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Douro : un oenotourisme balbutiant

La vigne - n°171 - décembre 2005 - page 0

Dans le Douro, les vignes en terrasses forment un paysage extraordinaire. L'Unesco a inscrit cette région portugaise au patrimoine mondial de l'humanité. Seules quelques entreprises en tirent profit en misant sur l'oenotourisme.

Les ors et les pourpres d'automne habillent la vallée du Douro. Ils rappellent les gloires et les vicissitudes de la région d'appellation contrôlée la plus ancienne au monde. Ici naquit le vin de Porto, à la fin du XVII e siècle. Pourtant, la ville se trouve à plus de 100 km de là, à l'embouchure du fleuve. C'est là que l'on entreposait les vins avant de les expédier vers l'Angleterre. Voilà pourquoi ils ont pris le nom de porto.
Au XII e siècle, les habitants du Douro se sont lancés dans une oeuvre gigantesque. Aidés par des ânes robustes, ils ont façonné un paysage unique, élevant des murets de schiste pour retenir la terre. Sur ces terrasses poussent des vignes basses conduites en Guyot, qui profitent des conditions climatiques exceptionnelles de la région. Ce paysage a été inscrit au patrimoine mondial de l'Unesco en 2001. Les Portugais espèrent ainsi conserver un environnement ' culturel, vivant et évolutif '. Ils veulent préserver les techniques ancestrales et développer la région grâce au tourisme.
Aujourd'hui, le vignoble couvre 44 000 ha. Mais l'Unesco n'a inscrit que 24 600 ha, entre Régua et Pinhão. Sur cette étroite bande de terre de part et d'autre du Douro, les techniques d'exploitation n'ont pas changé depuis des lustres : tous les travaux restent manuels.

Ailleurs, il n'en est pas de même : dans les années 70 et 80, pour mécaniser, de nombreux murets ont été détruits. Dans le même temps, les viticulteurs ont planté des plants sélectionnés et introduit des techniques modernes de vinification. Ils ont fait appel à des oenologues. Ils ont produit des vins de qualité croissante. Pour que leurs efforts soient reconnus, ils ont demandé la création de l'appellation d'origine contrôlée Douro.
Tous les ans, 40 à 45 % des vins du Douro sont transformés en porto, après un mutage à l'alcool. Traditionnellement, le reste était vendu comme vin de table ou ' vin de région '. Désormais, une part croissante est vendue sous le nom de Douro. 80 % de ces vins sont rouges. Ils sont élevés neuf mois en fûts de chêne. Ils titrent 12°5 à 14°. Ils sont fruités et épicés. Ils offrent également des notes de chocolat et de menthe.
Mais les parcelles en terrasses restent menacées, car les coûts de production y sont extrêmement élevés ' Nous essayons de mettre en place des mécanismes pour inciter les viticulteurs à conserver le patrimoine. Sans cela, nous perdrons notre classification par l'Unesco. Toute la région en pâtirait ', explique Jorge Monteiro, président de l'Institut des vins du Douro et de Porto. Sa tâche est rude : ces questions ne sont pas au coeur des préoccupations des 35 000 producteurs, dont la plupart possèdent moins de 1 ha. A quelques exceptions près, aucun n'a encore pris l'initiative de développer son marketing autour de la classification onusienne. Mais l'idée fait son chemin.
' Nous devons diversifier nos offres, faire découvrir notre univers unique ', estime Paulo Carvalho, directeur de l'hôtel Vintage House, à Pinhão. Cet établissement de charme, au bord du Douro, a créé une académie du vin. Il l'a confiée à un jeune oenologue qui propose des initiations au porto et au douro.

' Nous devons retrouver la culture de l'audace ', explique Laura Regueiro, propriétaire de la Quinta da Casa Amarela (Domaine de la maison jaune). Elle cultive 14 ha situés sur la rive gauche du Douro, entre Régua et Lamego. Elle s'est lancée dans la production du DOC Douro en 2000. Elle appartient à la Ligue des amis du Douro patrimoine mondial, qui compte 300 membres, surtout des viticulteurs. Cette association veut préserver le patrimoine. ' Par exemple, nous formons des personnes à l'art d'élever des murs en pierre pour qu'il ne se perde pas, explique Laura Regueiro. Nous devons développer les initiatives, sans attendre tout des pouvoirs publics. '
A Santa Marta de Penaguião, en plein coeur du terroir classé, la mairie s'est associée à la coopérative la plus importante du Douro, avec 2 200 producteurs. ' Nous proposons aux touristes venant en bateau de visiter nos domaines. Nous avons ainsi reçu 12 000 visiteurs ', explique le maire, Francisco Ribeiro. Les chiffres lui donnent raison : le tourisme fluvial est en pleine expansion. En 2005, il aura séduit plus de 200 000 personnes.
Le maire de Santa Marta regrette cependant la fermeture du cabinet technique intermunicipal du Haut-Douro viticole. Exigé par l'Unesco, financé à 75 % par l'Etat et à 25 % par les treize mairies concernées par la classification, il a été dissous au printemps 2005. L'Etat, confronté à de graves problèmes budgétaires, a cessé de s'acquitter de son obole.

En revanche, en mars, le gouvernement a adopté le plan de développement touristique du Val du Douro, promis depuis 2003. Il va permettre d'augmenter le nombre de lits, d'entamer des restaurations de villages, de développer le commerce et l'artisanat, et de soutenir des initiatives comme l'école hôtelière de Lamego, qui forme 250 jeunes.
Dans le Haut-Douro où la vie a toujours été rude, entre les étés brûlants et les hivers mordants, on espère qu'une politique de développement durable sera mise en place. Faute de quoi, ' nous risquons de passer notre temps à voir les touristes monter et descendre le Douro, sans jamais les convaincre de s'arrêter ', prévient Jorge Monteiro. Pendant ce temps, dans les étroites vallées et les acrobatiques terrasses, dorment des richesses qui ne demandent qu'à être découvertes...

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