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Deux outils pour mesurer et gérer la soif des ceps

La vigne - n°168 - septembre 2005 - page 0

Deux sociétés proposent leur outil de mesure du stress hydrique. Ils servent à piloter l'irrigation, à décider des interventions culturales, à identifier le potentiel des parcelles ou à anticiper les vinifications.

Jusqu'à présent, la chambre à pression était le principal outil de mesure de la contrainte hydrique de la vigne. Son utilisation étant assez contraignante, deux entreprises ont mis au point des outils plus simples, mais étalonnés avec.
Le premier, le Xilem, a été conçu par l'entreprise Sféris, basée à Montpellier (Hérault). Il s'appuie sur la transpiration de la vigne. Lorsqu'elle dispose d'une bonne alimentation en eau, elle transpire et la température à la surface de ses feuilles chute. En revanche, dès qu'elle est en situation de manque d'eau et donc de stress, elle cesse de transpirer. Le Xilem mesure la température de la surface de la feuille par le biais d'un thermomètre infrarouge à visée laser. Cette donnée est compilée avec la mesure de la température de l'air et de son hygrométrie, effectuée avec un thermomètre-hygromètre. Toutes ces mesures sont à réaliser l'après-midi, par temps ensoleillé. L'utilisateur rentre les résultats sur une interface informatique extranet. Ils sont alors comparés à une base de référence, établie pour chaque cépage par Sféris et l'Inra de Montpellier. La contrainte hydrique de la vigne est donnée sur une échelle de 1 à 6, 6 étant une situation de sécheresse extrême.
Sféris propose également le Xilem irrigation qui donne, en plus, la quantité d'eau à apporter. L'entreprise commercialise ses appareils à des laboratoires oenologiques, proposant des conseils viticoles. Ils vendent leurs prestations à des prix variant de 200 à 400 euros/parcelle/an.

Gresser oenologie (Alsace) utilise le Xilem depuis 2004, pour conseiller les travaux viticoles les plus opportuns en fonction du millésime : ' Sur une parcelle de sylvaner qui vient d'atteindre un niveau 3 de stress hydrique , j'ai conseillé un travail du sol pour limiter la concurrence avec l'herbe, et un peu d'effeuillage pour baisser la transpiration de la vigne ', annonce Bruno Guillet, du laboratoire. A plus long terme, le Xilem aide à gérer les modes de conduite. Sur une parcelle qui n'est jamais stressée, il conseillera de limiter l'accès à l'eau, par l'implantation d'un couvert végétal ou par l'augmentation de la hauteur de palissage. Enfin, le laboratoire souhaite utiliser cet outil pour réaliser des sélections parcellaires. Pour Bruno Guillet, cette technique n'a que des avantages : elle est simple, rapide et pratique.
C'est également l'opinion de Benoît Lacombe, viticulteur dans l'Hérault. L'utilisation du Xilem ne lui prend que 10 min par zone (cinq à dix mesures). Il s'en sert une fois tous les dix jours, de fin juin à mi-août. Il s'est doté de l'appareil il y a deux ans. ' Lorsque nous avons repris l'exploitation, le Xilem nous a aidés à connaître le potentiel qualitatif des parcelles , explique-t-il. Ensuite, il nous a permis d'affiner l'enherbement naturel. Sur un bout de parcelle près d'un ruisseau, nous avons constaté qu'il valait mieux enherber tous les rangs, et nous tondons plus ou moins suivant la contrainte hydrique . '
Avec le Xilem, Benoît Lacombe a classé ses parcelles de merlot en fonction des deux types de vin qu'il souhaite élaborer : ' Nous avions déjà une idée, mais cela nous a confortés. Les parcelles peu stressées sont destinées à l'élaboration d'un vin fruité, léger, proche du rosé. Les autres sont conservées pour le vin de garde . ' Il compte également se servir de cet outil pour ses futures plantations, car il sait quels cépages ne conviennent pas à ses parcelles.

Sylvain Luneau, du laboratoire Val OEno (Loire-Atlantique), effectue six mesures avec le Xilem, entre la nouaison et les vendanges. Suivant les résultats, il propose aux viticulteurs certains travaux culturaux pour se situer dans une contrainte hydrique modérée. Il anticipe les vinifications : ' Si le stress hydrique est très fort avant la véraison, il y a un risque pour que les tanins soient astringents. On peut alors prévoir de jouer sur l'extraction, en diminuant sa durée, en effectuant moins de remontages et plus de délestages. Dans le cas contraire, s'il n'y a pas de stress, on peut craindre de la verdeur sur les blancs. Pour apporter de la rondeur, on pourra taniser . ' Sylvain Luneau prévoit aussi de réaliser des zonages pour aider les caves coopératives à sélectionner leurs apports.
L'entreprise Agro Ressources, basée à Le Thor (Vaucluse), commercialise le Pépista Plus, initialement développé par l'Inra d'Avignon. Grâce à un capteur, il mesure la croissance du diamètre du cep, au centième de millimètre. Le principe est simple : l'écorce de la vigne stocke de l'eau. Si la demande en eau est forte, elle déstocke. Le diamètre du tronc diminue. Les mesures de croissance et de contraction du tronc s'enregistrent et s'affichent sur l'écran du boîtier de lecture disposé à côté du capteur. Toutes ces données peuvent être transférées sur un ordinateur.
Patrice Guinet, d'Agro Ressources, conseille d'employer le Pépista Plus avec des sondes tensiométriques Watermark, afin de connaître les réserves hydriques du sol. Il propose cet appareil en service mensuel. Si le viticulteur se charge de l'installer, la prestation (location du matériel et interprétation des résultats) revient à 390 euros par mois + 90 euros/capteur supplémentaire. Si l'entreprise installe la sonde, cela revient à 550 euros par mois plus les frais de déplacement. Cette technologie est un transfert de l'arboriculture, encore peu utilisée en viticulture. Ses utilisateurs ont peu de recul et, pour le moment, ils s'en servent principalement pour piloter l'irrigation.
Le domaine Malavielle, à Mérifons (Hérault), utilise cet outil depuis cette année sur une parcelle de chardonnay. Selon Eric Supply, le responsable technique, ' l'objectif est de mieux réguler le goutte-à-goutte '. Auparavant, il le branchait dès que la vigne commençait à pendre un peu, ou qu'il faisait chaud et venteux.

' Avec le Pépista Plus, même dans de telles conditions, nous constatons que la vigne ne souffre pas, alors qu'auparavant, nous aurions arrosé ', résume-t-il. Cette année, il n'a irrigué que deux fois, contre le double les années précédentes. Il juge la méthode peu contraignante : ' Nous avons quatre sondes Watermark et deux capteurs Pépista Plus. Nous avons marqué les rangs où elles sont disposées. Cela ne nous gêne pas pour le travail du sol, mais nous faisons attention. Tous les jours, à heures précises, nous relevons les données et les envoyons à Agro Ressources, qui interprète les résultats . ' Ce système permet une bonne gestion du sol et de la plante, et des économies d'eau.
Paulette Bou Moouncef utilise elle aussi ce matériel, sur son exploitation basée au Liban. Elle a disposé deux Pépista, avec quatre capteurs chacun, et quatre sondes Watermark, sur ses deux parcelles expérimentales. Les sondes sont à 50 et 80 cm de profondeur, ce qui lui donne une bonne connaissance des réserves en eau. Elle corrèle ces informations aux indications météorologiques et à des observations visuelles. Elle pilote son irrigation de manière plus précise : ' Grâce au Pépista, j'interviens avant le stress hydrique, tout en raisonnant mes apports d'eau ', déclare Paulette Bou Moouncef.

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