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A chaque caviste, ses exigences et son circuit commercial

La vigne - n°173 - février 2006 - page 0

Il existe cinq types de cavistes en France. Leurs exigences vis-à-vis des vignerons diffèrent. Mieux vaut les connaître pour travailler efficacement avec chacun d'entre eux.

Alternative à la grande distribution, les cavistes sont un circuit commercial à ne pas négliger. Certes, ils ne représentent que 9 % des acheteurs et 7 % des volumes commercialisés en France, mais leur rôle de prescripteurs, leur contribution à la promotion et à l'image des vins sont déterminants pour la fidélisation d'une clientèle. ' Leur influence leur confère une importance bien supérieure à leur part de marché ', ajoute Etienne Montaigne, chercheur à l'Inra de Montpellier et auteur, à la demande du Comité national des interprofessions des vins AOC (Cniv), de la première étude réalisée sur cette filière (1). Cette dernière classifie les cavistes en cinq groupes différenciés selon leur clientèle et leur gamme.

Quelle que soit leur appartenance, tous partagent des exigences communes qu'il convient d'avoir à l'esprit. Les cavistes (à l'exception des chaînes) sont de très petites structures : la moitié d'entre eux n'a qu'un seul salarié et 98 % des entreprises en ont moins de cinq. Ce sont donc des professionnels peu disponibles, dont il faut épargner le temps.
Ce sont des connaisseurs, qui se démarquent des grandes surfaces par le conseil qu'ils apportent, leur connaissance des vins, des appellations et des domaines qu'ils commercialisent. Il faut donc les convaincre avec des arguments fiables. Il faut aussi établir une relation de présence. Ceci suppose des visites régulières pour créer des liens personnalisés et privilégiés. C'est en ayant une très bonne connaissance du vigneron et de ses vins que les cavistes jouent au mieux leur rôle de prescripteurs.
Ces petits commerçants sont donc très attentifs à la cohérence des prix : ' Nous appliquons des coefficients de 1,7 à 2. Les producteurs doivent nous faire des offres qui nous permettent d'avoir sensiblement les mêmes prix qu'au domaine ', affirme Alain Dechy, président de la Fédération des cavistes indépendants. Le mode de sélection privilégié des cavistes reste la dégustation d'échantillons, complétée par la fréquentation de salons professionnels et la visite de domaines. Dans tous les cas, la qualité reste le premier critère.
De plus, il semblerait que les cavistes favorisent les vins de leur région. Cet effet ' terroir ' est marqué en Languedoc, en Val de Loire ou en Bourgogne. Il est peu préjudiciable pour les Côtes du Rhône ou Bordeaux, qui bénéficient d'une telle notoriété, que chaque caviste se doit d'offrir un nombre suffisant de références.
(1) Lire : La Filière vin et les cavistes. Bacchus 2006. Edition Dunod, coédité par La Vigne.

Au bon Plaisir, Paris XXe, caviste de proximité .
' Nous vendons essentiellement des vins à l'unité, à une clientèle d'habitués qui cherchent une bouteille parce qu'ils reçoivent ou qu'ils sont invités. C'est avant tout pour le conseil qu'on leur apporte qu'ils viennent chez nous. Nous ne devons donc jamais les décevoir. L'essentiel de mes ventes se situe dans une fourchette de prix de 5 à 12 euros. Je suis très attentif à la cohérence des tarifs de mes fournisseurs. Je dois avoir en magasin des vins sensiblement au même prix que ceux proposés au domaine. Je suis aussi vigilant sur le coût du transport. J'apprécie les vignerons qui ont déjà fait un travail de sélection et de négociation avec les transporteurs. '
Les cavistes de proximité sont souvent polyvalents. Ce sont des magasins de quartier, qui disposent d'un espace de vente réduit, limitant le nombre de références. Ils proposent les valeurs sûres des grandes régions viticoles, et une gamme généralement étendue de vins régionaux. Ces cavistes se démarquent par le service et le conseil, et leur capacité de ' dépannage ' avec une sélection de vins à température, prêts à servir. Ils attirent une clientèle fidèle, qui leur fait confiance et accepte de payer un peu plus cher qu'ailleurs. Paradoxalement, ce type de cavistes est surreprésenté dans les régions de viticoles.

