Retour

imprimer l'article Imprimer

archiveXML - 2005

Bail verbal, un usage sympathique mais risqué pour l'exploitant

La vigne - n°168 - septembre 2005 - page 0

Encore très répandu, le bail verbal présente de nombreux dangers, notamment en cas de décès du propriétaire ou de transmission. Pour un exploitant, il est plus prudent de rédiger ses baux. Il sera mieux protégé. Ses droits et ses devoirs seront clairement établis.

A notre époque où tout est bien notifié en multiples exemplaires, le bail verbal reste paradoxalement très développé. Il se pratique souvent sur de petites surfaces et dans le cadre familial. Même si le code rural stipule que les baux ruraux doivent être écrits, il précise aussi ' qu'à défaut d'écrit, les baux conclus verbalement sont censés être faits pour neuf ans, aux clauses et aux conditions fixées par le contrat type établi par la commission consultative des baux ruraux '.

Le bail verbal a donc une valeur juridique et s'inscrit dans le statut protecteur du fermage. Le fermier bénéficie de la location pendant neuf ans. Au terme de cette durée, il a droit au renouvellement de son bail. Pour le bailleur, les conditions de reprise de ses vignes sont les mêmes que pour un bail écrit. Et en fin de bail, le locataire a droit à une indemnité pour les améliorations apportées pendant le bail. En cas de vente, il a un droit de préemption.
Dans la théorie, le bail verbal revêt donc les mêmes atouts qu'un bail écrit de neuf ans. Pourquoi, dès lors, prendre la peine de l'enregistrer ? C'est qu'entre la théorie et la pratique, il y a toujours un écart. Dans le cas présent, la difficulté réside dans la reconnaissance d'un bail verbal. ' Avec la déclaration de récolte et d'autres preuves matérielles, il est facile de prouver que l'on exploite une terre , expose Arlette Gobert, juriste à la FDSEA du Rhône. Mais prouver que l'on paie bien son fermage, c'est plus difficile, surtout quand les propriétaires exigent d'être réglés en espèces. Il est prudent d'avoir des témoins lors du paiement. Le bail verbal reste courant, parfois sur des surfaces importantes, car il fait partie des us et coutumes. Il n'y a pas d'arrière-pensée mesquine ou frauduleuse. '

En l'absence de preuve de paiement, le propriétaire peut argumenter auprès du tribunal qu'il s'agit d'une tolérance d'occupation ou d'un prêt d'usage. Et le fermier n'est alors plus protégé. De plus, même si le paiement s'effectue par chèque, il existe une période délicate entre la date du début de l'exploitation de la vigne et le premier paiement. Quelle preuve apporter pendant ce laps de temps ?
La rédaction d'un bail est préférable, car il stipule clairement les droits et les devoirs de chaque partie. Le contrat précise comment s'effectue le paiement, qui prend en charge les frais de replantation... ' Les problèmes surviennent généralement quand le propriétaire décède et que ses héritiers ouvrent la succession , commente-t-on au service juridique de la FDSEA en Gironde. Comment prouver à ces héritiers un paiement en espèces, voire même en vin, comme cela se pratique encore parfois ? '

D'autres difficultés peuvent surgir. Ainsi, une parcelle, qui appartient en commun à deux époux, peut-elle être mise en location, mais uniquement sous réserve que chacun soit consentant.
Quand le bail est écrit, il est obligatoirement signé par les deux époux, prouvant leur consentement mutuel. Dans le cas d'un bail verbal, la preuve du consentement n'existe pas. Le locataire peut alors se trouver en situation délicate en cas de divorce ou de décès de l'un des conjoints propriétaires. La situation est également compliquée si le bien loué appartient à une indivision, ou s'il a été démembré. Supposons qu'un usufruitier laisse un fermier exploiter la vigne. Le nu-propriétaire peut ne pas être d'accord et contester facilement le bail.
Du côté des locataires, le bail verbal pose des problèmes si les deux époux travaillent ensemble les vignes louées. En cas de divorce ou de décès, doit-on considérer que le bail verbal a été conclu pour les deux époux ou seulement pour l'un d'entre eux ?

Autre inconvénient du bail verbal, il dure obligatoirement neuf années. Il échappe donc aux avantages fiscaux liés aux baux à long terme, de dix-huit ans minimum et signés chez un notaire. Par ailleurs, le bail verbal n'autorise pas l'imposition du loyer à la TVA, laquelle n'est accessible qu'aux baux écrits et enregistrés.
' Sur le plan humain, le bail verbal présente le côté sympathique de la parole donnée, analyse un expert-comptable du Languedoc. Malheureusement, nous ne vivons pas dans un monde idéal et j'observe de plus en plus de revirements de situation, subis ou volontaires. Or, pour un viticulteur, la vigne est son outil de travail numéro un. C'est un manque de professionnalisme de ne pas rédiger ses baux, ou tout au moins d'essayer de le faire, car il est vrai que certains propriétaires ne veulent pas en entendre parler. '
La prudence incite à écrire ses baux. Si le passage chez un notaire vous rebute, il est possible d'enregistrer un bail sous seing privé, en trois exemplaires. Le propriétaire, le locataire et le service de l'enregistrement en garderont chacun une trace. L'enregistrement s'effectue au centre des impôts dont dépend la parcelle louée, et non celle du domicile du propriétaire ou du locataire. Le coût reste modique. En Gironde, les Douanes ont pris les choses en main : depuis dix-huit mois, elles exigent que les baux soient écrits pour établir la déclaration de récolte. Le formalisme a aussi ses vertus !



Cet article fait partie du dossier

Consultez les autres articles du dossier :

L'essentiel de l'offre

Voir aussi :