La région est sortie de la surproduction après avoir mis en place un plan de restructuration et rajeuni sa communication. Un nouveau défi l'attend : sortir du régime de double fin et mettre en place l'affectation parcellaire.
Cognac sort de la grave crise de surproduction des années 1989 à 1992, qui menèrent au désastre de 1993 jusqu'en 2002. Aujourd'hui, la région semble retrouver son équilibre, avec des ventes à la hausse et une diversification du vignoble. Cette crise fut une affaire de marchés. Dans les années 80, face à une forte demande exprimée par l'Asie, le négoce encourage à produire à outrance certains de ses débouchés extérieurs. En 1989-1990, les sorties atteignent 497 000 hl d'alcool pur (AP), un record qui ne sera jamais égalé. La situation est euphorique. Malheureusement, durant les années 90, les exportations reculent. Au creux de la vague, en 1998-1999, les expéditions à travers le monde chutent à 370 000 hl, tandis que les tonneaux se remplissent entre Jarnac et Cognac.
Pour remédier au marasme, en 1998, l'interprofession adopte un plan de restructuration de cinq ans, dont les deux principaux volets sont l'arrachage définitif et la reconversion vers les vins de pays, avec la plantation d'autres cépages que l'ugni blanc. A l'époque, le vignoble couvre 84 400 ha. A ce jour, 4 900 ha ont été arrachés et 1 900 ha reconvertis en vin de pays.
Les viticulteurs ont obtenu jusqu'à 15 000 euros/ha de prime d'abandon définitif. L'an dernier, la prime était retombée à 12 300 euros. Parallèlement, la filière fait la promotion tous azimuts de nouveaux modes de consommation du cognac : en cocktail ou long drink.
Résultat, le cognac semble sorti de cette crise depuis 2002, avec une augmentation de ses ventes de 6,3 % cette année-là, et un nouvel intérêt manifesté sur les marchés asiatiques, américains, européens, voire français. Les ventes repartent progressivement, si bien qu'au cours de la campagne 2004-2005, les sorties atteignent 443 760 hl d'AP.
Quant au négoce, il augmente à nouveau ses achats auprès de la viticulture, mais reste stable sur ses prix. Les producteurs semblent retrouver le moral, tout en restant prudents sur leurs possibilités d'avenir.
L'avenir justement doit tenir compte de la nouvelle donne de l'Europe qui veut mettre un terme au régime de double fin. Ce régime permettait aux viticulteurs de produire sur une même parcelle à la fois du cognac, du pineau, du vin de table ou du jus de raisin. Il comportait aussi une distillation obligatoire et aidée des vins produits au-delà du rendement autorisé dénommé QNV (quantité normalement vinifiée). D'où l'arrivée dans l'univers du cognac d'un plan baptisé Zonta, du nom du fonctionnaire l'ayant conçu. Les grandes lignes de ce plan ont été présentées à la profession dès fin 2003. Cet automne, le ministre de l'Agriculture est venu à Cognac pour expliquer qu'il sera applicable dès 2007. Dès le 1 er juillet de cette année-là, les producteurs devront affecter leur parcelle, c'est-à-dire indiquer ce qu'ils y récolteront la même année.
' Il ne faut pas pour autant crier à la révolution, estime Christian Baudry, président du Comité du pineau. En fait, chaque viticulteur fera lui-même ses propres choix, qui ne lui seront nullement imposés : sur telle parcelle, je fais du cognac, sur l'autre, je fais du pineau. Tout cela ne changera guère ses habitudes. C'est pourquoi nous ne pouvons pas parler de bouleversement, mais de structuration. '
' L'application du plan Zonta ne devrait pas poser de problèmes majeurs , ajoute Benoît Stenne, responsable du Syndicat général des vignerons, principale organisation locale. Le principal cépage charentais, l'ugni blanc (95 % des surfaces), conserve toujours son droit d'être utilisé à d'autres fins que la distillation en cognac. Ce qui va changer, ce sont les formes : disparition de la distillation obligatoire, de la QNV, etc. On cadrera mieux la production avec des affectations précises. '
Le plan d'adaptation de la viticulture charentaise repose sur ce système, qui tient compte de la totalité des produits traditionnels élaborés sur la zone. ' C'est un plan stable et sain dans lequel tous les partenaires se retrouveront , a déclaré Dominique Bussereau début novembre 2005, lors d'une visite aux professionnels concernés. Profitons de cet instant où le cognac va bien pour réaliser les réformes, et anticipons les décisions européennes qui pourront être prises lors de la nouvelle organisation commune des marchés vitivinicoles... '
Des mesures d'accompagnement sont envisagées pour faire passer la pilule chez les mécontents, mais des interrogations subsistent, surtout le fait qu'il ne faudrait pas que tout le monde décide d'affecter ses parcelles au cognac, produit le plus rentable actuellement. Malgré cette inconnue, une bonne partie de la profession est convaincue que le moment est venu d'agir. ' La conjoncture est bonne avec, pour la première fois depuis longtemps, des achats du négoce supérieurs aux sorties, précise Benoît Stenne. Mais il y a un décalage entre la demande et les prix. '
Les prochaines batailles des producteurs de cognac auront pour but d'obtenir une revalorisation des prix.