En Bourgogne, Erik Martin laboure avec des chevaux de traits. Il remet au goût du jour une tradition qui date seulement du début du XX siècle.
Ce jour-là, le ciel est d'un bleu splendide et la vue sur Beaune imprenable. Sur le coteau qui surplombe la ville, Erik Martin, cramponné à sa charrue, marche au rythme de son cheval blanc Jézabel. ' Ooooh, à droite, à droite. Là, là ', crie-t-il en bout de rang pour amorcer les virages. Natif du Dauphiné, il sent très tôt une affinité pour l'approche écologique de l'agriculture. Labourer des vignes avec un cheval ne pouvait que le séduire. Mais ' qu'on ne s'y trompe pas, avertit-il, c'est une tradition très récente. Elle date seulement du début du XX e siècle, lorsque l'espacement des rangs a été déterminé par la largeur du cheval. Travailler les vignes à l'ancienne, c'est à la pioche, comme du temps où elles étaient encore en foule '.
En été, tout de blanc vêtu, chapeau compris, Erik Martin démarre tôt le matin. Il s'interrompt, puis reprend le soir et finit tard pour se protéger du soleil et des chaleurs trop fortes. Un rythme qui lui convient parfaitement. Il a créé sa société, Equipages, basée à Cheilly-lès-Maranges (Saône-et-Loire) en 2000. Avec ses trois chevaux de traits, il laboure une vingtaine d'hectares de vigne des Côtes de Nuits et de Beaune, en tandem avec Béatrice Millière, également prestataire de services en la matière.
Suivant les conditions de l'année et l'état des parcelles, il réalise entre trois et sept passages par an. La trame habituelle comprend un griffage superficiel après les vendanges, un buttage entre Noël et mars, un binage de février à avril, un décavaillonnage entre mars et fin mai, et une mise à plat du terrain environ trois semaines plus tard. Le coût de la prestation s'élève entre 3 800 et 5 300 euros par hectare et par an.
' Labourer a la même racine que le mot labeur, c'est-à-dire le travail ', rappelle Erik Martin. Autrefois, le laboureur avec un cheval, c'était le conseiller du chef d'exploitation. Car lui seul savait ce qu'il y a sous la surface. Il connaissait les endroits où il y a des cailloux, de la roche, de l'eau ou des sources. Il connaissait les endroits où les racines affleurent, où se situe telle ou telle veine de terrain. C'était le meilleur connaisseur du terroir. ' Aujourd'hui, ' on vous confie les meilleures parcelles. Le personnel qui laboure doit être son propre maître, il n'est pas question d'embaucher '.
Sur les zones ' faciles ', Erik laboure à un rythme moyen de 16 ares toutes les deux heures. Il travaille au maximum cinq heures et demie d'affilée avec un même cheval. Il emploie des charrues à versoir ou réversibles, des bineuses et les fameuses décavaillonneuses, ' qui permettent de travailler sous le rang '. Il choisit des chevaux âgés de six ans minimum. Il apprécie les percherons. Ils sont ' forts, calmes, endurants, intelligents et n'ont pas peur d'un hélicoptère '.
' Le travail du sol avec un cheval de trait donne une terre souple et vivante . ' La vie du sol est respectée. Les vignes malades revivent, car le sol les nourrit. L'absorption de l'eau par le sol redevenu malléable est meilleure. L'érosion lors des violentes pluies s'en trouve réduite. Mais le travail ne s'exprime pleinement que si le sol n'est pas compacté par de lourds engins. Le tassement est l'ennemi du laboureur. Il est aussi celui des processus physiques, chimiques et biologiques qui donnent vie au sol.