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Chacun a son domaine

La vigne - n°169 - octobre 2005 - page 0

Dans la famille Rouzé, Sylvie, Adèle et Jacques sont tous trois chefs d'exploitation. A force de participer à des salons, ils se sont constitués une clientèle enviable. Leur politique de vente reste guidée par la prudence.

Dans la famille Rouzé, chacun a son affaire. Le père, Jacques, 49 ans, et la fille, Adèle, 25 ans, ont l'un et l'autre un domaine qui porte leur nom. Sylvie, la mère, 45 ans, est à la tête du domaine des Croix. Seul Côme, le fils, n'est pas encore installé. Trois raisons les ont poussés à faire ce choix : chacun a le statut de chef d'exploitation, avec la couverture sociale et la retraite correspondante ; la dotation en droits de plantation est démultipliée ; ils préservent l'image du domaine Jacques Rouzé. Ce dernier est très implanté dans l'hôtellerie et la restauration, notamment chez certains grands chefs étoilés. Pour éviter de lui porter ombrage, ils destinent le domaine des Croix à la grande distribution.
Les trois domaines totalisent 21 ha de vignes, dont 2,6 ha en appellation Reuilly (rouge et rosé) plantés en 1997, le reste en Quincy (blanc). Ils sont gérés comme une seule exploitation, pilotée par l'EARL Jacques Rouzé. Jacques supervise la culture des vignes et les vinifications des trois domaines. Les employés de son EARL réalisent les travaux dans les propriétés de sa femme et de sa fille. En contrepartie, cette EARL facture chaque année aux deux domaines : 3 050 euros/ha pour les travaux de la vigne, 0,15 euros/l de vin pour la vinification et la mise en bouteilles. De son côté, Sylvie est en charge de l'étiquetage, des expéditions et de la comptabilité. Adèle s'occupe du bureau. Elle est salariée à mi-temps de l'EARL.

Le montage est bien rôdé. Les affaires tournent. Quincy et Reuilly sont deux petites appellations. Elles produisent des vins à boire jeunes, en phase avec notre époque. ' A Quincy, le vin se vend bien, affirme Jacques Rouzé qui ne dispose d'aucun stock. Pourtant, après la guerre, l'appellation avait très mauvaise réputation. C'était le vin qui cognait. Il y a encore vingt ans, son image n'était pas toujours bonne. L'appellation n'était pas du tout connue. Il fallait toujours faire un cours de géographie. Aujourd'hui, c'est beaucoup plus facile. '
Vingt-cinq ans de travail intense sur la qualité des produits, doublé d'un dynamisme commercial constant, ont porté leurs fruits. En 1981, Jacques Rouzé s'installe sur sa part du domaine parental. Il n'y a que 2 ha de vignes et le chai. Il est alors double actif. En 1986, son domaine atteint 7 ha en AOC Quincy. A compter de 1987, il se consacre à plein temps à son métier de vigneron. Il continue de s'agrandir. Au total, la famille a acheté 17 ha de vignes depuis 1981, et a planté 15 ha environ, en augmentant la densité de 4 500 à 6 000 pieds par hectare.
' Les vins élaborés sont plus frais, plus vifs, plus fins et plus ronds qu'il y a vingt-cinq ans ', explique Jacques Rouzé. En 1992, le couple change l'équipement du chai. Il passe de petits contenants en acier émaillé et en béton à des cuves en Inox de 100 hl thermorégulées. Depuis quinze ans, ils ébourgeonnent et éclaircissent si nécessaire. Depuis dix ans, ils pratiquent des débourbages serrés, filtrent les bourbes et réincorporent les plus fines. Ils égrappent les pinots noir et gris, cépages du reuilly.
Sur le plan commercial, il a fallu tout construire. Depuis 1985, Jacques et Sylvie Rouzé participent à de nombreux salons et se sont constitués un fichier clients de 8 000 particuliers. En 1995, ils exposent à vingt-cinq salons, leur record. Mais ' nous avions dépassé les normes acceptables ', affirment-ils.

Au fil des ans, ils en testent de nouveaux, éliminent les moins rentables (par exemple, Bertrix et Linsent en Belgique) et ne conservent que les plus intéressants : les six salons des vignerons indépendants de province, le salon des vins d'Angers, le salon de Blégny-les-mines (Belgique), Prowein en Allemagne. La famille Rouzé vend ses vins 6,20 euros/col, en moyenne, au départ de la propriété. Dans l'élaboration de ses prix, Jacques tient toujours compte des bouteilles destinées aux dégustations, et pour cause : elles représentent entre 10 et 15 % des volumes vendus ! La famille préfère conserver ses différents réseaux de vente (CHR, grande distribution, exportation, particuliers). Elle se souvient du gel de 1991. La dynamique commerciale avait alors subi un brutal coup de frein. Le gel avait détruit la quasi-totalité de la récolte. Résultat ? Le domaine n'a pas pu livrer de vins. ' Tous nos clients à l'export se sont fournis ailleurs et ne sont pas revenus. Nous avons mis cinq ans pour redresser la barre. D'abord par une première participation au Salon des vins d'Angers en 1993 ', se souvient Sylvie Rouzé.

Depuis 1996, époque à laquelle ils aménagent un caveau d'accueil, ils vendent toute la production en bouteilles. Depuis, ils organisent tous les ans des portes ouvertes lors du week-end de l'ascension ' qui rappellent qu'on existe '. A cette occasion, ils ciblent exclusivement la clientèle locale. Ils invitent 1 200 personnes.
Jacques et Sylvie font également beaucoup de dégustations chez les cavistes ou avec leurs agents à l'étranger. Depuis cinq ans, à la demande croissante de la restauration, ils proposent davantage de demi-bouteilles (environ 3 000 par an). Jacques livre lui-même les commandes sur Paris, à raison de 1 500 bouteilles une fois par mois. Il en profite pour rencontrer ses clients restaurateurs, au moins une fois par an et pour discuter avec eux. En toute convivialité.

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