Lorsqu'un descendant a participé sans rémunération aux travaux de l'exploitation, il peut demander un salaire différé lors du décès de l'exploitant. Ce dernier peut aussi régler cette dette de son vivant, ce qui clarifie la situation pour tous les héritiers.
'En Alsace, les jeunes ont un statut au sein de l'exploitation depuis longtemps, témoigne Claude Sourice, directeur du Centre de gestion et d'économie rurale de Rouffach (Haut-Rhin). Cela s'explique probablement par le fait que les domaines dégagent suffisamment de revenus pour rémunérer le futur repreneur, d'autant que ce salaire crée une charge fiscale. ' Dans cette région, la question du salaire différé se pose peu. Ailleurs, elle reste d'actualité.
Le salaire différé est une indemnité perçue par un descendant qui a travaillé sur l'exploitation familiale sans être payé. ' De nos jours, cette situation semble rare, précise-t-on au Conseil régional des notaires de la cour d'appel de Bordeaux (Gironde). Néanmoins, de nombreuses personnes travaillent ou ont travaillé dans ces conditions. Les successions seront encore concernées pendant plusieurs années. Des problèmes familiaux naissent à ce sujet et se terminent trop souvent par des procès. '
Pour prétendre à un salaire différé, il faut remplir certaines conditions. En premier lieu, il faut être majeur au moment où l'on a travaillé avec ses parents. Les années avant 18 ans ne sont pas prises en compte. Ensuite, il faut avoir participé aux travaux de l'exploitation, pas forcément de façon permanente, mais pas non plus occasionnellement.
Une aide durant les week-ends et lors des vacances n'ouvre pas droit au salaire différé. Elle est assimilée à un coup de main. Une aide aux travaux ménagers ou à la comptabilité de l'exploitation n'est pas non plus prise en compte. En revanche, la pluri-activité n'empêche pas de demander un salaire différé, sous réserve que l'emploi occupé en dehors de l'exploitation permette effectivement de participer aux travaux.
Le salaire différé n'est exigible qu'au décès de l'ascendant exploitant. La demande doit donc intervenir au moment de l'ouverture de la succession. Si l'exploitation est mise en valeur conjointement par les deux parents, le salaire différé peut être exigé une seule fois, au décès du premier parent ou du second. Un enfant ne peut donc pas exiger son salaire différé du vivant de ses parents. En revanche, ses parents peuvent le lui verser, dans le cadre d'une donation-partage par exemple. Cette solution de sagesse est recommandée par tous les juristes pour maintenir la paix dans les familles.
Le bénéficiaire d'un salaire différé a droit, pour chaque année travaillée, aux deux tiers de 2 080 fois le montant horaire du Smic en vigueur lors du jour du paiement. Sur la base du Smic actuel, le montant de l'indemnité s'élève à 11 134,93 euros par année de travail. Le droit au salaire différé est plafonné à une période de dix ans, même si la participation dépasse ce nombre d'années. Le paiement peut s'effectuer en argent ou en nature. A compter du jour de l'ouverture de la succession, le droit au salaire différé est valable pendant trente ans. Il est exonéré des droits de succession et de l'impôt sur le revenu.
Celui qui a travaillé à l'extérieur pendant les années de sa participation bénévole aux travaux de l'exploitation verra son salaire différé diminué de la rémunération perçue à l'extérieur. Le fait d'avoir été nourri et logé ne constitue pas un obstacle à la demande de salaire différé. C'est même pour cette raison que le législateur n'accorde que deux tiers de 2 080 Smic horaire/an. De plus, le bénévole peut avoir perçu de l'argent de poche, voire un petit salaire, qui viendra en déduction du salaire différé.
' Même si le salaire différé n'est dû qu'au décès de l'exploitant, nous recommandons aux exploitants de le régler de leur vivant , précise le service juridique de la FDSEA du Maine-et-Loire. Depuis les années quatre-vingt, les exploitants profitent généralement de l'installation de leur enfant qui a travaillé bénévolement pour régler cette question. Le salaire différé vient alors en déduction de la reprise. Mais pour les générations âgées de plus de 40 ans et dont les parents sont toujours en vie, souvent la question n'a pas été réglée. Quand il y a contestation de la part des frères et soeurs, il est difficile de justifier de ne pas avoir perçu de rémunération. '
Pour prévenir toute contestation, les notaires et les avocats conseillent au futur bénéficiaire d'effectuer, avec l'exploitant, une déclaration à la mairie de son domicile, tous les ans. Cette déclaration doit préciser les conditions dans lesquelles s'opère la participation bénévole aux travaux : nombre d'heures hebdomadaires, travaux réalisés. Si ces précautions n'ont pas été prises, ' le relevé de carrière de la MSA peut justifier d'une présence non rémunérée dans l'exploitation. Et pour les personnes dont le relevé est incomplet, il ne reste que la solution du témoignage des proches ou des voisins ', explique Claude Sourice.