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San Juan : des vins fins nés dans le désert

La vigne - n°167 - juillet 2005 - page 0

Cette région d'Argentine est l'une des plus arides du monde. Longtemps, elle s'est contentée de produire des vins de masse pour le marché intérieur. Maintenant, elle vise l'exportation avec des vins fins, que la dévaluation de 2001 a rendus compétitifs.

D'Argentine, on connaît surtout la région de Mendoza et son fameux malbec. La province de San Juan, juste au nord, est moins célèbre. C'est pourtant la deuxième zone vinicole du pays : 47 000 ha plantés, 6 000 exploitations et 828 000 t de raisins récoltées au cours de l'année 2005, dont 440 000 t destinées à la vinification.

A San Juan, il pleut seulement 90 mm par an. ' Tous les vignobles sont plantés à plus de 550 m d'altitude. Ici, l'amplitude thermique est grande. Grâce à cela, nous avons des vins intenses et fruités ', explique Miguel Aliste, de la Direction des affaires vitivinicoles de San Juan. L'ensoleillement continu garantit le bon état sanitaire des vignes, à 95 % conduites en pergola et récoltées manuellement. Inutile de traiter !
La vigne pousse dans ce désert grâce au goutte-à-goutte. L'eau provient du lac du barrage d'Ullum, au pied de la précordillère des Andes. Elle est acheminée par un réseau de 300 km de canaux qui sillonnent la province. Ce système permet une grande diversité de productions, par simple dosage de l'arrosage. Les viticulteurs irriguent davantage les vignes produisant du moût que celles donnant du vin fin.
San Juan élabore 3 Mhl de vin, 2,5 Mhl de moût et 100 000 t de raisins de table et de raisins secs. C'est le premier producteur de raisins secs du pays. L'histoire de la viticulture remonte à l'époque coloniale : Jésuites et Franciscains avaient besoin de vin de messe. A la fin du XIX e siècle, trois événements marquent un tournant décisif. L'immigration transforme une agriculture coloniale en industrie. L'apparition du chemin de fer permet de transporter le vin vers Buenos Aires, à 1 100 km à l'est. Domingo Sarmiento arrive au pouvoir en 1868. C'est le premier civil élu président de la République argentine. Né à San Juan, il veut élaborer des vins aussi bons qu'en Europe.
Ainsi sont nés d'immenses domaines et de grands chais, disposant de leur propre gare ferroviaire. Leurs richissimes propriétaires vivaient à Buenos Aires, sans se préoccuper d'investir, préférant la quantité à la qualité.

Aujourd'hui, le vignoble est en pleine évolution : ' Dans les années 70, les Argentins consommaient 90 l de vin par habitant et par an. En 2004, ce chiffre est tombé à 30 l , souligne Hugo Carmona, ingénieur agronome, journaliste du supplément agricole du quotidien local 'Diario de Cuyo'. Pendant la même période, la consommation de vins fins est passée de 1 à 10 l. Les producteurs se sont adaptés à cette nouvelle donne. '
Le changement est spectaculaire. En 1990, San Juan n'élaborait que 33 000 t de raisins fins, contre 160 000 t en 2005. Plus de 13 000 ha de cépages génériques ont été remplacés par des variétés nobles, la superficie du vignoble restant constante.

Il y a quinze ans, on comptait à peine 27 ha de syrah, contre 3 000 ha en 2005 produisant 50 000 t. ' Ce cépage s'adapte bien à nos sols et à notre climat, explique Hugo Carmona. Son rendement est excellent. Il donne un vin d'une belle couleur, au goût de fruits rouges et de prunes. ' Les autres cépages qui se distinguent sont le tempranillo, le bonarda, le cabernet-sauvignon ou le malbec. Concernant les blancs, le viognier arrive en tête, suivi du chardonnay.
Cependant, cette réorientation s'est heurtée à un problème majeur : la crise économique. ' Avant 2001, on avait accès à la technologie grâce à la parité entre le peso et le dollar. Mais l'industrie du vin n'était pas rentable, car il était moins cher d'importer. Après la dévaluation du peso, investir est devenu impossible, mais de nouveaux marchés se sont ouverts ', résume Horacio Ripalta, vice-président de la chambre des propriétaires de caves.
Rodolfo Nale, propriétaire de Fabril Alto Verde, avait investi à temps. ' La crise nous a secoués mais, au final, elle nous a permis d'être compétitifs sur le marché international. ' Ce domaine exporte 1 M de bouteilles, soit près de 90 % de sa production, qui a doublé entre 2003 et 2004. La cave familiale Augusto Pulenta a, elle aussi, tiré parti de la forte dévaluation en 2001. ' En 1999, nous avons acheté des cuves en acier inoxydable, en France et en Italie. Quand la crise est arrivée, nous avions achevé notre plan de modernisation. A présent, nous nous dirigeons vers des vins haut de gamme ', précise Mario Pulenta, son propriétaire.

Quant aux entreprises étrangères, elles ont pu continuer à investir après 2001. C'est le cas de Graffigna, qui élabore 70 % des vins de San Juan.
Pour les autres, c'est la galère. ' En 2001, nous venions à peine de mettre en place un plan d'investissement et d'exportation. La crise a tout stoppé ', regrette Eduardo Testa, propriétaire de Viñas de Segisa (1 200 hl/an). Pour s'en sortir, il table sur le tourisme vinicole et la reconversion vers les vins de garde, encore peu développés à San Juan, les vins de la région étant vendus jeunes.
San Juan est peu connue malgré son potentiel énorme. C'est peut-être parce que sur les 3 Mhl produits par an, seul 1,3 Mhl est mis en bouteilles sur place. Le reste part en vrac à Mendoza, puis est vendu comme ' produit de Mendoza '.

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