Les adeptes de la macération préfermentaire à froid en sont convaincus : les vins obtenus sont plus colorés, plus ronds, plus fruités. Ils l'ont constaté dans leurs chais. Cependant, on dispose de très peu de connaissances étayées sur le sujet. Les expérimentations rigoureuses sont rares. Certaines sont même en défaveur de la macération préfermentaire.
Par exemple, en Bourgogne, l'Institut technique du vin l'a comparée à une vinification traditionnelle, de 1998 à 2001. Les trois premières années, la phase préfermentaire a duré cinq jours à 14°C. En 2001, elle s'est produite à 8°C. Dans les deux cas, les températures de fermentation ont atteint 32°C. Vincent Gerbaux, qui a mené cette étude, conclut que la technique n'a qu'un faible intérêt, parce qu'elle n'a pas apporté plus de couleur, ni amélioré le profil sensoriel.
A l'opposé, une étude, menée à la station fédérale de recherches de Changins, de 1991 à 1994, avait conclu en faveur de cette technique. L'essai portait aussi sur le pinot noir, mais les conditions opératoires étaient différentes. Les températures de fermentation n'ont pas dépassé 28°C et les décuvages ont eu lieu dès la fin de la fermentation. Dans ces conditions, la macération préfermentaire à froid a apporté un véritable gain de couleur, jusqu'en bouteille.
Sans controverse, elle permet d'augmenter rapidement la couleur des moûts. Mais on extrait essentiellement des anthocyanes libres et, en principe, peu de tanins. En effet, la couleur précipite, si l'on ne met pas en oeuvre des techniques pour la stabiliser.
Quand on utilise des enzymes de macération, elle est plus stable. Des essais de la société Novozymes, productrice d'enzymes, l'ont montré en 2003 et 2004. En vinification classique, l'utilisation d'enzymes augmente l'intensité colorante du vin à l'écoulage de 6 % environ et sa richesse en anthocyanes libres de 4 %. Si l'on réalise une macération préfermentaire, les enzymes réduisent la quantité d'anthocyanes libres de 0,5 %, mais augmentent l'intensité colorante de 14 %. Donc, les anthocyanes se sont combinées aux petits amas de tanins de la pulpe, qui ont eux aussi diffusé grâce aux enzymes.
L'augmentation du potentiel aromatique est moins bien démontrée, alors qu'elle est constatée empiriquement. Ainsi, Daniel Granès, directeur scientifique de l'Institut coopératif du vin en Languedoc, a remarqué que les vins issus de macération préfermentaire gardent des notes marquées de cerise, même après six à douze mois d'élevage sous bois. Cette différence de profil est difficile à mesurer autrement que par la dégustation, car les composés aromatiques des vins rouges sont peu connus.
Elle pourrait être liée à une extraction supérieure de précurseurs ou d'arômes libres contenus dans les pellicules. Pascal Chatonnet, oenologue au laboratoire Excell en Gironde, a remarqué des augmentations de teneurs du vin en thiols volatils et en norisoprénoïdes comme la bêta-ionone. ' Les enzymes du raisin sont rapidement inhibées par l'alcool, explique Pascal Chatonnet. Si on leur laisse une marge d'action plus longue en l'absence d'alcool, elles extraient plus de précurseurs. '
Il est possible que des levures cryophiles commencent à se développer lors de la macération. Elles produiraient des arômes spécifiques pendant ces quelques jours.
L'impact de la macération préfermentaire sur la rondeur, observé lui aussi empiriquement, commence à s'expliquer. Les adeptes de cette technique l'ont constaté. Guillaume Pouthier, directeur technique des Domaines Dourthe du sud de Bordeaux, a réalisé des mesures en 2004. ' Les vins issus de macérations préfermentaires à froid contiennent plus de polysaccharides que ceux vinifiés classiquement. '
Les fabricants d'enzymes l'expliquent. ' Les enzymes de macération libèrent énormément de polysaccharides, puisqu'elles détruisent les parois des cellules de la pulpe ', détaille Bertrand Garrigues, de la société Novozymes. C'est exactement la même chose qui se passe naturellement, mais dans des proportions moindres : les enzymes pectolytiques du raisin sont les mêmes que celles des préparations commerciales. Elles sont seulement moins abondantes. Cette libération massive de polysaccharides, enrobe les tanins.