Selon une enquête, les ouvriers viticoles girondins exposés aux phytos ont plus de troubles de la mémoire et de l'attention. D'autres études établissent un lien avec la maladie de Parkinson.
Beaucoup d'insecticides sont neurotoxiques. Ils agissent sur le système nerveux central des ravageurs. D'autres phytos sont susceptibles d'engendrer des problèmes neurologiques. Qu'en est-t-il de leurs effets sur l'être humain ? Les essais dans le cadre de l'homologation apportent des réponses sur leur incidence à court terme. Mais à long terme, c'est le flou.
Pour en savoir plus, le Laboratoire santé, travail et environnement (LSTE) de l'université de Bordeaux, en collaboration avec la MSA, a mis en place, en 1997, l'étude Phytoner. L'objectif est de comparer la fréquence des troubles neuro-comportementaux chez des ouvriers viticoles exposés, directement ou indirectement, aux phytos et des ouvriers non exposés. L'enquête porte sur 917 personnes. 528 d'entre elles ont, à un moment, manipulé ou appliqué des phytos, 173 ont effectué des travaux en vert. Les autres n'ont eu aucun contact avec les produits.
Après un entretien avec une enquêtrice psychologue permettant d'établir leur profil, elles ont réalisé différents tests. Par exemple, elles devaient reconnaître une forme géométrique qui leur avait été présentée au préalable, parmi quatre autres figures. Ou bien elles devaient citer le plus grand nombre de mots appartenant à certaines catégories sémantiques (fleurs, animaux, couleurs...). Le premier test permet d'évaluer la mémoire à court terme, le deuxième la fluidité verbale.
' Les personnes exposées aux phytos ont obtenu de moins bons résultats que celles non exposées. En plus, il existe un gradient, les ouvriers exposés directement ayant des performances encore plus basses que ceux exposés indirectement ', analyse Isabelle Baldi, du LSTE. Les troubles touchent surtout la mémoire, l'attention, la conceptualisation. La prochaine étape consistera à voir si ces différences perdurent, se stabilisent, régressent ou s'aggravent.
De la même manière, les chercheurs ont essayé de voir s'il y a un lien entre l'exposition aux phytos et la maladie de Parkinson. L'hypothèse fut émise au début des années 80. A l'époque, des sujets américains intoxiqués avec de l'héroïne coupée au MPTP ont développé un syndrome parkinsonien. Ce fut également le cas de chimistes qui ont manipulé le MPTP. Or, il est très proche du paraquat.
Les chercheurs ont donc réalisé plusieurs études en laboratoire avec ce désherbant et différentes autres matières actives : roténone, manèbe, organophosphorés. ' Les études réalisées in vitro ou sur des animaux mettent en évidence un effet neurotoxique de ces molécules. Toutefois, les doses appliquées, les voies d'intoxication et les durées d'exposition ne correspondent pas à ce qui se passe sur le terrain. Ces résultats ne sont pas directement transposables, et des travaux sont encore nécessaires ', explique Alexis Elbaz, chargé de recherche à l'Inserm.
Cet organisme, en association avec la MSA, a donc mis en place une étude cas versus témoins (1) appelée Terre. Elle porte sur 247 sujets atteints de la maladie de Parkinson. Les résultats sont en cours d'exploitation, mais elle indique déjà une corrélation positive entre l'exposition aux produits et la maladie. Comme dans des études similaires, réalisées dans d'autres pays, le risque de développer la maladie chez les agriculteurs exposés au moins quinze ans serait multiplié par un facteur de 1,5 à 2.
Le LSTE a aussi mené une étude cas versus témoins, appelée Phytopark, auprès de 84 personnes atteintes de Parkinson en Gironde, et de 252 témoins de la population générale. Là encore, il a mis en évidence que les hommes exposés aux phytos ont un risque multiplié par 4 de développer la maladie. De même, ils ont un risque multiplié par 2 de développer la maladie d'Alzheimer.
(1) Il s'agit d'une étude comparant une personne atteinte et des témoins de même âge, même sexe, même département.