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Casablanca : les meilleurs blancs du Chili

La vigne - n°177 - juin 2006 - page 0

En un quart de siècle, les terres de la vallée de Casablanca sont devenues les plus chères et les plus prisées du pays. Les conditions y sont idéales pour la maturation des blancs.

Il y a vingt-cinq ans, dans la vallée de Casablanca, il n'y avait pas de vignes, que des élevages laitiers et des cultures fourragères. Le manque de rivières, de sources, de réseaux électrique ou téléphonique en faisait une région peu propice à une agriculture autre que traditionnelle. A cette époque, l'oenologue de la fameuse entreprise Concha y Toro, Pablo Morandé, cherchait de nouvelles terres. Il voulait produire des vins de climat froid, qui n'existaient pas encore au Chili. Aujourd'hui, on l'appelle le ' pionnier de la vallée de Casablanca '.
En 1980, il découvre cette région côtière qui lui fait tant penser à la vallée de Napa, en Californie. ' Napa aussi était au départ une région d'élevage laitier. Le climat, la végétation, le sol de Casablanca y ressemblent énormément , explique-t-il. Quand j'en ai parlé à Concha y Toro, ils m'ont traité de fou, mais ils m'ont donné carte blanche. En 1981, j'ai acheté 20 ha. J'ai déboisé, fait poser l'électricité, creusé des puits et planté du chardonnay, du sauvignon blanc et du riesling. '

Une pluviométrie de 450 mm répartie uniquement durant l'hiver austral, entre mai et octobre, une influence maritime, une température moyenne en été de 25ºC : il y avait là de quoi obtenir une maturation lente du raisin, préservant les arômes du chardonnay ou du sauvignon. Les sols maigres, légèrement sablonneux, laissaient présager que les vignes seraient peu vigoureuses. Effectivement, les rendements ne dépassent pas 8 t/ha, contre 15 t/ha dans le reste du pays.
Mais Pablo Morandé avait oublié un détail : le gel de printemps. ' La première année, j'ai tout perdu. L'année suivante, j'ai obtenu le raisin que j'espérais, complètement différent de ce que produisait la zone centrale du Chili. ' En 1989, deux grandes entreprises lui emboîtent le pas : Santa Emiliana et Santa Rita. Aujourd'hui, le chardonnay domine avec près de 1 800 ha, suivi par le sauvignon blanc (750 ha), le pinot noir (475 ha) et le merlot (434 ha).
Le Français Thierry Villard s'installe au début des années 90. ' Je cherchais à investir au Chili. J'ai trouvé à Casablanca un climat tout à fait particulier , explique-t-il. En Europe, il faut compter entre 100 et 120 jours de la fleur à la récolte. Ici, c'est 120 à 140 jours. Nous ramassons le chardonnay en général début avril, ce qui est l'équivalent de début octobre dans l'hémisphère Nord. On peut se permettre de ramasser plus tard, parfois même à la mi-avril, car on sait qu'on ne va pas avoir de pluie. Cette maturation lente du raisin donne au vin des caractéristiques très particulières, avec un potentiel alcoolique de 14º sans avoir à rajouter d'acidité. Ça donne des vins bien équilibrés. '
Aujourd'hui, la vallée de Casablanca est l'une des plus prestigieuses régions viticoles chiliennes et la plus renommée pour les blancs. La plupart des grandes entreprises du pays y achètent du raisin pour produire leur propre Casablanca Valley. La région compte trente vignobles, mais seulement huit chais. Concha y Toro ou Santa Rita vinifient loin de là, dans la vallée de Maipo. Plusieurs vignobles et chais sont aux mains d'étrangers. Indomita est hollandais. William Cole appartient à un Américain. Le domaine de Lapostolle est dirigé par la Française Alexandra Marnier Lapostolle.

Des Chiliens inconnus du monde du vin viennent aussi tenter leur chance, comme Felipe Rodrigez et sa famille. Ils possèdent 70 ha. Ils ont acheté des vignes en 1991. Jusqu'en 2003, ils vendaient toute leur récolte. Puis, ils ont voulu vinifier leur propre vin sous la marque Catrala. Plutôt que d'investir, Felipe Rodrigez est allé voir Thierry Villard pour qu'il lui loue des cuves au sein de son chai.
Mais la vallée manque d'eau. L'ouverture de chaque nouveau puits est soumise à une législation très contraignante. Les terres irrigables sont rares. Et comme elles sont d'un excellent rapport, leur prix a flambé. ' Le long de l'autoroute principale, l'hectare coûte 50 000 euros ', explique Thierry Villard. Ces prix sont les plus élevés sur l'ensemble du pays !

Autre problème : le gel tardif au printemps. Se protéger de ce fléau coûte cher. ' Le climat est à la fois favorable et défavorable à la viticulture , souligne Anibal Ariztia, de l'association Viñas de Chile et administrateur de Viñas Santa Rita. Le gel produit des maturations disparates. Mais si on arrive à le combattre, l'alternance de jours chauds et de nuits plus fraîches, pendant la maturation du raisin, permet de produire des vins blancs de grande qualité ', qui se vendent cher. ' Il existe peu de bouteilles en dessous de 10 euros FOB ', précise Thierry Villard. Et 90 % de la production de Casablanca est exportée.
Casablanca dispose d'un autre atout : son emplacement. L'autoroute la plus passante et la plus touristique longe la vallée de Santiago à Valparaiso. Quinze millions de personnes y circulent chaque année. Le résultat ne se fait pas attendre : alors qu'aucune entreprise ne fait la promotion du tourisme oenologique, Casablanca est visitée par 600 000 personnes par an.

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