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Le marselan

La vigne - n°169 - octobre 2005 - page 0

Le marselan est une sélection de Paul Truel de l'Inra. Il est né en 1961 au domaine de Vassal, à Marseillan plage (Hérault), d'un croisement entre le cabernet-sauvignon et le grenache noir. En 1991, après trente ans d'observation, il est inscrit au catalogue des espèces et variétés cultivées. ' C'est la variété du XXIe siècle dans le Midi, pour les vins de pays et de table. J'espère que l'Inao, après essais, permettra son introduction dans les décrets d'appellation. C'est un cépage haut de gamme, et il sera difficile de faire mieux au niveau caractéristiques culturales et qualité du vin en hybridation intraspécifique ', pose Alain Bouquet, de l'Inra de Montpellier. Pourquoi une nouvelle variété ? En 1955, les cépages permettant l'élaboration de vins de table sont classés en trois catégories : recommandé, autorisé et toléré. L'aramon, cépage traditionnel des vins de table, se retrouve simplement autorisé, alors que le carignan est recommandé. Dès lors, les surfaces plantées en aramon baissent. Celles du carignan augmentent. Mais il est beaucoup trop tardif. Il ne convient pas aux vignobles de plaine. Il faut lui trouver une alternative : un cépage plus précoce, d'un niveau de rendement correct et d'un potentiel qualitatif supérieur. Le marselan est né de ce programme de recherche.

La chambre d'agriculture de l'Aude a étudié ses propriétés agronomiques pendant de nombreuses années. Elle a observé que le marselan présente des dates de débourrement, de floraison et de mi-véraison similaires au merlot. Il arrive à maturité une semaine après ce cépage et une semaine avant le cabernet-sauvignon, ce qui permet un étalement des vendanges. Il nécessite néanmoins une étroite surveillance, en raison d'une augmentation rapide du degré en fin de maturation. Sa vigueur est modérée, notamment sur les sols de coteaux. Il est relativement facile à palisser, du fait de la souplesse des sarments. Son feuillage est comparable à celui du grenache. Ses baies et ses grappes sont petites, proches de celles du cabernet-sauvignon. Les premières années, les rendements sont relativement élevés, mais cela ne pénalise pas la maturité. Ils se régulent par la suite.
Au niveau de la conduite, Gilbert Cazals, de la chambre d'agriculture de l'Aude, conseille un minimum de 4 000 pieds/ha. Concernant le porte-greffe, la chambre a constaté de nombreux problèmes avec le 140 Ru. Le marselan présente une bonne affinité avec le 110 R et le SO 4. Il peut être taillé en guyot simple et en cordon de Royat.

Le marselan est un cépage relativement robuste. Il est peu sujet à la coulure. Il est résistant aux acariens et à la sécheresse. En conditions de stress hydrique, il reste assez stable. Mais lorsque la contrainte est forte, comme en 2003, il montre ses limites et se comporte comme le grenache. Il est peu sensible à l'oïdium, à l'eutypiose et à la pourriture grise, et semble plus concerné par l'excoriose et la carence magnésienne. Il nécessite une grande vigilance par rapport au dessèchement de la rafle. Il n'est pas plus sensible au mildiou qu'un cabernet ou un grenache. ' C'est un cépage bien adapté à la protection raisonnée ', indique Gilbert Cazals. Les vins obtenus présentent une acidité proche de celle du merlot, voire légèrement supérieure. L'intensité colorante est élevée à très élevée. Les vins sont concentrés, moelleux, gras. Sur le plan aromatique, les dégustations ont montré une différence nette selon le terroir. Dans l'Aude, sur les terroirs de l'ouest du département, les profils sont du type cabernet-sauvignon, alors que vers les zones méditerranéennes, ils tendent vers le grenache.
L'ICV a réalisé plusieurs suivis depuis 1996. Selon lui, les baies de marselan présentent une épaisse pellicule, et un potentiel phénolique très élevé, supérieur à celui de la syrah. ' On est sur des valeurs proches, voire supérieures à des syrahs haut de gamme , expose Laurent Joussain, de l'ICV. Par contre, les anthocyanes sont plus difficiles à extraire que celles des cépages de référence. C'est sans doute lié à l'épaisseur de la pellicule . ' Le potentiel acide du marselan est également intéressant, même en cas de degrés élevés. En 2002, l'ICV a comparé le comportement du marselan sur deux terroirs : une parcelle de plaine et une parcelle de coteau.

Au niveau de la maturation, sur les deux parcelles, la pulpe était ferme, fruitée et peu herbacée. Les grappes étaient très colorées et l'intensité tannique forte. Dans la parcelle de plaine, la maturation a été très rapide. L'accumulation de sucre a été très importante, jusqu'à 16°. L'acidité a chuté rapidement, le caractère herbacé s'est estompé précocément. Par contre, la pellicule est restée dure, acide et astringente. Les pépins ont peu évolué. Dans la parcelle en coteau, la maturité fut plus régulière, permettant la préservation de l'acidité. Les pépins sont devenus craquants, avec des arômes torréfiés. L'ICV a comparé deux types de macération : l'une de cinq jours et l'autre de vingt et un jours. La plus longue complexifie le profil olfactif avec des notes poivrées, épicées, de cacao et d'olives... Dans les deux cas, le profil gustatif était intense. Par ailleurs, lorsque la maturité augmente, les vins sont plus harmonieux, mais les degrés plus élevés. En fin de maturation, le degré potentiel peut atteindre 15 à 16°. Du fait de ces valeurs, l'acidité volatile est plus élevée par rapport à d'autres cépages. Des problèmes microbiens et de sucre résiduels peuvent survenir. Pour y pallier, les bonnes pratiques de vinification sont primordiales.
Fort de ces atouts, le marselan est un cépage qui monte. Selon l'Onivins, de 1991 à 2002, 132 ha étaient plantés en Languedoc-Roussillon. De 2001 à 2004, les surfaces sont passées à 600 ha. Elles sont actuellement de 730 ha et la demande de greffons est forte. En 2005, les mises en oeuvre en pépinière étaient de 3,5 millions de plants, soit une augmentation de 20,6 % par rapport à 2004.

D'après la journée technique du 14 avril 2005, organisée par la chambre d'agriculture de l'Aude, en partenariat avec l'Inra et l'ICV.

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