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Défauts olfactifs : des formation s pour y voir clair et agir vite

La vigne - n°171 - décembre 2005 - page 0

Des laboratoires, syndicats ou entreprises privées proposent des formations pour reconnaître les déviations liées à des micro-organismes. Les participants sont mieux armés en cas de problème, les dégustateurs d'agrément notent avec plus d'assurance.

L'année 2005 a vu fleurir les formations à la dégustation des défauts en France. ' C'est un problème d'actualité. Les consommateurs d'aujourd'hui se dirigent plutôt vers des vins ronds, fruités, nets ', résume Julien Madillac-Brahmi, maître de chai au château Marquis de Terme, à Margaux (Gironde). Il a participé à une réunion organisée sur ce thème, au Centre oenologique de Pauillac (Gironde), en avril dernier.
Pour l'animer, Christophe Coupez, responsable de ce laboratoire de la chambre d'agriculture, avait fait appel à la société Lallemand, avec son kit de ' masques '. Il comporte neuf flacons, contenant autant de substances produites par des micro-organismes : la putrescine et la cadavérine (amines biogènes malodorantes), le diacétyle (à l'arôme beurré, nuisible à forte dose), l'éthylphénol et l'éthyl gaïacol (odeurs animales), l'acétaldéhyde (pomme verte), l'éthyl-lactate (lacté), l'hydroxypyridine (goût de souris) et l'étoxi-hexadiène-3,5- (odeur de géranium).
' Cette dégustation a l'avantage de nous apprendre à reconnaître chaque défaut séparément : les odeurs animales, la putréfaction..., relève Julien Madillac-Brahmi. Cela nous permet de bien comprendre ce qu'ils sont, pour savoir les reconnaître chez nous. J'ai pris conscience qu'avant de devenir des défauts, ces odeurs pouvaient masquer le fruit du vin. Si cela devait arriver sur une cuve au château Marquis de Terme, j'utiliserai certainement des levures sélectionnées ou des bactéries sur l'ensemble de la cave, pour éviter que le problème ne s'étende. Mieux vaut prévenir que guérir. '

Nathalie Pouzalgues, oenologue au Syndicat des Côtes de Provence, organise aussi ce genre de formation pour les dégustateurs de l'agrément. L'un des objectifs est de fiabiliser l'argumentation en cas de rejet. ' Si on rejette un vin pour réduction, il ne faut pas qu'il soit en fait oxydé ', souligne-t-elle. Elle forme les dégustateurs à bien noter l'intensité du défaut et leur fournit des explications sur son origine. Cela leur permet d'estimer s'il est irrémédiable ou passager. Ils peuvent prendre une décision plus ou moins sévère, en toute connaissance de cause.
Pour ses formations, Nathalie Pouzalgues utilise le kit de ' masques ' de Lallemand. Elle emploie des doses suffisantes pour que les défauts soient perçus comme tels, et non en tant que masques. Elle se sert aussi de préparations maison, afin de mimer tous les défauts répertoriés par l'Inao dans les fiches de dégustation, comme les différents goûts de réduit. Elle a mis en place cette formation pour l'agrément du millésime 2003, à destination de tous les dégustateurs d'agrément volontaires. Depuis 2004, elle l'impose aux nouveaux dégustateurs.
De leur côté, deux jeunes sociétés organisent des sessions de formation : Intelli'OEno et Vinidea. Christophe Gerland ou Xavier Arioli, d'Intelli'OEno, en ont déjà animé une dizaine dans plusieurs régions viticoles françaises. Ils abordent quatre grandes familles de ' défauts sensoriels liés aux altérations des vins ' : ceux apportés par les raisins (goûts herbacés, goûts moisis-terreux...), ceux apparaissant au cours de la phase de vinification (acétate d'éthyle, diacétyle...), ceux liés à l'élevage (odeurs phénolées...) ou au vieillissement (vieillissement atypique des blancs, goûts de bouchon...). Dans tous les cas, il s'agit de défauts liés à des micro-organismes.

Dans un premier temps, les participants dégustent à l'aveugle quatre à cinq vins contaminés par chacune des vingt-cinq molécules proposées. Les formateurs mettent ensuite un nom sur chaque défaut, expliquent leur mécanisme d'apparition et les traitements possibles. A la fin de la formation, les participants réalisent des tests triangulaires ou d'appariement, pour vérifier les acquis de la session. L'objectif est de reconnaître et discerner les défauts pour les traiter.
Les participants à ces formations viennent chercher un entraînement à la dégustation et une remise à niveau de leurs connaissances. C'était le cas, par exemple, d'Emmanuelle Perraut, oenologue à la cave de Pfaffenheim (Haut-Rhin) : ' Je veux reconnaître les défauts que je peux être amenée à rencontrer. Ces formations devraient être reconduites régulièrement, pour entraîner la mémoire olfactive. '
' Elles nous permettent de savoir si on est dans le juste quand on met tel ou tel nom sur un défaut ', complète Frédéric Maignet, oenologue responsable du laboratoire de la Maison Loron, à la Chapelle-de-Guinchay (Saône-et-Loire) et responsable de Vigne et vin conseil. Il peut ainsi être sûr qu'il met en oeuvre les bons moyens de prévention ou de traitement, aussi bien à la Maison Loron que chez ses clients.
' Les méthodes de dosage de ces molécules ou des micro-organismes les produisant sont souvent longues et coûteuses, poursuit Frédéric Maignet. Pour l'oenologue conseil et le responsable de laboratoire que je suis, c'est bien de pouvoir détecter assez tôt les problèmes, leur nature et comment les traiter. '

C'est aussi l'intérêt que Sandrine Pozin a vu dans cette formation. Elle y a participé en avril dernier. ' Ce qui m'intéressait, c'étaient les goûts terreux et les Brettanomyces. Ce sont deux défauts susceptibles d'apparaître dans nos régions ', souligne la technicienne vitivinicole de la cave des Clairmonts, à Tain-l'Hermitage (Drôme). Cette formation a changé sa façon de travailler : ' On se pose peut-être trop de questions maintenant. Mais cela nous donne des indices pour rechercher ces molécules et prendre des précautions.'
Ces formations portent seulement sur des défauts apparus à la suite de contaminations par des micro-organismes indésirables. Elles permettent aux participants de prendre conscience que des fermentations mal maîtrisées peuvent conduire à des déviations franches ou seulement à une perte de fruité. Aujourd'hui, ce ne sont pas uniquement les vins à défaut qui n'ont plus droit de cité, l'absence de fruité est aussi préjudiciable.

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