Le Sierra est connu dans le cadre de l'éclaircissage chimique, mais il s'utilise principalement au moment de la véraison pour améliorer la maturation des cépages rouges. Les applications doivent être raisonnées.
Le Sierra est un produit à base d'éthéphon, commercialisé par la société Bayer Cropscience. Il agit sur la synthèse naturelle d'éthylène dans la plante. Appliqué à partir de la nouaison, il provoque un éclaircissage des grappes, dont le taux dépend du stade phénologique. Mais en raison de la mise en oeuvre délicate de ce traitement, peu de vignerons l'emploient dans ce but.
En fait, les principales utilisations du Sierra se font lors de la véraison. L'objectif est tout autre : il s'agit d'améliorer la maturation de la vendange. Dans ce cas, il s'applique à la dose de 2,5 l/ha sur toute la végétation ou à 2 l/ha en visant les grappes, lorsque la vigne atteint 15 à 30 % de baies verées. Plusieurs essais montrent que les pulvérisations de Sierra sur des cépages rouges entraînent une accélération de la maturation de la pellicule des baies, une stimulation de la biosynthèse des polyphénols (anthocyanes et tanins), un arrêt de la croissance végétative au profit des zones fructifères. Il en résulte une hausse du degré alcoolique et de la couleur.
En 2003 et 2004, l'Ensa de Toulouse, en collaboration avec l'ITV, l'Inra, l'Irta et les conseils régionaux de Midi-Pyrénées, du Languedoc-Roussillon et de Catalogne a mis en place des essais de pulvérisation de Sierra sur les grappes au moment de la véraison. ' En 2004, année non caniculaire, ce traitement a été intéressant. Le Sierra a stimulé l'accumulation des anthocyanes et la baisse de l'acidité. Sur la base de ces deux paramètres, on a gagné quinze jours de précocité sur le cabernet-sauvignon. Mais c'est fonction des cépages et des terroirs. L'effet a été moins net sur les sucres ', rapporte Christian Chervin, maître de conférence à l'Ensat. Par contre, les années caniculaires, ce traitement est à proscrire. ' En 2003, il y a eu trop de tanins ', poursuit Christian Chervin. Les vins issus de cet essai ont été dégustés par un jury d'experts. ' En 2004, les vins issus de la modalité traitée avec du Sierra sont bien ressortis. Ils ont obtenu les meilleures notes au niveau de l'intensité de la couleur, la note globale du nez, l'intensité aromatique, les notes fruitées et épicées, et la moindre quantité de tanins verts. C'est une molécule prometteuse ', estime Christian Chervin.
Vincent Fabre, vigneron en AOC Haut Médoc, applique le Sierra à la mi-véraison en localisé sur les grappes, sur les 80 ha de sa propriété, depuis quatre à cinq ans. ' Cela me permet d'avoir une meilleure homogénéité de la maturation, d'obtenir des vins de presse de qualité supérieure, et une meilleure intensité colorante. Je peux réaliser des macérations pelliculaires plus longues et aller plus loin dans l'extraction des tanins sans avoir d'astringence. Attention, il ne s'agit pas d'une solution miracle. Ce n'est pas ce traitement qui va transformer un mauvais vignoble en un bon. Il s'agit seulement d'un plus par rapport à d'autres méthodes d'amélioration de la qualité, comme l'enherbement, les travaux en vert... '
Tristan Desordons, des Etablissements Touzan, en Gironde, recommande le Sierra dans les parcelles où la maturité est hétérogène ou lorsqu'un vigneron veut obtenir des vins plus qualitatifs. ' Dans les vignes où il y a eu un mauvais choix de porte- greffe ou de cépage, le Sierra permet d'obtenir des colorations satisfaisantes et de compenser la mauvaise implantation . ' Selon lui, l'effet dépend de la date d'application : il est plus complet lorsqu'on applique le produit tôt. Lorsqu'une vigne est trop vigoureuse et qu'elle est sujette à des déséquilibres, il conseille une application de Sierra au tout début de la véraison sur l'ensemble de la végétation. ' On aura un arrêt de la végétation et l'accélération de la véraison. La maturation sera plus rapide, avec une augmentation des teneurs en anthocyanes et en polyphénols. A la même date de récolte, le degré sera plus élevé. Si le vigneron attend que 20 à 30 % des baies soient vérées, il n'arrivera pas à rattraper les écarts de maturation, ni à arrêter la croissance de la vigne. En plus, il risque d'avoir des problèmes de flétrissements des grappes . ' Par contre, si on intervient à 30 % de la véraison, on peut simplement augmenter la coloration en visant les grappes.
Tristan Desordons rappelle que l'utilisation du Sierra de manière non raisonnée peut engendrer des désordres physiologiques. ' Dans les parcelles subissant un stress hydrique ou une carence, le Sierra peut avoir un effet trop important et engendrer des problèmes de flétrissement et de vieillissement prématuré de la rafle. Pareil dans les vignes très effeuillées ou peu chargées . '
En outre, le traitement avec du Sierra reste coûteux, de l'ordre de 90 euros/ha. ' C'est un investissement, mais le jeu en vaut la chandelle eu égard à l'apport qualitatif ', estime Vincent Fabre. Pour diminuer les coûts, certains vignerons utilisent des produits non homologués en vigne. Une pratique à bannir, car les concentrations en matière active sont différentes. Le risque est de faire plus de mal que de bien.