Pour éviter la flambée des prix, la croissance de l'appellation ne doit pas excéder 1 % par an en volume pendant une décennie. Le syndicat réfléchit à la redélimitation de l'aire, au rendement et à la mise en place du volume complémentaire individuel.
La Champagne se porte bien. Cette année, les ventes et les prix se sont maintenus. A l'exportation, les marchés matures se sont bien comportés. La croissance se poursuit pour les autres, notamment en Europe du Nord et en Asie. Quant au marché national, il reste important, même si ces dernières années, les ventes ont plutôt baissé.
Mais aujourd'hui, la Champagne a atteint le maximum de son potentiel de production : l'aire est presque entièrement plantée. L'équilibre entre les vignerons qui détiennent la matière première, et le négoce qui détient les marchés a évolué. Le vignoble a petit à petit développé des activités d'élaboration et de commercialisation. Sans compter que les retraités et les personnes proches de la retraite ont accumulé des stocks pour assurer leurs revenus.
Si la production reste suffisante pour assurer les ventes actuelles, les négociants ont de plus en plus de mal à s'approvisionner. Sur le terrain, les négociations sont tendues. Cette année encore, le prix du raisin a atteint des sommets. ' Dans les grands crus, il est proche du seuil limite de 5 euros/kg qui, historiquement, quand il est dépassé, précède une crise commerciale ', a rappelé Patrick Le Brun, président du Syndicat général des vignerons et coprésident du CIVC, dans son discours, lors de l'assemblée générale de l'AVC, le 25 novembre.
Le principal enjeu de la Champagne n'est donc pas de réguler l'excès d'offre mais de gérer la pénurie et de veiller à l'équilibre entre les vignerons et le négoce. Pour cela, selon Patrick Le Brun, la croissance de l'AOC en volume ne doit pas dépasser 1 % par an pendant dix ans, alors que pendant vingt ans, elle fut en moyenne de 2,5 % par an. Des années difficiles en perspective.
' C'est un appel à la raison des deux familles. Lorsque l'on raréfie la matière première, son prix augmente. Le consommateur en paie les conséquences et il sanctionne en se tournant vers d'autres produits . '
Cette situation implique une discipline rigoureuse des deux familles : négociants et vignerons. Patrick Le Brun rappelle aux vignerons la nécessité d'approvisionner le négoce en quantité suffisante. ' Les grandes marques sont notre locomotive. ' Il encourage les négociants à trouver d'autres relais de croissance que les volumes, notamment des montées en gamme, à condition que l'augmentation des prix se fasse dans des proportions raisonnables. En cela, ' l'export constitue la voie de la valorisation ', considère Daniel Lorson, du CIVC.
Yves Bénard, président de l'Union des maisons de Champagne et coprésident du CIVC, lors de son discours de l'AVC, a dénoncé les opérateurs qui tirent les prix vers le bas. ' J'ai vu, ces derniers jours, un champagne à 10 euros dans une chaîne d'hypermarchés ! Mieux vaut que ces personnes se replient sur le marché du raisin ', a rappelé Yves Bénard.
Parallèlement, pour donner une bouffée d'air au niveau des volumes, le syndicat réfléchit à la mise en place du VCI (volume complémentaire individuel). L'objectif est de permettre au vigneron de faire une réserve individuelle et de la débloquer quand il le souhaite. L'idée serait d'introduire un rendement de base variable avec un PLC (plafond limite de classement) individuel fixe, dans la limite du rendement butoir actuel, à savoir 13 000 kg/ha. Le PLC individuel irait en réserve. Un groupe de travail s'est mis en place au printemps 2005. Il doit définir la valeur du PLC individuel fixe et déterminer un niveau cumulé de réserve par vigneron. Il doit faire des propositions à l'Inao en février. Le syndicat a également émis l'idée de travailler le rendement butoir. ' Depuis dix à quinze ans, les rendements agronomiques augmentent. Les années fastes, la nature nous permet d'avoir du raisin de qualité en quantité ', remarque Patrick Le Brun. Pour lui, il est nécessaire de tenir compte de cette réalité. Mais pour l'instant, il n'y a pas encore de travail administratif sur ce point.
Autre réflexion à plus long terme : la délimitation de l'aire Champagne.
' Il serait absurde de ne pas continuer notre croissance, mais il faut la maîtriser. Aujourd'hui, il existe des communes qui ne font pas partie de l'appellation et qui aimeraient y entrer. On ouvre le dossier pour leur laisser la possibilité de développer l'économie et le potentiel champenois, si leur terroir le permet . ' Pour l'instant, pas question de planter. Le travail se fait en deux temps. Le syndicat prépare la révision de l'aire géographique. Pour cela, il a déterminé des critères historiques, techniques, paysagers et sociologiques définissant l'appellation. Ces derniers ont été transmis à la commission d'enquête de l'Inao qui doit les valider. Puis, elle initiera la réflexion sur la délimitation parcellaire.
Toutes ces réflexions sont bien accueillies sur le terrain. ' Elles vont dans le bon sens. Elles nécessitent du travail et du temps pour ne pas prendre de décisions précipitées. Nous construisons petit à petit le demi-siècle à venir ', assure Yves Fourmont, président des courtiers champenois.