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Le pigeage se distingue peu du remontage

La vigne - n°166 - juin 2005 - page 0

L'ITV de Bordeaux a comparé le pigeage au remontage. Les vins sont proches. En 2002, sur des raisins de bonne maturité, le pigeage a apporté un peu plus de structure. En 2003, sur une vendange moins riche, il a produit l'effet inverse.

Depuis le millésime 2000, le centre de l'ITV France de Bordeaux-Blanquefort expérimente divers matériels de remontage et de pigeage. Les essais sont réalisés dans le cadre d'un programme régional sur la ' valorisation du potentiel polyphénolique des raisins noirs '. En 2002 et 2003, ils ont permis d'acquérir des références sur le pigeage (1). Cette technique revient au goût du jour, dans des régions où elle n'était pas utilisée traditionnellement.
Le pigeage consiste à enfoncer le chapeau de marc dans le jus tout en l'émiettant. Initialement manuel, il est désormais réalisable mécaniquement. Il connaît un vif intérêt malgré le coût des équipements. Il peut être réalisé à l'aide de pigeurs mobiles, utilisables sur des batteries de cuves ou dans des cuves à pigeage intégré.
A l'ITV France, nous avons étudié le pigeage au travers d'un appareil mobile : le robot-pigeur Seguin-Moreau. Il se compose d'une tourelle et d'un vérin pneumatique qui commandent une perche télescopique. Le vérin est alimenté par de l'air comprimé. Un boîtier de commande est situé en prolongement du vérin. Il actionne l'organe de pigeage dans un mouvement de va-et-vient.

Le robot-pigeur peut réaliser des mouvements circulaires (rotation complète sur 360°) latéraux et verticaux pour enfoncer le chapeau de marc à n'importe quelle profondeur, quelle que soit la taille de la cuve. Il peut être utilisé sur des cuves équipées d'une trappe métallique centrale, de diamètre compris entre 0,5 et 1,4 m. Cet équipement peu encombrant peut être transporté de cuve en cuve. Son coût varie selon le modèle de 5 800 à 6 000 euros HT.
Les essais que nous avons réalisés en 2002 et 2003 (un par millésime) sur le cépage merlot ont été conduits en grandeur réelle. A partir d'une même vendange, nous avons constitué deux cuves homogènes de 100 hl.
Sur les deux cuves mises en comparaison chaque année, toutes les opérations de vinification, hormis les remontages et les pigeages, sont identiques. Sur l'une des cuves, nous n'effectuons que des remontages. Sur l'autre, nous réalisons le même programme d'extraction. Cependant, en cours de fermentation, nous remplaçons des remontages par des pigeages. Un pigeage complet du chapeau de marc remplace alors le remontage du volume de jus de la cuve (50 hl) à l'aide d'une pompe à piston alternatif. Dans les deux cas, l'effet produit est le même : le chapeau de marc est totalement émietté.

Ces essais ont été conduits sur des merlots de potentiel et de niveau de maturité différents. En 2002, ils étaient nettement plus riches qu'en 2003 (1 970 mg/l d'anthocyanes, contre 1 500 mg/l). Nous avons défini des programmes d'extraction adaptés à ces vendanges, en accord avec le maître de chai. En 2002, nous avons ainsi réalisé sept remontages sur la cuve témoin. Sur l'autre cuve, nous avons pratiqué trois remontages et quatre pigeages. En 2003, nous avons procédé à trois remontages comparés à un remontage et deux pigeages.
Lors des deux années d'essai, les conditions de vinification ont été bien maîtrisées et semblables entre les deux modalités. La cuvaison a duré une vingtaine de jours. Les fermentations se sont déroulées entre 28 et 30°C.
Les vins sont analysés à l'écoulage, après la fermentation malolactique, puis six mois d'élevage et après un an en bouteilles.
Dès l'écoulage, on constate que le pigeage a une incidence peu marquée sur la constitution phénolique des vins. En 2002, il a permis une extraction un peu plus importante des composés phénoliques, différence qui se confirme en cours de conservation en bouteilles : indice des polyphénols totaux (IPT) + 6 % et intensité colorante (IC) +11 %. Rappelons que les raisins étaient de très bon potentiel polyphénolique et d'un niveau de maturité satisfaisant. Sur le plan organoleptique, les vins sont peu différents lorsqu'ils sont jeunes et après un an en bouteilles. Le vin de la modalité pigée est jugé un peu moins intense au nez, un peu plus structuré, plus tannique et aromatique en bouche.
Pour l'année 2003, les raisins étaient de potentiel polyphénolique correct, mais ils étaient moins mûrs. Nous avons pratiqué une extraction moins importante. Dans ces conditions, le pigeage n'a pas permis d'extraire plus de composés phénoliques. Au contraire, l'extraction a été moins importante pour le vin pigé (indice des polyphénols totaux -7 %, intensité colorante -5 %).

Au niveau organoleptique, les différences significatives sont peu nombreuses sur les vins jeunes comme après quelques mois de conservation. Cependant, elles se précisent en cours de conservation. Le vin de la modalité pigée apparaît moins intense et moins complexe olfactivement, moins structuré mais avec un peu moins d'amertume en finale.
Après deux années d'expérimentation et dans les conditions de ces deux essais, les résultats obtenus sur le cépage merlot montrent que le pigeage n'a pas permis une modification très importante de la composition polyphénolique des vins ni de leurs qualités organoleptiques. Cependant, l'incidence de cette pratique est malgré tout à prendre en considération, car elle diffère selon le potentiel et la maturité polyphénolique des raisins vinifiés. Ces résultats semblent montrer que si le pigeage peut être utilisé en vinification bordelaise seul ou en complément des remontages à la pompe, il sera plutôt réservé à des matières premières de très bon potentiel récoltées à maturité. Ces résultats méritent d'être confirmés sur les autres cépages rouges : cabernet-sauvignon et cabernet franc.

(1) Essais conduits avec la chambre d'agriculture de Gironde, grâce au soutien financier de la région Aquitaine, de l'Onivins et de l'interprofession des vins de Bordeaux (CIVB).

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