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Agressif ou casanier : les deux facettes du mildiou

La vigne - n°174 - mars 2006 - page 0

Deux mildious existent. L'un est abondant, produit peu de cycles secondaires et libère des spores qui voyagent peu. Il cause la plupart des épidémies. L'autre est rare, mais peut se multiplier énormément en cours de saison et d'essaimer sur de grandes distances. Telles sont les conclusions de chercheurs suisses.

Le mildiou n'a pas fini de dévoiler ses secrets. Depuis cinq ans, des chercheurs suisses de l'Institut fédéral de technologie et des sciences de la plante, à Zurich, l'étudient grâce à l'analyse génétique par microsatellites. ' C'est la même technique que celle utilisée pour les tests de paternité ou pour identifier les coupables dans les enquêtes judiciaires ', expose Davide Gobbin, chercheur. En 2000 et 2001, les scientifiques prélèvent et analysent des taches d'huile tout au long de la saison en Suisse, en Allemagne, en France et en Italie. Puis, ils déterminent leur profil génétique. Selon eux, lorsque les lésions ont le même profil, elles proviennent de la même contamination primaire. A l'inverse, lorsque les profils de deux taches divergent, elles sont issues de deux contaminations différentes.
La raison est simple. Les contaminations sont provoquées par les oeufs d'hiver. Or, ces oeufs sont issus de la multiplication sexuée. Ils sont donc tous différents les uns des autres. Si, sur une parcelle malade, les taches de mildiou ont toutes des profils génétiques différents, cela signifie qu'elles proviennent d'oeufs d'hiver différents. En revanche, si elles ont toutes le même profil, elles proviennent du même oeuf, qui s'est énormément multiplié et propagé.
Sur les 7 000 analyses effectuées, les chercheurs ont observé une grande diversité de profils génétiques. Par exemple, c'était le cas sur une parcelle non traitée, située à Blanquefort (Gironde), où 60 % des taches collectées étaient d'un génotype différent. En 2003, ils rendent leurs premières conclusions : les oeufs d'hiver ne se contentent pas d'initier l'épidémie au printemps. Ils peuvent germer et engendrer des taches jusqu'en juillet.
En début de saison, seule une modeste partie des oeufs d'hiver est mûre. Ces derniers germent et engendrent des foyers primaires. Ensuite, à la faveur des pluies, d'autres vagues d'oeufs d'hiver arrivent à maturité. Ils provoquent d'autres foyers primaires, que l'on ne perçoit pas comme tels lorsqu'on observe une attaque de mildiou. Il en est ainsi jusqu'en juin. Après cette date, la capacité de germination des oeufs d'hiver diminue. En août, leur contribution à l'épidémie est très faible.

Les chercheurs remarquent que ces foyers engendrent rarement une grande descendance. Ils génèrent peu de cycles secondaires, un ou deux en général. Les spores migrent peu. Elles restent concentrées autour du foyer initial. Ils en déduisent que les épidémies de mildiou sont dues à une succession de contaminations primaires, chacune suivie de contaminations secondaires à l'échelle de la feuille, du sarment ou du cep. Mais il n'y a pas de repiquage de la maladie sur de vastes distances.
Au sein de la communauté scientifique, on reste sceptique. Comment expliquer qu'elle ait pu coloniser toute l'Europe en quelques mois, si les spores voyagent peu ?
Les Suisses poursuivent leurs recherches. Ils analysent près de 15 000 taches issues d'une trentaine de vignobles d'Europe, d'Australie du Sud et des Etats-Unis.
Leurs dernières conclusions montrent qu'il existe deux mildious au comportement différent. L'un se développe à la suite d'une succession de contaminations primaires tout au long de la saison, selon le schéma décrit précédemment. L'autre se propage selon la théorie classique : ses premiers foyers apparaissent en début d'épidémie. Ils produisent des spores, qui engendrent plusieurs cycles de contaminations secondaires à la faveur des pluies.
En général, ce sont des épidémies riches en contaminations primaires qui se produisent en Europe. Toutefois, dans certaines situations, une souche prend le dessus. Elle se propage rapidement sur une parcelle. Par exemple, ce fut le cas en Allemagne, à Fribourg, en 2004. ' Au départ, cette parcelle était exempte de mildiou. Mais des pluies sont arrivées. Trois jours après, elle était remplie de taches d'huile. On en a dénombré une soixantaine par cep, soit 500 000 taches par hectare. On a vu qu'elles avaient toutes le même profil génétique. Le génotype en question était identique à celui de la souche utilisée dans une parcelle voisine de 30 m pour faire des tests fongicides ', indique Davide Gobbin.

Selon les chercheurs, cette situation résultant de la présence généralisée d'une souche agressive est rare. ' Nous ne l'avons rencontrée qu'une fois en cinq ans. ' En revanche, de telles souches sont capables de se multiplier un grand nombre de fois et de migrer très loin. ' Si elles arrivent en début de saison, elles peuvent faire beaucoup de dégâts ', remarque Davide Gobbin.
Quels sont les facteurs favorisant leur apparition ? Pour l'instant, le mystère demeure. On sait seulement que derrière chaque épidémie se cache soit une souche extrêmement agressive, soit une multitude de souches peu mobiles et possédant une faible capacité de multiplication, soit une combinaison des deux.

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