'Je suis catégoriquement opposé à l'autorisation de cette pratique. C'est la porte d'entrée à une approche industrielle de l'oenologie. Avec cette technique, on déconstruit le vin en retirant l'alcool et des arômes, en cassant des harmonies gustatives, pour le reconstruire en réintroduisant, pour l'instant, les arômes extraits. Mais demain, on pourra compenser la perte de sucrosité liée à l'élimination d'alcool par un ajout de glycérol. On tombe dans la logique de l'industrie laitière. Nous aurons des arômes baladeurs, des vins amputés de leur alcool ou surchargés d'autre chose, tout deviendra progressivement possible... L'usage du mot vin, pour ce type de produit, serait une usurpation du sens et des connotations positives qui se rattachent au vin, qui reste l'un des rares produits agroalimentaires dans lequel le consommateur a encore confiance. Il véhicule des valeurs culturelles, intimement mêlées au caractère paysan de sa production. Le rayonnement international de nos vins n'est pas un mythe. Dans bien des pays, ce sont les vins français qui restent la référence, pas ceux du Nouveau Monde.
Ne mettons pas en péril cette aura et ce capital-confiance. Si nous voulons faire ces ' vins arrangés ', en utilisant la désalcoolisation ou l'aromatisation avec les copeaux de chêne, pourquoi pas, mais faisons-le au sein d'une nouvelle filière qui utiliserait toutes les possibilités de l'oenologie corrective pour fabriquer de nouveaux produits, dénommés boissons uvales ou d'un autre terme qui reste à inventer. Préservons pour nos vins cette image de produit naturel et authentique, qui sont d'ailleurs des valeurs montantes. '