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Des cancers moins fréquents, mais plus rares chez les agriculteurs

La vigne - n°166 - juin 2005 - page 0

Selon de nombreuses études internationales, l'espérance de vie des agriculteurs est supérieure à celle du reste de la population. Chez eux, la mortalité cancéreuse est plus faible, mais les taux de cancers rares sont plus élevés. En France, les données manquent.

Que sait-on des relations entre l'exposition aux pesticides et l'apparition de cancers ? En France, pas grand-chose. Les données épidémiologiques récoltées ces trente dernières années proviennent presque toujours d'autres pays (Amérique du Nord, Italie, Scandinavie).

Bonne nouvelle : elles montrent une sous-mortalité de 30 % chez les agriculteurs par rapport au reste de la population, en raison notamment d'un moindre tabagisme. ' A âge égal, les agriculteurs fument moins que la population globale. Et quand ils fument, ce sont des quantités plus faibles. De plus, ils ont peut-être une alimentation plus équilibrée et une activité physique plus importante ', remarque Pierre Lebailly, chercheur au Groupe régional d'études sur le cancer (Grecan), à Caen (Calvados).
Par contre, les agriculteurs ont tendance à développer davantage de cancers rares : cancers hématologiques, de l'estomac, du cerveau, des lèvres. Ils ont également une fréquence plus élevée, de 30 %, du cancer de la prostate. Il ne s'agit pas d'un cancer rare, car il est en constante augmentation au sein de la population. Et sa fréquence plus élevée chez les agriculteurs serait liée à l'élevage, et non à l'utilisation de phytos.
Concernant le cancer de l'estomac, les chercheurs disposent de peu de données, car il est en régression. L'hypothèse avancée est celle d'un moindre recours à la chaîne du froid, les agriculteurs faisant plus de conservation traditionnelle. Quant aux cancers des lèvres et de la peau, ils seraient associés à une plus forte exposition aux rayons UV, les agriculteurs travaillant plus en extérieur. Mais, là encore, aucune étude ne permet de l'affirmer.

D'après les données internationales, les cancers les plus susceptibles d'être liés à l'utilisation des produits phytosanitaires sont les cancers hématologiques, les tumeurs cérébrales et les sarcomes (cancers qui se forment dans les tissus conjonctifs ou mous, ou dans les os...).
Qu'en est-il en France ? Pour l'instant, les chercheurs ne disposent d'aucune étude d'envergure. ' En 1994, la France n'avait sorti qu'une ou deux publications sur le sujet, contre trois cents à quatre cents au niveau international ', pose Pierre Lebailly.
En 1997, l'étude de Jean-François Viel, professeur à la faculté de médecine de Besançon (Franche-Comté), défraye la chronique : il annonce que les viticulteurs ont un risque de mourir du cancer du cerveau de 25 % supérieur à celui de la population générale. Mais, selon Pierre Lebailly, ' il ne s'agit que d'une étude géographique et écologique. Elle montre un taux de cancers du cerveau plus élevé dans les cantons viticoles par rapport aux urbains. En aucun cas, elle ne permet de faire le lien entre l'activité viticole et l'usage de pesticides . '
Depuis 1995, le Grecan, en collaboration avec la MSA, suit 6 000 agriculteurs dans le Calvados. Au bout de cinq années, les résultats confirment les données internationales. L'espérance de vie est plus élevée chez les agriculteurs et la mortalité par cancer plus faible. Là encore, la raison incomberait au moindre tabagisme. Par contre, ils présenteraient une surmortalité par cancers de la prostate, hématologiques et du cerveau. Pour en savoir plus, le Grecan, la MSA, le Laboratoire de santé, travail et environnement (LSTE), et les Registres des cancers lancent l'étude Agrican. L'enquête se fera dans douze départements disposant d'un Registre des cancers : Calvados, Doubs, Bas-Rhin, Haut-Rhin, Isère, Loire-Atlantique, Manche, Somme, Tarn, Vendée, Gironde, Côte-d'Or. 600 000 personnes recevront un questionnaire. Agrican permettra d'avoir des données par activité agricole, culture, famille chimique et sur les salariés. Les premiers résultats sont attendus fin 2008 pour les cancers les plus fréquents (prostate et sein).

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