseils de la chambre d'agriculture pour raisonner ses traitements.
Conformément au contrat territorial d'exploitation signé en 2001, il a étendu l'enherbement de l'interrang à tout son vignoble. Dans le futur, il entend devenir ' plus pointu ', notamment sur l'interprétation des analyses de sol et les seuils de tolérance aux parasites pour limiter encore les traitements, donc leur coût (210 euros/ha), et favoriser le maintien d'une exploitation viable.
Si, dans quelques années, Mathieu décide de prendre la suite de son père, il récupèrera une exploitation viable, parce que préservée et parfaitement tenue.
L'EXPLOITATION EN DATES
1983 Installation sur 2,5 ha de vigne, élevage de caprins, fromages
1986 Elevage de porcins, production de charcuterie
1990 7,5 ha de vigne
1993 Arrêt de l'élevage
1995 Plantation de 2 ha de vigne, président de la cave coopérative
2001 Signature d'un CTE
2004 16,5 ha de vigne, création d'une EARL