Après s'être centrés sur les questions techniques, les auditeurs s'intéressent à la vente. Bien souvent, ils découvrent que c'est le point faible des exploitations. Trop de viticulteurs ne savent pas exploiter un fichier-clients ou ne calculent pas le coût d'une prospection commerciale.
'Goûtez-vous vos propres vins avant de les présenter ? ' ' Aimez-vous déguster les bouteilles des autres viticulteurs ? ' ' Parlez d'argent vous ennuie-t-il ? ' Depuis trois mois, ces questions sont intégrées aux audits réalisés par la chambre d'agriculture de la Gironde. ' Il y a une cinquantaine d'interrogations de ce genre. L'objectif est de faire prendre conscience de certaines lacunes en matière commerciale ', explique François Ricadat, coordinateur technique à la chambre d'agriculture girondine.
Les audits ont débarqué dans les exploitations viticoles il y a quelques années. Souvent proposés à des recalés à l'agrément ou à des viticulteurs en grandes difficultés financières, ils étaient vécus comme des obligations, donc mal perçus. Aujourd'hui, les choses évoluent. En premier lieu, l'audit est proposé avant l'entrée en phase critique. ' L'objectif est d'offrir un diagnostic. Pour être efficace, il ne faut pas que la situation de l'exploitation soit trop détériorée ', analyse François Ricadat. Le caractère volontaire de l'audit est de plus en plus mis en avant, ' même si la démarche est souvent encouragée par les établissements bancaires ', nuance l'auditeur. Grâce aux aides publiques et professionnelles, le coût d'un audit est modéré. En Bourgogne et en Gironde, il est même intégralement pris en charge. Ce serait donc dommage de s'en priver, d'autant que le champ d'investigation évolue également...
De plus en plus de régions approfondissent la partie commerciale. ' C'est l'un des principaux points faibles des exploitations viticoles ', note Bruno Guichard, chargé de mission auprès du Comité de pilotage régional responsable du Contrat qualité +, mis en place en Bourgogne. Même constat dans le Bordelais. ' Aujourd'hui, les viticulteurs doivent être de bons producteurs, de bons vinificateurs et d'excellents commerciaux ', analyse Eric Chadourne, conseiller d'entreprise à la chambre d'agriculture . Or, savoir vendre est un métier à part entière...
Parmi les insuffisances constatées : les fichiers de clients ne sont pas réactualisés et sont sous-exploités. ' Bien trop souvent, le logiciel de gestion commerciale ne sert que pour la facturation ', note un auditeur. Pourtant, il est là pour aider à cibler un mailing, étudier ses statistiques de vente et constater, par exemple, le manque de rentabilité de certaines foires ou expositions. ' De nombreux viticulteurs considèrent qu'il faut multiplier les salons pour s'en sortir. Parfois, il vaut mieux faire moins, mais mieux ', assure Bruno Guichard, et de raconter l'histoire de ce viticulteur qui, à la suite d'un audit commercial, s'est rendu compte que sur les deux tiers de ses expositions, il perdait de l'argent ! ' Souvent, il y a une confusion entre le chiffre d'affaires et le bénéfice ', conclut l'auditeur.
Parfois, l'audit démontre qu'une capacité commerciale est, à l'inverse, sous-exploitée. ' J'ai le cas d'un jeune couple qui vient de s'installer. Il s'est fortement endetté. Tous les deux, ils ont une solide formation commerciale et sont passionnés par la vente. L'analyse a montré qu'ils feraient mieux de se concentrer sur ce volet, quitte à se séparer d'une partie du foncier. En cédant les terres qui produisent les vins les plus difficiles à valoriser, non seulement ils se désendettent, mais ils gagnent du temps de travail pour s'investir davantage dans la vente des vins les mieux valorisés ', explique le spécialiste. Reste qu'entre les conclusions de l'audit et la réorientation de l'exploitant, il faut compter au moins une année. Comme le raisin, les remises en cause ont toujours besoin de mûrir...