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Controverses scientifiques au sujet de l'esca et du BDA

La vigne - n°174 - mars 2006 - page 0

Les symptômes foliaires d'esca et de black dead arm ne seraient pas uniquement dus à l'intoxication de la vigne par les champignons. Ils pourraient être la conséquence de ruptures dans la circulation de la sève dans le tronc. Cette nouvelle hypothèse est controversée.

Le débat est animé au sein de la communauté scientifique. Récemment, Pascal Lecomte, de l'Inra de Bordeaux, a suggéré que l'expression des symptômes d'esca et de black dead arm (BDA) ne serait pas due uniquement à l'action de champignons. Elle pourrait aussi être liée à des situations de stress. Selon Pascal Lecomte, dans des parcelles adultes plantées d'un cépage fragile, 70 % des ceps peuvent être porteurs de nécroses, mais seulement 3 à 5 % expriment des symptômes visibles sur les feuilles. Pourquoi ? Et comment expliquer que ces symptômes n'apparaissent qu'en été ? Peut-être parce qu'il fait chaud et sec.

Entre juin et juillet 2004, pour comprendre la formation des symptômes de BDA, les chercheurs ont observé deux parcelles de cabernet-sauvignon dans le Bordelais. A chaque passage, ils ont prélevé les ceps malades. Au total, ils en ont collecté 23. Tous présentaient des symptômes foliaires de BDA, et d'importantes nécroses nichées à l'intérieur du tronc, caractéristiques de l'esca.
Ces ceps malades montraient aussi les nécroses caractéristiques du BDA. Ce sont des veines marron que l'on découvre en écorçant les troncs. Elles les parcourent de haut en bas, étant parfois interrompues par du bois sain. Sur la moitié des ceps malades, une veine nécrosée s'est formée dans le prolongement d'une lésion des tissus à la suite de la pliure et de la fixation de la baguette au fil de palissage. Sur l'autre moitié, elle s'est constituée à la base de plaies de taille ou d'épamprage. D'où l'hypothèse que les veines nécrosées ont pour origine des ruptures de circulation de la sève. Des points de faiblesse, nés de la taille ou du palissage, favoriseraient ces ruptures en période d'alimentation hydrique difficile de la plante.

Le risque d'accident serait aggravé par l'infection de l'esca, qui diminue le volume de bois fonctionnel. Les ruptures de la circulation de la sève provoqueraient un dessèchement foliaire plus ou moins localisé et cette coloration rouge vineuse typique du BDA qui, ensuite, laisse la place à des colorations rouges claires ou jaunes, caractéristiques de l'esca. Les mécanismes biochimiques impliqués dans ces désordres physiologiques ne sont pas encore connus.

' En été, l'eau devient un facteur limitant, alors que la plante a des besoins importants, surtout si la végétation a été vigoureuse au printemps. Elle peut donc se retrouver en situation de déséquilibre. Or, plus elle a de nécrose, plus le volume de bois fonctionnel diminue, et plus la plante peut avoir du mal à gérer le stress. Elle pourrait subir des embolies gazeuses, phénomènes connus chez les végétaux, mais pas encore à la vigne . '
Ces accidents vasculaires provoqueraient une oxydation des vaisseaux du bois, puis leur brunissement. Ensuite, les champignons, notamment les Botryosphaeria impliqués dans le BDA, envahiraient les tissus lésés et aggraveraient les nécroses, les rendant irréversibles.
Mais d'autres scientifiques contestent le rôle des stress hydriques. ' Des chercheurs italiens ont montré que c'est au cours des étés doux et pluvieux qu'il y a le plus de symptômes de la forme lente de l'esca. C'est contradictoire ', expose Philippe Larignon, de l'ITV de Nîmes.
Des travaux de Lucia Guérin et de Jean-Pascal Goutouly, autre équipe de l'Inra et de l'Enita de Bordeaux, vont dans le même sens.

Depuis 2004, ils recherchent les facteurs agronomiques favorisant l'expression des symptômes de maladies du bois. Pour cela, ils ont observé une vingtaine de parcelles de cabernet-sauvignon, situées dans quatre vignobles : Médoc, Graves, Entre-deux-Mers, Grand Libournais. Pour chaque parcelle, ils ont noté de nombreux critères (état sanitaire, nature des sols, état hydrique, nutrition, mode de conduite, mesures prophylactiques). Les premiers résultats indiquent que l'expression des maladies du bois pourrait être favorisée dans les sols argilo-limoneux dotés d'une importante réserve utile. Un constat qui avait déjà été fait en Champagne par le CIVC.

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