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La résistance aux antibotrytis

La vigne - n°177 - juin 2006 - page 0

Les premières résistances aux antibotrytis apparaissent en Champagne entre le début des années 70 et le début des années 80. Elles affaiblissent sérieusement les benzimidazoles et les imides cycliques que les vignerons ont utilisés massivement.
Constatant la perte d'efficacité des imides, les techniciens cessent de les préconiser de 1983 à 1985. Ils les réintroduisent progressivement à partir de 1986.

Mais l'histoire se répète. De nouvelles résistances apparaissent. En 1991, l'efficacité des programmes en Champagne ne dépasse plus 20 %. En 1993, les techniciens conseillent de faire l'impasse sur les traitements antibotrytis, et de miser uniquement sur les mesures prophylactiques.
Pour éviter un retour de ce mauvais scénario, le botrytis est très surveillé depuis les années 80. En 2005, la Protection des végétaux (PV) a analysé 219 échantillons provenant de neuf régions viticoles : Alsace, Aquitaine, Bourgogne, Centre, Champagne-Ardenne, Midi-Pyrénées, Pays de Loire, Poitou-Charente et Rhône-Alpes.
Sans surprise, la résistance aux imides cycliques est la plus implantée. Elle est présente dans 83 % des parcelles testées, suivie de celle au Sumico (78 %), puis de celle aux benzimidazoles seuls (71 %). Mais dans ces parcelles, seules 10 à 20 % des souches de botrytis sont résistantes. Les autres restent sensibles à ces antibotrytis. Les résistantes aux imides, au Sumico et aux benzimidazoles sont donc répandues, mais minoritaires.
Dans 20 % des parcelles, la Protection des végétaux a trouvé des souches résistantes aux anilinopyrimidines. Elles se répartissent surtout en deux groupes : les ANI R1 et les ANI R2. Les premières sont spécifiquement et fortement résistantes aux anilinopyrimidines. Comparées à 2004, elles sont plus répandues géographiquement, mais en proportion moins importante au sein des parcelles. En Champagne, ' les ANI R ne se rencontrent que sur 5 à 10 % des parcelles , assure Marie-Laure Panon, du CIVC. Elles sont stables. Elles sont bien gérées par la limitation d'emploi des produits à une famille chimique par parcelle et par an '.
Les ANI R2 résistent faiblement aux anilinopyrimidines et au fludioxonil. Avec les ANI R3, elles appartiennent au groupe des MDR ( multi drug resistant). En 2005, la PV a constaté une baisse importante des ANI R2, sauf en Bourgogne et en Champagne.
Les ANI R3 sont faiblement résistantes aux anilinopyrimidines, au fenhexamid, au boscalid et aux DMI (triazoles...) en Champagne. Mais elles sont rares. De plus, il n'y a toujours pas de souches qui résistent uniquement au fluazinam (Sekoya) ou au fludioxonil (Géoxe).
La nouveauté de 2005, c'est l'apparition d'une résistance spécifique au fenhexamid (Teldor, Lazulie). Les souches sont peu fréquentes. Mais ' cette résistance est plus importante en Val de Loire qu'ailleurs ', s'étonne Isabelle Renaudin, expert national botrytis de la PV.

Pour l'instant, aucune baisse d'efficacité des produits n'est détectée au champ. Mais ces antibotrytis ne sont presque plus utilisés. Ces résultats méritent d'être confirmés en 2006, car l'année 2005 a été défavorable au botrytis, sauf en Champagne.
Dans cette région, un autre phénomène préoccupe les techniciens. La fréquence des souches MDR, multirésistantes, augmente plus vite qu'ailleurs. Leur découverte date de 1994, d'après les travaux de l'Inra de Versailles. ' Elles utilisent un mécanisme de résistance assez généraliste, dit Marie-Laure Panon. Elles surproduisent un transporteur membranaire responsable de l'excrétion des molécules toxiques hors de la cellule. Il en résulte une diminution de la concentration en matières actives au sein de leurs cellules. '
A l'issue de la campagne 2005, les MDR sont présentes sur 90 % des parcelles surveillées par le CIVC. Au sein des parcelles, elles représentent 45 % des souches de botrytis. L'an dernier, en Champagne, l'efficacité des programmes a été de 55 % seulement, contre 70 % les années précédentes. Selon le groupe de travail qui suit l'évolution des résistances, les MDR ne sont pas forcément en cause dans cette baisse. ' En 2002 et 2004, le vignoble n'avait connu que des attaques tardives. En 2005, il a subi des attaques précoces, réactivées en fin de saison. La perte d'efficacité des programmes de lutte s'explique peut-être par le profil épidémiologique particulier de l'an dernier ', suppose Marie-Laure Panon.
Laure de Bastard, chez Syngenta, suit des parcelles en Champagne. Elle incrimine également les traitements. Elle estime qu'ils n'ont pas toujours été positionnés préventivement par rapport aux attaques de botrytis.
A l'Inra de Versailles, Pierre Leroux se veut tout aussi rassurant : ' L'efficacité des programmes n'est pas menacée par les MDR. Elle est probablement plus faible, mais la situation n'est pas dramatique. '

Il n'en demeure pas moins que plus les parcelles sont traitées, plus elles abritent des souches MDR. Et Marie-Laure Panon évoque l'hypothèse d'un niveau de résistance au-dessus duquel l'efficacité des programmes s'effondrerait. ' L'alternance des familles chimiques est inutile dans le cas des MDR . A partir de cette campagne, nous ne conseillons plus zéro ou trois traitements, mais zéro à trois traitements, en tenant compte de la sensibilité de la parcelle, en insistant sur la prophylaxie et l'enherbement. '
Pourquoi tant de résistance aux antibotrytis ? Pour Pierre Leroux, ' le botrytis ne développe pas plus aisément de résistances que les autres maladies : en sporulant, il engendre une variabilité génétique importante qui se traduit par l'apparition, puis la sélection de phénotypes résistants '. La résistance intervient d'autant plus facilement que la plupart des antibotrytis ont une action monosite.
' Pour limiter le niveau des résistances spécifiques, il faut respecter la restriction d'utilisation des familles chimiques à un traitement par an, en jouant l'alternance des modes d'action d'une année sur l'autre ', prévient Pierre Leroux. La carte du raisonnement est plus que jamais d'actualité.

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