Le Chai du Barbu Mézières-sur-Couesnon (Ille-et-Vilaine), fait 30 % de son activité en vrac .
' Le vrac représentait 60 % de notre chiffre d'affaires il y a vingt ans. Aujourd'hui, il n'assure plus que 30 % de notre activité. Et les ventes à la tireuse sont progressivement détrônées par le bib. Nous sommes donc à la recherche de producteurs qui conditionnent leurs vins en bib, ce qui n'est pas encore très répandu. L'essentiel pour ce marché est de proposer des vins de plaisir, bien équilibrés, souples et ronds, que ce soit en vin de pays ou en AOC génériques. Nous avons également toute une gamme de vins en bouteilles. Les vignerons ont donc tout intérêt à nous soumettre l'ensemble de leur gamme. '
Les cavistes strictement vraqueurs, autrefois très bien représentés, sont en passe de disparaître. C'est déjà le cas à Paris. Il en reste quelques-uns en province, mais souvent, le chiffre d'affaires de l'activité du vrac tend à diminuer au profit de la bouteille. Ce type de caviste n'est sans doute pas une cible prioritaire pour les vignerons. En revanche, certains, autrefois spécialisés sur ce créneau, développent aujourd'hui la vente en bibs et en bouteilles et constituent un débouché intéressant.

Responsable des Caves Les Taillevent, Paris VIII e, caviste de luxe .
' Nous avons 25 000 bouteilles en magasin, 40 000 en stock. Nous proposons 1 300 références et nous dégustons 200 échantillons par semaine. Nous sommes toujours à la recherche de nouveaux produits, y compris dans les appellations encore peu connues. Nos clients n'ont pas besoin de nous pour acheter un château-la-tour ou un romanée-conti. En revanche, c'est peut-être grâce à nous qu'ils découvriront un vin de pays des Côtes de Gascogne ou un minervois. Dans notre catalogue, nous proposons des vins de 5 à 5 000 euros, nous sommes donc très éclectiques. Notre seul critère de choix est la dégustation. Si le vin nous plaît, nous l'achetons. '
Les cavistes de luxe sont des magasins de centre-ville. Les vins les plus vendus coûtent plus de 7 euros la bouteille. Ils touchent une clientèle de particuliers, mais également des entreprises. Ce sont les cavistes qui ont le taux le plus élevé de clientèle étrangère, sans doute du fait de leur localisation en centre- ville. Le nombre moyen de références est le plus élevé de tous les groupes de cavistes.

Wine Club. Terroirs d'ici et d'ailleurs, à Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis), travaille surtout avec les entreprises .
' Nous sommes les extrémistes de cette catégorie, puisque nos clients sont pour 95 % des entreprises. Le point essentiel dans notre relation avec nos fournisseurs est le respect des engagements. Quand on travaille avec les entreprises, il est impératif d'être réactif et de respecter ses engagements. Nous connaissons approximativement nos besoins à l'année, nous passons donc des réservations chez nos fournisseurs. Ce 'contrat' doit être respecté, tant sur les volumes que sur les prix. Nous admettons des hausses de prix, mais pas en cours d'année. Nous sélectionnons également nos fournisseurs sur leur réactivité. Nos délais sont souvent très serrés. Si nous attendons trois semaines pour recevoir un échantillon ou des tarifs, nous risquons de perdre notre client. '
Chez les cavistes orientés vers les entreprises, les vins effervescents ont une place plus importante que la moyenne des autres groupes de cavistes. Ils ont généralement un nombre élevé de références avec, souvent, des vins étrangers. Ils vendent essentiellement en bouteilles.

Le Chemin des Vignes à Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine), fait 60 % de son chiffre d'affaires avec la restauration .
' Nous offrons aux restaurateurs un ensemble de services, de l'élaboration de la carte des vins à la livraison, en passant par la formation du personnel. Il y a deux points importants que le vigneron doit comprendre avant de se lancer sur ce créneau. Premièrement, son vin n'est vendu qu'à partir du moment où le consommateur final, c'est-à-dire le client au restaurant, a payé sa bouteille. C'est donc un circuit commercial où les délais de paiement sont plus longs que le circuit classique. Deuxièmement, la définition d'un prix de marché pour chaque produit de sa gamme est un préalable indispensable : le vigneron doit positionner le prix de ses vins par rapport à des produits de qualité similaire. Le succès d'une politique commerciale repose sur la juste rémunération non seulement du producteur, mais de tous les intermédiaires commerciaux. ' Les cavistes spécialisés dans la restauration représentent une population plus limitée, mais semble en développement du fait de la diminution du nombre de grossistes desservant la restauration. Il s'agit donc d'une nouvelle ' race ' de cavistes qui, en plus de la vente en magasin, développe une activité de conseil et de vente aux restaurateurs.

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