En Champagne, au début des années quatre-vingt-dix, les résistances explosent. Les antibotrytis (imides cycliques et Sumico) sont au bord du KO. L'arrivée de nouvelles matières actives et la réorientation des préconi- sations sauvent la lutte chimique.
Lorsque Laurent Panigai est arrivé au CIVC (Comité interprofessionnel du vin de Champagne) en 1987, la Champagne venait de vivre un véritable traumatisme. ' De la fin des années soixante-dix jusqu'au début des années quatre-vingt, les vignerons ont largement utilisé les imides cycliques (iprodione, procymidone, vinchlozoline). Ils pouvaient faire jusqu'à quatre traitements par an, avec une efficacité remarquable. Mais les résistances sont rapidement apparues. Dès 1981, on constatait des pertes d'efficacité de ces produits. Ils se sont effondrés en deux-trois ans. Les techniciens ont arrêté de les préconiser de 1983 à 1985. ' A ce moment-là, le CIVC met en place un partenariat avec Pierre Leroux, de l'Inra de Versailles, pour suivre l'évolution des populations de botrytis résistantes aux traitements.
En 1986, la situation semble se rétablir : les imides cycliques, associés au thirame (Silbos T), sont réintroduits progressivement. Puis, en 1987, le Sumico, association de diéthofencarbe et de carbendazime, arrive. Laurent Panigai accompagne son lancement, puis assiste à sa chute. ' Malgré toutes les précautions que l'on avait prises, à savoir une limitation à deux traitements, l'histoire s'est répétée : des résistances sont apparues. On est rapidement passé à un traitement, mais cela n'a pas suffi. ' Dans les années quatre-vingt-dix, la situation devient critique. Tous programmes confondus, l'efficacité de la lutte chimique ne dépasse pas 10 à 20 %. En 1993, de nouveau, les techniciens préconisent de stopper tout traitement.
' A cette époque, nous avons fait un gros travail de fond pour convaincre les vignerons de l'intérêt des mesures prophylactiques : choix du clone, du porte-greffe, diminution de la fertilisation azotée, palissage soigné, effeuillage modéré de la zone des grappes sur une face, lutte contre les vers de la grappe... On leur a bien expliqué l'effet de ces mesures indirectes et aujourd'hui, elles sont bien ancrées dans les pratiques. '
En 1994, un nouveau produit apparaît sur le marché : Scala. Les techniciens conseillent de reprendre la lutte chimique avec une recommandation : ' Mettre en place, en priorité, les mesures prophylactiques, ne traiter que les parcelles sensibles et n'utiliser qu'une seule famille chimique par parcelle et par an. ' L'année suivante, c'est au tour de Géoxe de venir compléter les programmes de lutte.
' Ils sont arrivés clairement comme des sauveurs. Ils ont remplacé progressivement les produits d'attente, comme le Silbos. Géoxe a supplanté Sumico au stade A, et Scala a souvent été placé en B. ' Quelque temps plus tard, d'autres fongicides sortiront : Sékoya, Teldor... ' Cette nouvelle génération d'antibotrytis s'est accompagnée d'un changement de pratiques. Les vignerons ont accueilli leur arrivée avec satisfaction, modération et raisonnement. Les distributeurs ont bien relayé nos recommandations. Maintenant, tout le monde respecte la limite d'une famille chimique par parcelle et par an. Les derniers dérapages datent du Sumico. Ces nouveaux antibotrytis nous ont sauvés. Depuis dix ans, nous n'avons pas eu de dégradation significative de la vendange par la pourriture grise dans notre vignoble. ' La Champagne a su tirer l'enseignement de ses erreurs.