Les carences en azote des blancs induisent des difficultés fermentaires et une moindre richesse en arômes. Pour les éviter, il faut soigner la fertilisation sans tomber dans l'excès.
L'azote est décidément un élément délicat. Tout le monde connaît les conséquences des apports massifs sur la qualité des vins. L'excès d'azote augmente la vigueur et favorise la pourriture grise. Les rendements sont plus élevés, les raisins moins riches en composés phénoliques.
C'est pourquoi, pour faire des rouges de qualité, on recherche plutôt un niveau d'azote proche de la carence. Mais sur les blancs, la problématique est différente. Il ne faut pas aller trop bas, les carences pouvant avoir aussi des effets néfastes. Ces dernières engendrent des teneurs en azote des moûts faibles, ce qui provoque des fermentations languissantes, avec un risque d'augmentation de l'acidité volatile et d'oxydation. Récemment, des chercheurs allemands ont montré que le manque d'azote sur les blancs pouvait être la source d'un vieillissement atypique des vins. Ils ont identifié la 2-aminoa- cétophénone comme étant l'une des molécules responsables. Elle donne des goûts de savon, de naphtaline, de fleur d'acacia... Des notes signant un défaut des vins.
En 2001, Xavier Choné, consultant à Bordeaux (Gironde), montre que la carence en azote sur le sauvignon induit une moindre richesse en précurseurs d'arômes. Il note qu'elle engendre plus de composés phénoliques, qui se transforment en quinone pendant les opérations préfermentaires et s'attaquent ensuite au peu d'arômes présents.
Dans sa thèse(1), Xavier Choné compare trois niveaux d'alimentation en azote du sauvignon. Dans le premier, la vigne est fortement carencée. La surface foliaire secondaire et les rendements sont faibles. Dans le deuxième, la vigne est également carencée, mais un apport de 60 unités d'azote est effectué après la floraison. Dans le dernier niveau, la vigne est naturellement riche en azote. Dans tous les cas, l'alimentation hydrique n'est pas limitante.
D'après les résultats, l'apport d'azote n'a pas eu d'incidence sur le rendement, ni sur la surface foliaire primaire. Par contre, il engendre une augmentation de la surface foliaire secondaire et du poids des bois. Au niveau des moûts, l'apport d'azote induit une hausse significative de la teneur en précurseurs d'arômes. De même que les teneurs en glutathion et en cystéine sont respectivement sept et trois fois supérieures à celles de la parcelle légèrement carencée, d'où un effet positif sur la teneur en composés réducteurs, gage d'une meilleure expression aromatique. En blancs, l'azote est donc un facteur important à prendre en compte pour la préservation des arômes soufrés typiques du sauvignon et que l'on retrouve dans de nombreux autres cépages.
Fort de ce constat, Thierry Dufourcq, de l'ITV Midi-Pyrénées, a voulu voir si en augmentant la teneur en azote des moûts, on favorise la qualité des vins blancs. Depuis deux ans, il teste dans le Gers l'effet d'apports modérés d'azote foliaire sur les arômes du colombard et du manseng. ' Lorsque l'on pulvérise de l'azote foliaire à la véraison, une grande partie va migrer dans les grappes. On agit donc sur la qualité azotée des moûts sans modifier la vigueur ', indique-t-il. Dans son essai, il a apporté 10 unités d'azote sous forme d'urée dans une parcelle vigoureuse et dans une parcelle un peu carencée. Les résultats préliminaires montrent un effet net de cet apport dans la parcelle carencée. ' Les vins sont beaucoup plus riches en thiols. ' Dans la parcelle vigoureuse, les résultats ne sont pas connus, car les vins n'ont pas encore été dégustés.
L'ITV de Nantes a mis en place un essai similaire sur le melon, en situation de très forte carence. Les premiers résultats devraient être communiqués dans un an.
(1) Contribution à l'étude des terroirs de Bordeaux : étude des déficits hydriques modérés, de l'alimentation en azote et de leurs effets sur le potentiel aromatique des raisins de Vitis vinifera L. CV. sauvignon blanc (2001).