Retour

imprimer l'article Imprimer

archiveXML - 2005

Le sucre résiduel réussit mieux aux blancs

La vigne - n°168 - septembre 2005 - page 0

Dans les rouges, les sucres résiduels ne sont pas appréciés de tous. De plus, ils fragilisent les vins issus de vendange très mûre. En revanche, quelques grammes de sucres assouplissent les blancs nerveux et les rendent plus flatteurs.

'Pour qu'une dégustation soit complète, il faut que les quatre perceptions (sucré, salé, amer et acide) aient été excitées et satisfaites , explique Benoît Vettorel, au château du Tariquet (Gers). Nous l'avons constaté auprès de nos clients anglo-saxons. Or, en dessous de 4 à 5 g/l, le commun des mortels ne perçoit pas le sucre dans le vin. ' Ce domaine en garde donc entre 7 et 10 g/l dans ses vins de pays des Côtes de Gascogne, pour contre-balancer leur acidité.
De même, le Syndicat des vins du Muscadet a relevé récemment les limites maximales de sucres résiduels admissibles, afin de permettre aux producteurs d'élaborer des vins plus souples. Le muscadet générique peut désormais contenir jusqu'à 4 g/l de sucres fermentescibles, les muscadets sur lies jusqu'à 3 g/l. ' Cette marge de manoeuvre est peu utilisée, témoigne Romain Mayet, au syndicat. Il ne doit pas y avoir 10 % des vins qui atteignent ces valeurs et dans la moitié des cas, ce n'est même pas volontaire. ' Garder délibérément des sucres résiduels demande en effet un bon équipement technique, notamment du froid, et une bonne hygiène.
' Il est vrai que certains vins rouges sont améliorés par 4-5 g/l de sucres résiduels , concède Patrick Vuchot, oenologue à l'Institut Rhodanien (Vaucluse). Mais il ne faut pas confondre sucre et sucrosité : nos concurrents australiens, qui nous taillent des croupières en Angleterre, ne font pas des vins sucrés. Ce sont les arômes et notamment le bois qui changent la sensation. ' Selon cet oenologue, même si le sucre peut améliorer la perception du fruit notamment, le jeu n'en vaut pas forcément la chandelle. Garder du sucre dans le vin peut en effet s'avérer dangereux : il peut se produire une refermentation, une piqûre ou une prolifération de Brettanomyces.

Il y a deux façons de conserver des sucres résiduels : soit on arrête chaque fermentation au niveau souhaité, soit on sèche toutes les cuves et on n'en conserve qu'une, bien pleine, sulfitée et beaucoup plus sucrée, pour réaliser ensuite les assemblages.
' Dans un cas, on conserve dans sa cave une multitude de vins instables du point de vue microbiologique , insiste Patrick Vuchot. Dans l'autre, qui est préférable du point de vue technique, on n'a qu'une cuve à risque, que l'on peut sulfiter fortement. Mais cela pose des problèmes d'agrément, puisque la cuve 'sucrée' ne correspond pas aux critères de l'appellation. Si les agréments sont tardifs, tout va bien, mais s'ils ont lieu bien avant la commercialisation, on est obligé de réaliser les assemblages tôt et on revient aux problèmes du premier cas. '
C'est souvent la deuxième option, plus facile à gérer, qui est retenue. Au domaine de la Foliette, à la Haye-Fouassière (Loire-Atlantique), Denis Brosseau et ses associés procèdent ainsi pour la totalité de leurs 1 600 hl de muscadets sèvre-et-maine et sur lies.
' C'est difficile de stopper une fermentation, témoigne Denis Brosseau. Mieux vaut en arrêter une ou deux que d'essayer sur la totalité. En fin de vendanges, soit une cuve ralentit d'elle-même, soit nous baissons la température pour qu'elle cesse, autour de 8-10 g/l de sucres résiduels. Pour faciliter les choses, nous utilisons des levures qui ne sont pas des finisseuses et nous les faisons travailler à basse température. ' Ensuite, tous les vins sont sulfités à 25-30 mg/l de SO 2 libre et élevés sur lies pendant trois à quatre mois, avant d'être dégustés et assemblés pour ajuster leur taux de sucre. ' On descend rarement en dessous de 1,5-2 g de sucres résiduels. '
Dans la même région, Michel Bedouet conserve également une cuve plus sucrée que les autres en vue d'assemblages. ' Le 0,5-1 g/l, c'est fini pour moi. ' Il vise 2 à 2,5 g/l de sucres, ce qui ' met en valeur la fin de bouche et les arômes sans que l'on sente vraiment le sucre '. Depuis qu'il procède ainsi, ses vins gagnent régulièrement des concours. De plus, il considère qu'à ces niveaux-là, il court peu de risques de refermentation. ' Au-delà, je serais obligé d'utiliser du sorbate, ce que je ne souhaite pas. '
Au château du Tariquet, Yves Grassa a choisi la première méthode. Il déguste chaque cuve et l'arrête à son équilibre optimal entre le sucre, l'acidité et l'alcool, en refroidissant le vin jusqu'à - 4°C. Il le soutire, le filtre rapidement et maintient les cuves à - 4°C jusqu'à la mise, car il n'utilise pas de SO 2. Cela demande de grosses installations de production de froid et revient très cher.
En Côtes du Rhône, où l'on tolère sur les vins rouges jusqu'à 3 g/l de sucres fermentescibles, soit 3,5 à 4 g/l de sucres résiduels, la problématique est différente.

' Cette limite un peu haute évite l'acharnement thérapeutique sur des vins de hauts degrés dont la fermentation peine à se terminer, se réjouit Nicolas Constantin, oenologue à l'Institut Rhodanien (Vaucluse). On évite ainsi de dénaturer le produit, mais on prend le risque de voir se développer des Brettanomyces. D'autant que les sucres restent, en général, dans des vins issus de vendanges très mûres, donc aux pH élevés et dans lesquels le SO 2 est peu actif. '
Yves Gras, au domaine Santa Duc à Gigondas, en a subi les conséquences. Il a essayé quelques années de garder un peu de sucres pour enrober les vins un peu alcooleux. Cela a alourdi ses vins, leur donnant des notes pommadées qui vont à l'encontre de sa recherche de fruité. ' Comme je filtre peu mes vins, j'ai eu des problèmes de refermentation en bouteilles après un an et demi de conservation d'un vin de 15 % vol. avec 3 g/l de sucres résiduels. Il y avait 1 200 mg/l de CO 2 dissous. Allez expliquer à un sommelier qu'il faut agiter mon vin avant de le servir ! ', plaisante-t-il.



Cet article fait partie du dossier

Consultez les autres articles du dossier :

L'essentiel de l'offre

Voir aussi :