ImprimerDurant la maturation, il fait plus chaud dans la zone des grappes qu'à l'extérieur. L'effeuillage accroît cet écart. Les baies ont une température défavorable au Botrytis.
'On parle de microclimat quand les données climatiques mesurées à un endroit diffèrent de celles du réseau météo standard, qui sont relevées par une station située sur un gazon et à deux mètres de haut ', définit Philippe Pieri, chargé de recherches à l'Inra de Bordeaux. Il réalise des mesures de microclimat des grappes depuis 1999, sur des vignes palissées à plan vertical du Bordelais, dans le but de comprendre son impact sur l'état sanitaire.
Il s'est intéressé à la température et à l'humidité qui règnent dans l'environnement direct des grappes, pendant la période de maturation. Ces deux facteurs sont en effet susceptibles de jouer un rôle dans le développement du Botrytis. Celui-ci ralentit à 25-30°C, mais il est favorisé par la présence d'eau liquide sur les baies.
La température de l'air, fournie par la station météo, et celle qui règne dans la zone des grappes (à 50 cm de haut, dans le feuillage) sont liées. Elles augmentent en milieu de journée et baissent au cours de la nuit. Au moment le plus lumineux de la journée, la température est généralement plus élevée dans la zone des grappes qu'à l'extérieur. L'écart peut atteindre 5°C. La nuit, les températures sont identiques. ' Ces résultats s'expliquent par la différence d'altitude des capteurs qui mesurent la température de référence et celle règnant dans le feuillage, dit Philippe Pieri. Le sol est un lieu d'échauffement de l'air en milieu de journée, alors que le feuillage offre une protection relative contre le refroidissement nocturne. '
Les écarts sont encore plus marqués si l'on s'intéresse à la température des baies. Cette dernière dépend essentiellement de l'éclairement solaire. Les baies exposées sont plus chaudes que l'air. Elles affichent jusqu'à 10°C de plus pour les plus éclairées, et 2°C en moyenne pendant la période de maturation. Les baies non vérées s'échauffent moins que celles en cours de maturation.
Que les vignes soient effeuillées ou non, les baies situées du côté du soleil sont toujours plus chaudes. C'est le cas, le matin, des grappes placées du côté est à l'extérieur du feuillage, pour des rangs orientés nord-sud. Elles sont plus chaudes que celles situées près du tronc, elles-mêmes plus chaudes que celles du côté ouest, mais à l'extérieur du feuillage. C'est l'inverse l'après-midi. De plus, les écarts de températures entre les deux faces de la grappe sont d'autant plus importants que la grappe est plus compacte : le côté exposé au soleil est encore plus chaud que le côté à l'ombre quand les grappes sont très compactes.
Philippe Pieri a également observé l'humidité dans la zone des grappes. Il s'est surtout intéressé à l'humectation des baies, c'est-à-dire à la présence d'eau liquide, favorable au développement de la pourriture. En comparant diverses modalités, effeuillées ou non, il s'est rendu compte que la rosée sèche toujours à peu près en même temps, en début de matinée. Par contre, elle apparaît plus tôt quand les vignes sont effeuillées, avec des écarts pouvant atteindre plusieurs heures. Cela s'explique par le fait que ' ces grappes sont plus exposées au refroidissement nocturne '. Les grappes lâches ou peu compactes facilitent également le refroidissement nocturne, et donc le dépôt de rosée. De même, les grappes situées à l'ouest restent humides plus longtemps, car elles ne sont pas séchées par les premiers rayons du soleil.
L'effeuillage est recommandé comme mesure prophylactique de lutte contre la pourriture grise, pour aérer la zone des grappes. Mais son effet n'est pas absolument garanti. Il peut favoriser le Botrytis. Ceci s'explique par l'allongement de la durée d'humectation. Toutefois, en règle générale, ' l'exposition des grappes aux rayonnements lumineux ralentit significativement le développement de la pourriture grise ' . Premièrement, les foyers primaires exposés à la lumière sont de plus petite taille. Deuxièmement, la lumière limite la propagation naturelle du champignon d'une baie à l'autre. Ce second effet est logiquement plus net quand les risques de colonisation de proche en proche sont plus élevés. Dans les grappes très compactes, la lumière limite plus la propagation de la pourriture que dans les grappes de compacité moyenne. Philippe Pieri explique ce double effet sur la pourriture par le fait que l'éclairement induit une hausse de température des baies. Celles qui reçoivent plus de lumière atteignent plus facilement le seuil de 25°C, voire 30°C, défavorable au Botrytis.
Le microclimat a un impact sur la qualité des raisins à maturité. La température influe sur la synthèse des tanins dans la pellicule avant la véraison, et celle des anthocyanes après. A 40°C, ces biosynthèses risquent d'être bloquées. Or, à l'Inra de Montpellier, Alain Deloire a montré que la température des pellicules peut passer de 20 à 40°C en une heure de temps en cas de surexposition au soleil. Lors de précédents travaux, Alain Carbonneau avait déjà montré que ' l'exposition du raisin au rayonnement doit être modérée. L'ombrage permanent ou la surexposition sont néfastes à la qualité. '
Le microclimat, en particulier l'éclairement, joue sur le potentiel aromatique de certains raisins. Les travaux d'Alain Razungles, à l'Inra de Montpellier, montrent son rôle dans des arômes de type C13-norisoprénoïdes, que l'on retrouve dans certains cépages comme la syrah, le chenin ou le riesling. Les précurseurs de ces arômes sont plus concentrés quand les grappes sont exposées au soleil avant véraison. Après la véraison, commence leur dégradation en norisoprénoïdes aromatiques. Ainsi, plus les grappes sont éclairées, plus elles sont riches en précurseurs, et plus ceux-ci seront transformés.
Plusieurs travaux montrent que la teneur d'un autre composé aromatique, plutôt indésirable, diminue lorsque les grappes sont exposées au soleil. L'isobutylméthoxypyrazine (IBMP), caractéristique de l'arôme de poivron vert du cabernet-sauvignon, se dégrade lorsque les grappes sont exposées au soleil, pour devenir inodore.
